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23/01/2012

Hôtel du temps qui passe


 

 

Ils sont tous morts un 3 juillet. Mais pas la même année. On a retrouvé Caroline (Gaëlle Pineihro) noyée, sur la plage en 1870, et on n’est même pas sûr qu’elle s’appelle Caroline, car elle ne se souvient de rien. Lord Hopking (Cristian Erickson), un écrivain raté  s’est éteint en 1930, Willy (Arnaud Denissel) s’est suicidé en 1959, et comme il était le directeur de l’Hôtel des Roches noires, tout est allé à vau-l’eau. Le palace n'a pas résisté au temps qui passe.

Le bâtiment est vendu, promis à démolition avant d’être  transformé en centre commercial. Pour des fantômes sentimentaux qui adorent jouer à cache-cache, c’est une catastrophe ! Quand Jules (Olivier Breitman) le promoteur arrive, ils  l’épouvantent et lui volent ses dossiers. Mais il reste Louise (Françoise Cadol)… Louise est « coincée dans la tête de Jules ». Et voici que l’orage amène une nouvelle cliente : Gloria (Ariane Pirie), « chauffeuse de salle » qui préfère croire qu’elle est une vedette. Elle vient d’être électrocutée mais elle ne l’a pas compris.

 L’Hôtel des Roches noires prend des allures d’Hôtel des deux mondes (E. E. Schmitt) associé à La Valse du hasard (V. Haïm). Cependant, la musique gomme tout aspect funèbre et fait de la mort une farce nostalgique, un état libérateur où les humains peuvent jouer comme des enfants.

Ecrit par Françoise Cadol et Stefan Corbin (qui joue le pianiste de l’hôtel), mis en scène par Christophe Luthringer, le spectacle est d’une belle originalité. Les duos sont particulièrement réussis : "écoute-moi !"/"libère-moi" chantent Jules et Louise. Ici, les histoires d'amour prennent des accents singuliers. L'ensemble ne manque pas de poésie.

Et il n’est pas nécessaire de croire aux fantômes pour admirer la réalité de ces jeunes talents.

 

 

L’Hôtel des Roches noires de Françoise Cadol et Stefan Corbin

Vingtième Théâtre

Du mercredi au samedi à 19 h 30

Dimanche à 15 h

01 48 69 97 90

depuis le 18 janvier jusqu’au 4 mars

 

 

22/01/2012

Le môme du Bronx


 

C’était un roman de Chazz Palminteri. Francis Huster en fait un monologue à plusieurs voix. Il est non seulement le jeune Cologio, « môme de neuf ans », témoin d’un assassinat, mais également son père, Lorenzo, le gangster Sony, caïd du quartier, Eddy la Poisse, Frankie tronche de cake, Phil le colporteur, et Jane la belle noire pour laquelle le jeune Italien, adolescent abandonnera les préjugés des siens.

Steve Suissa fait évoluer le comédien dans un espace restreint. A jardin, la façade l’immeuble où la famille italienne habite. En haut des quatre marches, la porte d’entrée est barrée d’un « keep out ». A cour, un lampadaire éclaire la brasserie close, ancien quartier général de Sony, la bouche d’incendie : 187e rue, au coin de Belmont Avenue. Au centre une ruelle mal pavée, en trompe-l’œil, partout des murs couverts de graffitis.

Le père conduisait un bus, il ne voulait pas se compromettre avec un truand, mais aurait trouvé déshonorant que son fil devienne un mouchard. Entre les commandements divins et  les amendements de la constitution, le catholique trouvait toujours le bon chemin.

C’est ainsi que Sony qui n’avait jamais eu de fils, devint le protecteur de Cologio, qu’il appela C. pour faire court. Les gens craignaient Sony, ils respectèrent C. qui devint « quelqu’un ». Puis un jour, il dut choisir entre son cœur et son clan. Et Sony fut de bon conseil.

Si bien qu’à la mort de Sony, père et fils se retrouvèrent devant la tombe du malfrat.

Francis Huster passe d’un personnage à un autre avec maestria. Il donne aussi à l'évolution de son môme une infinie tendresse. Et à travers ce récit, offre une belle leçon de tolérance.

