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07/06/2011

Des peuples qu’on dit ennemis

  

 

 

La pièce a été publiée en 1989. Elle a été jouée dans le monde entier. On la croirait écrite de la veille, tant elle touche à toutes les guerres dites « saintes ». Prétextes religieux, prétextes fallacieux pour écraser son voisin. « Tu ne tueras point » dit la Bible. « Celui qui tue un homme tue tous les hommes », dit le Coran, et pourtant, depuis que les prophètes les ont abandonnés, les peuples frères sont ennemis.

Dans Croisades, Michel Azama ne dénonce pas les coupables. Il peint les dégâts. Il désigne les victimes. Il montre l’enchaînement des malentendus, des préjugés, de l’ignorance.

Dans un univers atemporel, « là-bas », trottine un personnage sans âge : « Maman Poule ». Elle est depuis huit siècles à la recherche de ses enfants, dix garçons et quatre filles embrigadés dans la Croisade des enfants en 1212 ou celle des Pastoureaux, en 1251. Un moine avait prétendu que « seuls les pauvres, les humbles, les bergers » qui plaisaient à la Vierge, pourraient délivrer Jérusalem, car les chevaliers orgueilleux avaient déplu à Dieu. Pour pallier le « silence éternel de la divinité », on peut lui faire dire tout ce qu’on veut et on peut faire croire n’importe quoi aux enfants illettrés. Des milliers de jeunes prirent la croix, d’abord soutenus par Blanche de Castille. Mais prélats et chevaliers jugèrent le mouvement dangereux. Peu de pastoureaux arrivèrent à Jérusalem. Et ceux qui embarquèrent n’en revinrent pas.

Michel Azama reprend ce thème de la crédulité des enfants, toujours victimes de la parole de ceux qui les envoient au casse-pipe pour en tirer les bénéfices. Sur une idée de Lauren Houda Hussein (qui joue aussi) et Ido Shaked (qui met en scène), la pièce est créée avec des comédiens, israéliens, palestiniens, franco-libanais, franco-iraniens, franco-algériens et espagnols : Guy Elhanan, Hamideh Ghadirzadeh, Doraid Liddawl, Sheila Maeda, Ghassan El Hakim. Elle a été jouée à Saint-Jean d’Acre, et à Beer Sheva, Jérusalem, Jaffa. On y parle en hébreu, en arabe, en français, en anglais, en espagnol. Des sur-titres en français projetés permettent de suivre. Mais en réalité ces acteurs formés à l’école de Jacques Lecoq, font passer l’émotion sans qu’on comprenne toutes les paroles.

Sur l’espace sacré de la scène s’affrontent les enfants martyrs, les adolescents que des adultes manipulateurs, transforment en cibles, et des morts en errance qui cherchent en vain l’apaisement.

Le théâtre Majâz a exaucé un des rêves de Michel Azama : la réconciliation entre des peuples qu’on dit ennemis. Le Théâtre Majâz (métaphore en arabe) établit le dialogue entre les patries de la Méditerranée, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’une nation : « l’humanité ».

 

 

 

 

 

 

 

 

Croisades  de Michel Azama

Salle de répétition de la Cartoucherie

Jusqu’au 3 juillet

Lundi, mercredi, jeudi, vendredi à 20 h 30

Samedi à 14 h et 20 h 30

Dimanche à 14 h

01 43 74 24 08

Texte publié aux éditions Théâtrales

 

30/05/2011

Profession : comédien

 

 

 

Théophile Gautier adorait le théâtre, il peignait des décors, écrivait des arguments de ballets, et surtout bataillait pour ses amis du théâtre romantique, les soirs de première dans la salle, et le lendemain, dans les colonnes de La Presse  et des revues littéraires. Aussi, pour fêter le bicentenaire de sa naissance, Jean-Renaud Garcia a-t-il eu l’excellente idée de reprendre l’adaptation du Capitaine Fracasse, ce roman qui enchanta nos jeunes années et où, comme dans L’Illusion Comique de Corneille, ou Le Roman comique de Scarron, le héros se découvre une vocation, et choisit la profession de comédien.théâtre,littérature,th. gautier,théâtre 14

Conçue comme un feuilleton, où les genres se mélangent, et où le théâtre de tréteaux règne en maître, cette adaptation, est une totale réussite. Abel Gance, parodiant Cyrano de Bergerac, avait eu l’idée dans son Capitaine Fracasse (1943) de faire rimer Sigognac et Vallombreuse pendant leur duel. Dans cette adaptation scénique, Jean-Renaud Garcia fait rimailler Hérode (Albert Bourgoin) le chef de troupe, Albert Bourgoin (Hérode), tout au long de l’action, et c’est jubilatoire.

