17/06/2016
Un songe enchanté
Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare a inspiré à Purcell un « semi-opéra » : The Fairy Queen. Je ne sais pas très bien ce qu’est un « semi-opéra », mais, j’affirmerais volontiers qu’Un songe d’une nuit d’été, adaptation des deux œuvres en une seule, par Wajdi Lahami, appartient au genre « chef d’œuvre ».
Le jeune Lysandre (Ivan Herbez) et la belle Hermia (Laetitia Ayrès) s’aiment et voudraient se marier. Mais le pater familias en a décidé autrement. « Ma fille m’appartient » et il veut qu’elle épouse Demetrius (Jules Dousset), duquel son amie Helena (Ariane Brousse) est éprise. Entre épouser ou mourir, les amants trouvent une troisième voie : l’enlèvement. Ils se donnent rendez-vous dans le bois d’Athènes pendant cette nuit d’été où tout un monde païen de fées, de lutins malicieux, d’êtres invisibles et souveraines, entoure les hommes d’une invisible et invincible puissance.
À cause de la jalousie d’Oberon (Maxime de Toledo), de la maladresse de Puck (Francisco Gil), la pauvre reine des fées Titania (Orianne Moretti) tombera amoureuse d’un âne, et Lysandre d’Helena. La magie (signée Nicolas Audouze) joue quelquefois des tours pendables.
Au bout d’une nuit très agitée, les amoureux seront réconciliés et réunis, et Puck dans son adresse au public dissipera l’illusion du spectacle en souhaitant « bonne nuit à tous. »
Certains rigoristes seront troublés de voir que dans l’adaptation de Wajdi Lahami, le Duc Thésée ne figure plus que sous la forme d’un persona tutélaire au premier acte, que la reine des Amazones a disparu ainsi que la troupe de comédiens qui joue Pyrame et Thisbé. Mais Ils devront reconnaître que l’esprit de Shakespeare est bien vivant dans l’heureuse mise en scène d’Antoine Herbez .
Les sept comédiens, qui sont aussi chanteurs, sont accompagnés de trois musiciens : Victorien Disse, (théorbe et guitare baroque) interprète aussi Papillon, Alice Picaud (violoncelle) est aussi Toile d’Araignée et Marie Salvat, (violon) est également Graine de Moutarde. Et quelle voix merveilleuses pour les chants issus de The Fairy Queen, judicieusement insérés dans l’ouvrage !
Les lumières Fouad Souaker rendent onirique la scénographie de Charlotte Villermet, construite de panneaux à la fois opaques et translucides, éléments mobiles sur fond de nuit américaine. Les costumes de Madeleine Lhopitallier opposent les couleurs froides ((blanc et indigo) de la réalité contrariée des amants, à celles chaudes et fauves des créatures surnaturelles. Il reste à féliciter Claire Faurot pour sa chorégraphie impeccable, et à remercier le Théâtre 14 d’accueillir sur sa scène étroite cet univers enchanteur pour ce songe enchanté.
Photos : © LOT
Un songe d’une nuit d’été d’après Shakespeare, musique de Purcell (The Fairy Queen) adaptation de Wajdi Lahami
Direction musicale Didier Benetti
Théâtre 14
01 45 45 49 77
Jusqu’au 1er juillet 2016
Mardis, vendredis et samedis à 20h30,
les mercredi et jeudis à 19h
matinée samedi 16 h - supplémentaire lundi 27 juin à 20h30
11:32 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, danse, humour, Littérature, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre 14, shakespeare, purcell, musique, poésie, littérature | Facebook | | Imprimer
30/10/2015
Un bon diable
On célèbre cette année le soixante-dixième anniversaire de la mort de Robert Desnos. Et Marion Bierry, pour lui rendre hommage a conçu un spectacle de cabaret avec trois comédiens, qui sont aussi chanteurs : Robert le Diable.
Rien à voir avec l’opéra de Meyerbeer, ni la légende médiévale, mais quand même un peu avec le poème d’Aragon, cette Complainte de Robert le diable dans laquelle le poète engagé témoigne de la prémonition poétique de celui qui fut son ami.
