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24/03/2010

L’image livide de l’abîme

 

 

Dix ans ! Quand Elias (Philipp Weissert) disparaît pour la première fois, il a dix ans ! En plein hiver, le gamin, n’a emporté que ses vêtements, les couvertures de son lit, et « l’oiseau bleu » ! Elias avait pourtant tout pour être heureux, des parents qui l’avaient désiré », une amie, Sarah (Serpentine Teyssier), gardienne des secrets. Et pourtant ! « Il y a dix ans au fond, que vous vivez dans la certitude absolue, votre femme et vous qu’Elias doit disparaître » dit Philippe Leister (Jérôme Imard) à Ana Rabal (Eva Castro), la policière chargée de l’enquête.

Elias ? Il a les yeux trop noirs, quand ses parents ont les yeux « pâles ». Lui et sa femme, désespérés de leur stérilité, sont allés le chercher « là-bas, dans ce pays épouvantable ». Et l’enfant Leister a choisi de retourner à ses origines.

Comment y parvient-il ? Nous ne le saurons pas, mais, quand nous le retrouvons, il est déjà un soldat perdu. Et, le capitaine Broman  (Denis Jousselin) part à la recherche de ce sergent qui, blessé après une embuscade, est allé se réfugier chez une vieille folle (jouée également par Eva Castro), ou ailleurs, des années plus tard, avec des enfants, dans la forêt.

L’univers du soldat Leister est faite d’images d’actualités récurrentes, des visions d’enfants soldats, de guerres fratricides, de pays où l’on ignore la paix : « l’image livide de l’abîme. ».

Eudes Labrusse est un des rares auteurs dramatiques à construire un théâtre épique. Il a le sens du tragique. On retrouve dans Elias Leister a disparu l’écoeurement du Soldat David Sorgues, les luttes du Rêve d’Alvaro, les mythes des filiations obscures et chevaleresques, la figure du héros surgie de l’enfance.

Mais ne cherchez pas de conteur brechtien dans Elias Leister a disparu. Chaque protagoniste est le narrateur de ses aventures et des ses émois. Chacun parle à la fois à soi-même et au spectateur comme le narrateur dans La Modification, de Butor.

Jêrome Imard, qui met en scène organise les déplacements autour d’une longue table. On y vient témoigner comme à la barre d’u tribunal, s’expliquer comme dans une enquête, manipuler des objets qui sont des indices de fuite, de rencontres, les restes d’un passage.

Christian Roux, au piano, souligne les arrivées, les départs, donne le tempo des événements. Tous deux connaissent parfaitement l’univers d’Eudes Labrusse, puisqu’ils l’accompagnent depuis Le Collier de perles du gouverneur Li Qing.

Colette Nucci, la directrice du Théâtre 13  fait aussi partie de ses fidèles. Elle fait confiance au Théâtre du Mantois, depuis 2005. Et moi, depuis 2002… C’est dire, s’il est passionnant !

 

 

Elias Leister a disparu de Eudes Labrusse

01 45 88 62 22

jusqu’au 18 avril

Théâtre 13

Rencontre avec l’équipe le dimanche 28 mars à l’issue de la représentation de 15 h 30

10:00 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre 13, labrusse |  Facebook | |  Imprimer

08/03/2010

À lire (6)

 

 

Les cahiers de la Maison Jean Vilar N°109

Dans leur dernière livraison, Les Cahiers de la Maison Jean Vilar, parlent des hommes de théâtre qui nous ont quittés en 2009. Compagnons ou disciples de Jean Vilar, leurs ombres hantent Avignon.

Les articles, les photos, les poèmes, les témoignages célèbrent en ce « tombeau » ceux qui nous ont été chers dans notre passion du théâtre. Le ton est pudique, émouvant, sincère.

Vous pouvez adhérer aux Cahiers pour 25 euros (envoi trimestriel).

Le prochain numéro (été 2010) sera consacré à Anton Tchekhov et à Georges Wilson.

 

Maison Jean Vilar

Montée Paul Puaux

8, rue de Mons

84000 Avignon

 

14:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, avignon |  Facebook | |  Imprimer

05/03/2010

« Un jour viendra… »

 

 On croyait que les utopies étaient mortes, que les hommes d’aujourd’hui, cupides individualistes ne se souvenaient plus des rêves de fraternité du XIXe siècle.

C’était sans compter sur le Théâtre du Soleil. Des Naufragés du Fol Espoir, sa dernière création collective, « mi-écrite par Hélène Cixous, sur une proposition d’Ariane Mnouchkine, librement inspirée d’un mystérieux roman posthume de Jules Verne », renaissent les espérances.