Le baron de Sigognac (Patrick Simon), noble ruiné vit seul avec son domestique Pierre. Un soir, une troupe de comédiens ambulants, se réfugie dans son misérable manoir. Il n’a rien d’autre qu’un toit à leur offrir, les comédiens partagent leurs provisions avec lui. Sigognac, n’est pas insensibles aux charmes des comédiennes, Isabelle (Marine Gay), Sérafina (Zoé Nonn), Zerbine (Marie Cuvelier). Le lendemain il part avec la compagnie. Et, comme il n’a plus un sou vaillant, que le comédien qui tenait le rôle de Matamore (Eric Chantelauze) décède opportunément, Sigognac va rapidement trouver un emploi. Mais comme il est réellement courageux, il sera le « Capitaine Fracasse ». théâtre,littérature,th. gautier,théâtre 14Et, de duels en assauts, (combats chorégraphiés par Nicky Naude) d’enlèvements en révélations, on découvre que l’abominable duc de Vallombreuse (Emmanuel Dechartre) qui convoitait Isabelle, est son frère, qu’elle est comtesse et que Sigognac peut l’épouser sans mésalliance. L’Amour  et l’amour du théâtre, quel beau mariage !

Jean-Renaud Garcia suit-il fidèlement le roman de Théo ? Franchement, peu nous chaut comme on disait sous Louis XIII. Le spectacle caracole avec les sus nommés, et Frédéric Guittet (Jacquemin), Patrick Hauthier (Mérendol et un musicien), Léonarde (Claire Maurier) qui transforme son rôle de mère noble en une sorte de Bélise énamourée devant les hommes d’épée. Les seconds rôles changent d’oripeaux plus vite que le rideau ne glisse sur la tringle et c’est sans respirer qu’on parvient au dénouement heureux.

Allez-y en famille, et retrouvez-les dans les festivals d’été, à Sarlat, à Collonges-la-rouge, et sûrement ailleurs…

 

 

 Photos : Lot

 

 

Il Capitano Fracasse d’après le roman de Théophile Gautier,

adaptation et mise en scène de Jean-Renaud Garcia

Jusqu’au 9 juillet

Au Théâtre 14

01 45 49 77

(attention aux horaires !)

20/05/2011

La fin d’un monde

 

théâtre,littérature,beckett,françon Ses géniteurs (Isabelle Sadoyan et Michel Robin) sont à la poubelle,  lui, Ham (Serge Merlin), est aveugle et Clov (Jean-Quentin Châtelain) le dos courbé, ne peut plus s’asseoir.

Vous les avez reconnus ? Les clowns tristes de Fin de partie dans le décor gris de cendre (Jacques Gabel) cher à Beckett attendent la « fin ». La fin de quoi ? Car, les êtres qui s’étiolent dans cette pièce aux hauts murs, percée non de fenêtres mais de lucarnes étroites, presque de meurtrières, vivent-ils encore ? Tout manque : la nourriture, la chaleur, les plaids, une chaise roulante, les calmants, et même les cercueils. Au dehors, « plus de nature », « plus de marées », « plus de lumière ».

C’est la fin d’un monde sans amour où la mort délivrerait de la méchanceté des hommes et de l'absence de Dieu. théâtre,littérature,beckett,françon

Dès les premiers mots, Clov, emploie le verbe « finir ». Et quel que soit le protagoniste, ce verbe sera conjugué de manière lancinante : participe passé, passé composé, présent, futur proche, subjonctif, futur, infinitif, tous les modes y passent.

Alain Françon, le metteur en scène s’appuie sur un texte « revisité » par Beckett « au fil de ses mises en scène » alors que nous connaissons surtout la version créée par Roger Blin, à Londres en 1957. Il est d’une fidélité exemplaire à l’auteur, et ses interprètes en restituent l’humour noir, ravageur.

 

Pitoyable image d’une humanité sur le déclin que ces personnages hargneux et malheureux. Fin de partie oblige à méditer sur le destin de nos sociétés. Une leçon de morale nécessaire.

 

 

 

Photos : © Dunnara Meas

 

 

Fin de Partie de Samuel Beckett

Théâtre de la Madeleine

Jusqu’au 17 juillet

01 42 65 07 09