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08/01/2010

Chacun cherche son double

 

 Des voiles pendaient, immobiles, et brusquement s’écartent, les cordages se tendent et les écartent découvrant un repaire fabriqué de perches métalliques et de cordes. Est-ce une île ? Un désert ? Une thébaïde ? Le vagabond qui entre, jette son havresac et appelle : « Raoul ! Raoul ! ». Il tente de pénétrer dans le réduit clos, et soudain, le rempart de perches s’écroule, et là, au centre de son refuge, un jeune homme est pris de panique, et se cache derrière un vieux rideau de velours rouge. C’est Raoul, nous l’avons deviné, et celui qui le cherche, lui ressemble comme un frère… James Thierrée vient de trouver son double.

Mais il a déjà disparu…

Lequel est resté ? Raoul ? Ou son jumeau ?

Se cache-t-il ? Ou est-il prisonnier d’un mur invisible ? Qui cherche Raoul ?

Quel pacte le lie à ce lieu qui tremble d’inquiétude pour lui, qu’il interpelle et qu’il apaise d’une caresse, d’une musique, d’un geste. Dans le monde de James Thierrée, l’inanimé s’anime, les hommes se réifient. Un énorme poisson d’or agite ses nageoires pour communiquer, la salle s’illumine quand le héros joue du violon, les parois vibrent de tendresse, des animaux étranges glissent sur scène comme dans un sommeil éveillé. Le son de Thomas Delot, magnifié par les volutes électriques de Matthieu Chédid, transporte dans cet univers étrange éclairé par Jérôme Sabre, où le bestiaire est signé Victoria Thierrée, et les costumes aussi. Des complices pour donner en scène l’illusion du double ? Magnus Jakobsson, Koari Ito, et Bruno Fontaine.

Que voyons-nous ? Rêvons-nous ? Ne sommes-nous pas la silhouette fragile qui se meut dans ce rêve qui ne nous appartient pas ? Et ne sommes-nous pas nous-mêmes à la recherche de ce double qui voudrait jaillir certains soirs ?

James Thierrée est cet enchanteur qui conquiert l’âme du spectateur par sa poésie et sa profondeur. Ne manquez sous aucun prétexte ses séjours dans votre ville. Quémandez une place, un strapontin, une marche, mais ne le laissez pas repartir sans avoir cherché Raoul avec lui.

 

 

Raoul  de et parJames Thierrée

Au théâtre de la Ville jusqu’au 5 janvier

Et en tournée France, Belgique, Irlande.

06/10/2009

Le temps d’apprendre à rire

 

 

Fred Pellerin est un conteur. Un chanteur aussi. Il nous vient du Québec.

Il entre en scène, et d’emblée, il nous est sympathique, avec sa guitare, ses cheveux fous, son pantalon écossais et l’accent de la belle province qui rappelle la France du temps où chaque région avait le sien.

Il doit être de la race des troubadours qui apportaient poésie, musique et légendes dans leurs étapes. Il chante : « La mort peut apparaître sans que vous l’attendiez », et pourtant, avec lui, la grande faucheuse n’est qu’un personnage comme les autres, parmi sa galerie.

Tous les gens de son village défilent. Le coiffeur et le « curé neuf », le forgeron et sa fille, la belle Lurette, le brasseur, et la mystérieuse dame « stroop », une « étrangère », qui défie les mœurs du bourg, et ne craint pas de braver la Mort.

Avec eux, près de Trois-Rivières, et avec lui, sur scène, toute la communauté s’agite. Il suffit de tirer le fil d’une histoire et toutes les autres fleurissent. Fred Pellerin digresse, progresse, extravague.

La langue bourgeonne de suffixes nouveaux, le verbe se conjugue à l’ancienne, le passé jamais simple devient le futur compliqué, mais ce n’est que le temps d’en rire Les cartes à jouer s’envolent, comme les papillons du hasard », et la mélancolie des légendes se teinte de joie profonde.

Est-il possible de vaincre la Mort ? Sans doute, puisque les histoires de sa grand-mère courent toujours. Et ces dates gravées sur les pierres tombales ? Ce ne sont pas les dates de mort, « ce sont des légendes qui viennent au monde ».

Car Fred Pellerin est aussi un philosophe…

 

 

 

 

L’Arracheuse de temps de et avec Fred Pellerin

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 31 octobre

01 44 95 98 21

à 18 h 30

 

29/09/2009

Cocteau-Sereys

 

Jean Cocteau aurait eu cent vingt ans cette année. Comme la Tour Eiffel. Mais il a traversé le miroir en 1963.

Jean-Luc Tardieu le fait revivre dans un spectacle composé comme une biographie, dont la conception est due à Jean Marais.

Jacques Sereys endosse l’habit du magicien que fut Cocteau, dans les lumières de Jacques Rouveyrollis, et le décor de Jean Marais reconstitué par Pierre-Yves Leprince.

Poèmes, aphorismes, chansons, extraits de textes, d’articles, Jean Cocteau livre son âme, sans masque et avec le sourire ironique de Jacques Sereys qui accentue sa ressemblance avec le poète.

L’acteur est rare. Le parcours est émouvant. Ne le manquez pas.

 

 

 

 

 

Cocteau-Marais

Studio-Théâtre

Jusqu’au 8 novembre

01 44 58 98 58

17:04 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, littérature, poésie |  Facebook | |  Imprimer