Robert Desnos n’était pas vraiment un diable, juste un peu iconoclaste, et surréaliste avec modération. Un bon diable en quelque sorte.
Il fut surtout un homme passionnément épris de liberté, puisqu’il s’engagea très tôt dans les luttes antifascistes (1934) et n’acceptant pas la défaite, en 1940, il renonça à ses idées pacifistes et entra en résistance. « Ce cœur qui haïssait la guerre », devint un combattant du groupe Agir et mourut en déportation.
C’est ce parcours que Marion Bierry raconte et chante, mêlant les Chantefables aux poèmes de lutte, les Sans cou, et les Destinées arbitraires. Sandrine Molaro, Vincent Heden, et Alexandre Bierry sont ses complices tour à tour malicieux et graves, charmeurs et émouvants.
Les textes s’enchaînent pour former un spectacle sensible qui devrait permettre de sortir Desnos du « chapitre de la curiosité limitée » qu’il se prédisait.
Ouvrez vos oreilles et vos cœurs à Desnos, chanté par Éluard, salué par Aragon, pleuré par Prévert. Il vous accompagnera longtemps, souriant, et peut-être vous apprendra-t-il à être libre.
Photo : © Matthieu Ponchel
Robert de diable, spectacle de cabaret conçu par Marion Bierry
Théâtre de Poche-Montparnasse
01 45 44 50 21
Tous les lundis à 20 h 30 jusqu’au 18 janvier.
18:39 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, culture, humour, langue, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de poche-montparnasse, poésie, desnos | Facebook | | Imprimer
15/10/2015
Un poisson nommé Claude
Grande Monsieur (Marc Lavoine) semble désabusé. Assise sur le même banc, Petit Fille (Géraldine Martineau) l’air effronté, l’accoste, le provoque, éveille sa méfiance, sa colère et finalement sa compassion. Elle dit que ses parents l’ont abandonnée, qu’elle a faim. Il l’invite avec la ferme intention de la ramener chez ses parents. Mais personne ne répond au téléphone. Elle est volubile, il est taciturne. Elle réclame des sucreries, il lui offre une soupe, puis un lit pour la nuit.
Non ce n’est pas ce que vous pouvez imaginer. Pas un soupçon de pédophilie. Pas de sexe, juste deux êtres que la vie a cabossés. Elle, avec son allure androgyne de gamine mal aimée : « ma mère dit que je lui pourris la vie ». Elle s’invente une vie aquatique parce qu’elle respire mal dans sa famille. Lui, solitaire, préfère les hommes et a avalé tant de couleuvres qu’il n’espère plus rien.
Qu’ont-ils en commun ? Un prénom asexué : Claude. Et la perte brutale de leurs parents.
Pourquoi un poisson « belge » ?
La scène se déroule à Bruxelles, c’est-à-dire, aurait ajouté Jarry « nulle part », ou plutôt, partout où deux humains essaient de panser leurs plaies.
Le « poisson » appartient à une légende japonaise sur le deuil, qui lui, est international. Nos deux Claude vont apprendre à pleurer ensemble, rire ensemble et regarder séparément vers l’avenir.
Cette jolie pièce en forme de conte philosophique est signée Léonore Confino mise en scène par Catherine Schaub. On y trouve une délicate poésie, une sensibilité aiguë.
Marc Lavoine qu’on avait déjà vu au cinéma et surtout dans la chanson fait ici d’excellents débuts au théâtre, sa partenaire, la petite Géraldine Martineau a tout d’une grande comédienne.
Et on leur souhaite beaucoup de spectateurs et de récompenses.
Photo : © Christophe Vootz
Le Poisson belge de Léonore Confino
Théâtre de la Pépinière-Opéra à 21 h
Tel : 01 42 61 44 16
14:57 Écrit par Dadumas dans Blog, éducation, humour, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, poésie, humor, marc lavoine, léonore confino, géraldine martineau | Facebook | | Imprimer