Je ne suis pas une spécialiste de Jules Verne, et ne vous dirai pas si ce roman est posthume, apocryphe ou inédit. Mais que la toile du spectacle ait pour fil de chaîne le discours que Victor Hugo prononça au Congrès de la Paix d’août 1849 à Paris, quelle satisfaction ! Depuis Le Rhin (1842), le poète parlait de l’Europe, de l’humanité et de la paix. En 1849, devenu homme politique, il combattait pour que ses idées deviennent réalité. « Un jour viendra où vous ne vous ferez plus la guerre, un jour viendra où vous ne lèverez plus d’hommes d’armes les uns contre les autres, » disait-il, « Un jour viendra où la France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne ». On le traitait de « rêve-creux ».

Puis d’autres sont venus qui, comme lui, prônait, la, liberté de pensée, la liberté de la presse, la liberté des cultes, la suppression de la peine de mort », et ce, à contre-courant des opinions nationalistes.

Les Naufragés du Fol Espoir, raconte cette utopie à travers le tournage d’un film en juillet 1914, quand le cinématographe inventait la fiction pour que le cinéma reste un moyen « d’éducation populaire ».

Sous la verrière de la guinguette Le Fol Espoir, le cinéaste Jean la Palette (Maurice Durozier) tourne l’assassinat de l’archiduc Rodolphe à Mayerling, en 1889, puis le départ des émigrants, de Cardiff vers l’Australie. Le bateau s’appelle… Le Fol Espoir. Il embarque aussi des capitalistes et des bagnards. Certains espèrent trouver la fortune, d’autres, la liberté. L’Internationale est leur hymne. Le cap Horn leur sera fatal.

Le patron de la guinguette, Félix Courage (Eve Doe-Bruce), a mis son personnel au service du cinéaste, et sa table à la disposition de l’équipe. On tourne ! Madame Gabrielle (Julia Carneira da Cunha) tient la caméra. Mais, dehors, l’actualité parle de guerre, et, L’Humanité, après l’attentat contre François Ferdinand à Sarajevo, fera sa une sur les menaces contre la Serbie, les discours de Jaurès, l’appel à la grève générale avant d’annoncer l’assassinat de Jaurès et le début du chaos : la mobilisation générale.

Les destins s’entremêlent et les spectateurs sont embarqués pour la Magellanie avec la troupe.

Ils sont trente sur le plateau, qui jouent trois à six rôles différents, tirent les bouts, larguent les amarres ou poussent les accessoires. Astrid Grant, Olivia Corsini, Paula Giusti, Alice Millequant, Dominique jambert, Pauline Poignand, Marjolaine Larranaga y Ausin, Ana Amelia Dosse, Judit Jancso, Alice Borsari, Frédérique Voruz, pour les comédiennes, Jean-Jacques Lemêtre, le fidèle musicien, Duccio Bellugi-Vannuccini, Serge Nicolaï, Sébastien Brottet-Michel, Sylvain Jailloux, Andreas Simma, Seear Rohi, ArmandSaribekyan, Vijayan Panikkaveettil, Samir Abdul Jabbar Saed, Vincent Mangado, Sébastien Bonneau, Maixence Bauduin, Jean-Sébastien Merle, Seietsu Onochi, tous, infatigables, précis, extraordinaires.

Ô la magie des toiles peintes, des vagues de tissus soulevées par les bras des acteurs, des éléments qui s’ajustent parfaitement pour donner l’illusion, pour titiller l’imaginaire engourdi !

Le bateau sombre, la soif de l’or a raison de tous les espoirs, une bobine brûle et la guerre est déclarée. Mais sur la Terre de Feu restent des survivants : un archiduc qui a renoncé au pouvoir (Serge Nicolaï), un bon sauvage (Seear Rohi), et quelques idéalistes, juste assez pour construire ce « phare du bout du monde » qui éclairera les navires en détresse, « au milieu des ténèbres » et les guidera vers « la porte rayonnante de l’avenir ».

Juste une troupe qui lutte pour maintenir le cap, celle de la grande aventure du théâtre populaire.

Le jour est venu de donner  raison au poète qui prédisait que par ce combat, « nous aurions sous les yeux l’espérance, la joie, la bienveillance, l’effort de tous vers le bien-être commun, et nous verrions partout se dégager de la civilisation en travail le majestueux rayonnement de la concorde universelle. »

 

 

 

Les Naufragés du Fol Espoir

Cartoucherie de Vincennes

http://www.theatre-du-soleil.fr/

mercredi, jeudi, vendredi à 19 h 30

samedi à 14 h30 et à 20 h

dimanche à 13 h

01 43 74 24 08 (individuels)

01 43 74 88 50 (collectivités)