13/03/2016
Richard Bohringer, le retour
Richard Bohringer est de retour.
Seul en scène. Œil pétillant, sourire aux lèvres. Il nous raconte des bouts de sa vie, écrits dans les attentes, rejoués dans les espoirs, imaginés dans les craintes.
Car, pour lui, depuis longtemps, « L’écriture est la seule vérité. Être vertical. Jeter les germes de l’amer. Trouver le son qui fera rebondir. L’inspiration court comme un nuage. Vite et sans remords. Le désespoir d’écrire devient cristal. Écrire.
Dieu païen, aide ton serviteur. Donne-moi l’oiseau bariolé. Celui qui aide à souffler la page blanche. »
Il dit sa « révolte », son présent, et un peu son espérance.
Il se confesse : « Je suis pas un gars de la syntaxe. Je suis de la syncope. Du bouleversement ultime. Je me fous du verbe et de son complément. »
Il évoque ses copains, embarqués dans « l’aéronef céleste », et conseille : « Faut pas faire le malin avec les mots. Faut les aimer. Ça file du bonheur les mots. »
Les siens, nous filent un sacré coup de tendresse.
Photo : © Alain Rousseau
Traîne pas trop sous la pluie de et par Richard Bohringer
Théâtre de l’Atelier,
Du mardi au samedi à 19 h
01 46 06 49 24
Pour trente représentations
depuis le 8 mars
16:42 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, rochard bohringer, théâtre de l'atelier | Facebook | | Imprimer
17/02/2016
Des cavaliers légendaires
Je suis toujours réticente devant les adaptations de roman au théâtre. Et transposer Les Cavaliers, magnifique roman de Kessel, avec les steppes afghanes, ses chevaux, ses combats, le bouzkachi qui "façonne les hommes", ses tchopendozs (compétiteurs acrobates), ses personnages hauts en couleurs, avec quatre comédiens, sur la scène du Théâtre La Bruyère, je n’y croyais pas !
J’avais tort.
Éric Bouvron adapte, met en scène (avec la complicité d’ Anne Bourgeois) et joue une version qui tient du prodige. Tout y est fluide, juste, inventif. Il interprète Mokkhi, le saïs (palefrenier) de Jehol « le cheval fou » du jeune maître, il est aussi son père, Toursène, dur, cruel, injuste, et Guardi Guedj, « l’aïeul du monde ». Benjamin Penamaria est le fils, Ouroz (en alternance avec Grégori Baquet), qui accomplit le terrible voyage initiatique, va souffrir mille morts, perdre sa dignité et la regagner, il sera aussi Osman Bay, le propriétaire. Maïa Gueritte incarne d’abord le batcha (enfant serviteur) de Toursène, que le maître défigure d’un coup de cravache. Elle sera aussi Zéré la nomade tentatrice, la perfide qui pousse Mokkhi à la trahison.
Pour décor il suffit d’un tapis, de quatre tabourets, d’un rideau que la lumière de Stéphane Baquet rend translucide, quelques accessoires, les costumes de Sarah Colas. Un musicien fabuleux, Khalid K recrée l’univers, avec le vent, le galop des chevaux, les coups de fouet, et tous les bruits du monde.
Et le cheval, qui, dans le roman est un personnage ? Si je vous dis qu’Éric Bouvron a complété sa formation d’acteur chez Jacques Lecoq, Peter Brook et Ariane Mnouchkine, vous aurez deviné que ce comédien fantastique sait donner au spectateur de quoi l’imaginer et le voir.
Le héros exorcise sa honte, le père accède à la pitié, le traître au repentir.
Et les spectateurs sont éblouis par ces Cavaliers légendaires si présents.
Courez-y… au galop, bien entendu.
Photos © Lot
Les Cavaliers d’après le roman de Joseph Kessel
Adaptation d’Éric Bouvron
Mise en scène d’Éric Bouvron et Anne Bourgeois
Théâtre La Bruyère à 21 h
01 48 74 76 99
Depuis le 3 février
22:07 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre la bruyère, kessel, littérature, eric bouvron | Facebook | | Imprimer
Pas de miracle à Castel Gandolfo
Le 28 juillet 1988, La Comédie-Française donnait à Castel Gandolfo, devant le pape Jean-Paul II, une représentation du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc de Charles Péguy. Antoine Vitez, le nouvel administrateur accompagnait ses sociétaires. Après le spectacle, Jean-Paul II s’attarda avec les participants. Jean-Philippe Mestre, grand reporter au Progrès de Lyon et auteur, enregistra les propos. Ces échanges sont devenus œuvre théâtrale : Jean-Paul II-Antoine Vitez, Rencontre à Castel Gandolfo.
Le Pape (Bernard Laineau) aime le théâtre. Il en a écrit quand il était jeune, il est monté sur scène. Il apprécie Péguy. Mais la politique sépare les deux hommes. Vitez (Michel Bompoil) ne pardonne pas à l’Église d’avoir excommunié les comédiens, soutenu l’Inquisition et protégé les criminels. Jean-Paul II reproche à Vitez d’être « compagnon » des communistes qui emploient les mêmes méthodes que l’Inquisition. Le Pape lui oppose qu’il est « dépositaire du passé » et ne peut « le réformer ».
Pas de décor, juste un fond lumineux qui rougit ou bleuit (lumières de Jean-Michel Blanchi). Pascal Vitiello, le metteur en scène, met en valeur la « parole » des deux hommes. Les deux comédiens la transmettent avec force et conviction.
Le dialogue entre l’artiste et le chef des catholiques est dense, élevé, argumenté. Jean-Philippe Mestre, s’inspire à la fois de la rencontre de 1988 et des écrits des deux hommes.
Le Pape parle de Dieu, de la foi, et de l’Éternité. Vitez parle de la raison, et pour lui, « le sacré, c’est le théâtre ».
Ils ne pourront jamais s’entendre, ni sur Dieu, ni sur les hommes. Il n’y aura pas de miracle à Castel Gandolfo.
On regrette que Jean-Paul II, qui parle ici d’un spectacle de 1974, Les Miracles, tiré de L’Évangile de Jean, qui cite la conversion de Claudel, n’ait pas un mot sur Le Soulier de satin (1987), immense succès qui fit de Vitez « une sorte de pontife » du Théâtre.
Mais on prend un réel plaisir à entendre ce débat de haut niveau, si rare actuellement.
Photos : © LOT
Jean-Paul II-Antoine Vitez, Rencontre à Castel Gandolfo de Jean-Philippe Mestre
Théâtre La Bruyère à 19 h
Depuis le 10 février.
01 48 74 88 21
17:48 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre la bruyère, a. vitez, jean-pauli i | Facebook | | Imprimer