09/10/2011
Absolution accordée !
Anca Visdei est une séductrice. Yeux sombres attentifs à toutes les nuances de la réalité, lèvres sensuelles ouvertes sur un sourire ravageur, corps superbe, elle joue de son charme et enveloppe son interlocuteur (qui peut aussi être une interlocutrice) de paroles chaleureuses et pertinentes. Mais qu’on ne s’y trompe pas ! À la moindre ébauche de contrariété, les perles et les roses se transforment en crapauds. Elle est de celles qui ne seront jamais soumises.
Elle s’en explique dans un récit romanesque, évidemment intitulé : Confessions d’une séductrice qu’elle vient d’adapter pour le théâtre. Et si tout n’y est pas autobiographique, elle ne peut guère se dissimuler derrière son personnage, d’autant que pour jouer la protagoniste, Éva, elle a trouvé son double, Amélie Racoua, et l’entente a été immédiate.
À partir du roman, l’auteur a fabriqué une heure et demie de spectacle drôle et sensible où le combat pour la liberté se dissimule sous la beauté et l’élégance des formes. Par un besoin impérieux du dialogue, la narratrice abandonne vite le monologue pour interpréter aussi les répliques d’invisibles partenaires. Puis d’’un geste preste, elle se coiffe d’un chapeau-galette à voilette et devient aussi « grand’mère Sophie », cette indigne vieillarde qui enseignait à la jeune Éva que les hommes ne donnent que deux choses : « les sous et le sperme. » Belle éducation ! Très loin des fadaises romantiques…
Le « je « ayant glissé au « il », puis au « elle », il finit en « nous », avec un bienveillant partenaire, le pianiste Gilles Nicolas. C’est lui qui ouvre avec, en guise d’introït, la Marche nuptiale, qu’Éva, en grand deuil, interrompt pour exiger la Marche funèbre. Elle enterre son père, un homme tyrannique, prodigue, inconstant.
Sa vie peut commencer.
Le pianiste l’accompagne dans la poursuite de ses rêves. Musiques de films, idéales pour celles qui se fait son cinéma. Musiques classiques : Offenbach (Vie parisienne, ou barcarolles des Contes d’Hoffmann), Bizet (la Habanera de Carmen), Bach, Mendelssohn…
Après Gérard, il y aura Lucien, Philippe, Steve, Jacques, Drago, Jesús-Maria, et le dernier, celui pour lequel, elle revêt la robe de dentelle ivoire qui accompagne… la Marche nuptiale.
Le spectacle n’était parisien que pour six représentations. Je ne l’ai vu qu’à la dernière. La salle était comble. Souhaitons que l’équipe trouve une salle pour recevoir ces délicates Confessions.
Ce serait dommage de ne pas leur accorder une absolution enthousiaste.
Confessions d’une séductrice de Anca Visdei, mise en scène de l’auteur.
Au théâtre Darius Milhaud (mais c'est fini...)
15:08 Écrit par Dadumas dans Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, anca visdei | Facebook | | Imprimer
07/10/2011
Sacrée Femme !
La tendance est papale cet automne. Au cinéma, avec Habemus papam, Nani Moretti imagine un maelström au Vatican, avec un pape qui refuse d’assumer sa charge. Au théâtre, La Papesse américaine est à Paris après avoir fait un succès à Avignon.
Tiré d’un pamphlet d’Esther Vilar paru en 1982, et adapté par Robert Poudérou, le texte avait été créé par Eléonore Hirt. Il est toujours succulent.
Aujourd’hui, Nathalie Mann incarne cette femme, qui, en 2040, accède au trône de Saint Pierre. Elle triomphe, car depuis plus de deux mille ans, l’ Église catholique n’avait accepté les femmes que pour les tâches domestiques ». La légende veut qu’une femme, au IXe siècle ait berné la Curie et caché son identité sexuelle. Elle fut pape quelques mois sous le nom de Jean (la chronique n’est pas d’accord sur le quantième). Et que la supercherie fut découverte quand elle accoucha en pleine messe… Mais ce sont des médisances antipapistes, bien sûr.
En 2040, plus question de faire régner une loi « salique ». L’ Église catholique est en panne.
Plus d’ors, plus de pierres précieuses, d’aubes et de capes rebrodées, de tiare somptueuse, plus de faste, plus de conclave. Le pape est élu par ses fidèles, comme aux premiers siècles il était désigné par acclamations du peuple. Le trône est un fauteuil de plexiglas, l’impétrante est vêtue d’une longue robe noire élimée, et elle officie en studio, parrainée par la publicité.
Tout a été vendu aux banques et aux compagnies d’assurances. L’Église catholique est en ruines et a perdu cent millions de fidèles. Elle a pourtant levé tous les interdits : le célibat des prêtres, l’avortement, le divorce, l’homosexualité. Elle a montré la voie de la modestie par sa pauvreté, Elle n’a réussi qu’à renforcer les doctrines « radicales ».
La papesse Jeanne II, regard clair, verbe haut, sourire tranchant se propose de réparer les erreurs, et de rétablir le chef de l’ Église catholique dans sa fonction sacrée.
Sacrée femme ! Car elle se demande si l’homme aime vraiment être libre, s’il n’y a pas, pour la plupart un confort à obéir à un Dieu, et si l’âme n’est pas stimulée par la contrainte.
Nathalie Mann est superbe. Plus diablesse que prélate, plus pétroleuse que béate, elle est intrépide. Thierry Harcourt l’a mise en scène avec sobriété et efficacité.
Entraînera-t-elle des conversions ?
Photos : Mehdi Benhafessa
La Papesse américaine d’après Esther Vilar, adaptation de Robert Poudérou
Théâtre Essaïon
Du jeudi au samedi à 20 h
Jusqu’au 14 janvier
01 42 78 46 42
18:47 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, nathalie mann, robert poudérou, essaïon | Facebook | | Imprimer
06/10/2011
À lire (4)
Théâtre en livre
Chez Pierre Notte, le cercle de famille ressemble à une arène de combats. On se jauge, on s’insulte, on s’agresse. Mais que les parents déraillent ou vous quittent, on s’interroge, on ne les tient pas quittes pour autant.
Les mères sont maladroites, les fils fugueurs, les filles égocentriques et les pères coupables. Et tous ces personnages ponctuent leur quête par des chansons très dadaïstes. L’humanité est imparfaite et Dieu est absent.
Heureusement, il y a les saints modernes, les étoiles du cinéma, Catherine Deneuve, Gérard Philipe, et maintenant Liz Taylor. Heureusement, il y a les bêtes qui, avec une généreuse clairvoyance, témoignent de la cruauté imbécile des hommes. Loup, ourse, dans les pièces précédentes, voici le chien dans Sortir de sa mère. Et il reste le Théâtre !
L’animal « nottien » a remplacé le conteur brechtien.
On a gagné au change.
Notte Pierre, Sortir de sa mère, prologue de Fernando Arrabal, L’Avant-scène Théâtre, coll. Quatre-Vents, 10 €
18:21 Écrit par Dadumas dans Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, théâtre, chanson, pierre notte | Facebook | | Imprimer