 

 

 

 

Bronx de Chazz Palminteri, adaptation d’Alexia Perimony

Théâtre des Bouffes Parisiens

Du lundi au mercredi à 20 h 30

Vendredi 19 h

Samedi 18 h 45

Dimanche 18 h

 

15/01/2012

L’éveil des sens


 « L’éveil du printemps, paru en 1891, suscita un scandale lors de sa création en 1906. La pièce fut même interdite parce qu’elle choquait la morale. En effet, elle met en scène des adolescents  qui s'éveillent à la sexualité, et se posent des questions sur leur corps, leurs études, leur avenir, le sens de la vie, et auxquels les adultes ne donnent « pas l’ombre d’une explication claire ». La pièce interdite en 1908, fut autorisée en Allemagne en 1912, avec des coupures.

Elle est reprise aujourd’hui dans une mise en scène d’Omar Porras, créée, l’automne dernier à Genève et reçue au Théâtre 71. Le texte est adapté. Neuf comédiens se partagent quelque dix-sept rôles. Jeunes et adultes sont donc joués par les mêmes, avec ces curieux masques qui portent la griffe du metteur en scène. Certains passages sont chorégraphiés, chantés sur des musiques d’aujourd’hui (Alessandro Ratoci) et l’esprit corrosif du texte de Wedekind est totalement respecté, mieux, il est servi avec intelligence. 

Wendla Bergmann (Jeanne Pasquier) souhaite apprendre de sa mère (Olivia Dalric) les mystères de la naissance, mais cette dernière, par pruderie, les cache à sa fille : « enfant tu es, enfant tu resteras ».  étrange amour maternel qui tait les secrets de la vie mais n’hésite pas à livrer sa fille à faiseuse d’anges !

Les autres adolescents, filles ou garçons ne sont pas mieux éclairés, sauf Melchior (Paul Jeanson), déjà nietzschéen, rebelle et averti qui a rédigé un essai sur le « coït ». Moritz (François Praud), plus soumis, angoissé par l’échec finit par se suicider. Martha (Anna-Lena Strasse) se résigne à être battue. Ilse (Sophie Botte) abandonne l’école et la vertu, pose pour des peintres, en attendant d’être, un jour, « jetée aux ordures ». Otto (Adrien Gygax) et Hans (Alexandre Ethève) ricanent de tous avant de s’apercevoir qu’ils s’aiment. Les adultes auraient pu les guider. Mais ni M. Gabor, ni la directrice de l’école (Peggy Dias), ni le pasteur, ni aucun professeur ne sauront les aider, les apaiser. Au nom d’une religion étouffante, prisonniers d’une morale étroite, ils condamnent les enfants qui leur sont confiés. Fanny Gabor (Sophie Botte) qui entourait son fils d’une douce confiance, devra céder à la rigueur. Melchior s’échappe de la maison de correction où son père l'avait fait incarcéré et rencontre un « personnage masqué », ange ou démon d’une « nuit de Walpurgis » dont il sera le nouveau Faust. Imaginaire et réalité s’enchâssent dans une superbe mise en scène.

L’histoire se joue dans un décor unique : un pan de ruine romantique dans la nature : au lointain des arbres, au sol, un humus sombre, terre riche, matière organique dont la chair est faite et où on plante aussi les croix des tombes. Deux portes, l’une basse, qui s’ouvre sur les choix de Wendla. L’autre à hauteur d’homme pour les adultes. Les jeunes entrent par la forêt, ou grimpent sur le mur. L’amour et la mort défient la société policée. La jeunesse ne craint ni l’une, ni l’autre. C’est la vie avec ses injustices et ses contradictions qu’elle appréhende.

Si Frank Wedekind peint le désarroi des adolescents, il pose également les problèmes d’une éducation austère, d’une intransigeance qui « juge un jeune homme sur son livret scolaire ».

A-t-on évolué depuis 1891 ? Ou Wedekind serait-il un précurseur ?

 

 

 

 

 

L’éveil du printemps de Frank Wedekind

Mise en scène et adaptation d’Omar Porras

Théâtre 71 jusqu’au 28 janvier

01 55 48 91 00