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05/05/2006

Tous les Hamlet du monde

 

On a tous en mémoire un Hamlet qui rêve dans nos souvenirs et ne demande qu’à s’éveiller.

Au seul nom d’Hamlet, la spectatrice professionnelle que je suis devenue, projette sur sa scène de sa mémoire, l’étrange palais que Vitez avait fait imaginer par Kokkos, dans la diagonale duquel la silhouette ramassée d’un spectre sombre se mouvait, disparaissant, apparaissant derrière les arcades qui changeaient de couleurs avec les moments de l’intrigue. Richard Fontana tenait le rôle-titre, et au moment du duel avec Laërte, l’être tourmenté qui torturait les autres, soudain se redressait, retirait cape et pourpoint et, torse nu, en pleine possession de ses moyens physiques, affrontait l’adversaire, révélant par ces gestes qu’il avait feint la folie…

Je me souviens aussi des spectres que Francis Huster voulut différents suivant la personne à qui il apparaissait, de son Hamlet ténébreux et des vraies larmes de Cristiana Reali qui jouait Ophélie. Je n’ai pas oublié le cheval noir qui caracolait dans la cour d’Honneur du palais des Papes, quand Patrice Chéreau contraignait Gérard Desarthe à ruser avec le mistral pour proférer son texte. Et dans cette même cour, du fragile Philippe Avron, caressant un crâne qu’on dit être celui de Yorrick et découvrant ainsi toute la vulnérabilité de la destinée humaine.

J’ai aussi la vision d’une pellicule rayée et tressautante de cinémathèque où Sarah Bernhardt jouait Hamlet dans le film de Clément Maurice. La voix manquait, hélas ! Comme dans ce film allemand de 1920 où Hamlet était vraiment une princesse ! Shakespeare revu et corrigé. Déjà !

D’autres se souviendront de Jean-Louis Barrault, d’autres encore de Redjep Mitrovitsa… D’autres encore ont découvert la pièce au cinéma, grâce à Laurence Olivier. Les musicologues vous parlent de la musique de Chostakovitch dans le Hamlet de Kozintsev (1964). Un de mes amis reste encore sous le charme de Marianne Faithfull qui incarnait Ophélie dans le Hamlet de Tony Richardson en 1969…

La pièce, disent les commentateurs n’a pas tout révélé. Le personnage fascine tant, qu’il sert de contrepoint à d’autres, dans des fables plus modernes. Ainsi de To be or not to be de Lubitsch (devenu Jeux dangereux à une époque où on traduisait les titres), et plus récemment de Underground d’Emir Kusturica.

Georges Lavaudant, qui présente Hamlet (un songe) pour la réouverture de l’Odéon a naturellement vu tous ces Hamlet, il les cite tous, et même s’auto cite en renvoyant l’écho de ses autres mises en scène de Shakespeare, en donnant au mannequin que manipule son acteur fétiche, Ariel Garcia Valdès, le costume et les cheveux de Richard III.

Les images sont splendides, les lumières admirables, les comédiens excellents. Mais est-il besoin de tripler Ophélie aussi gracieuse soit-elle ? Et donner Hamlet en quatre-vingt-dix minutes et dans le désordre, n’est-ce pas frustrant pour ceux qui connaissent la pièce et obscur pour ceux qui la découvrent ?

 

 

 

Théâtre de l'Odéon

Place de l'Odéon

du 27 avril au 27 mai

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19:55 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer

01/05/2006

Denise Bonal, Grand Prix de littérature dramatique

En 2005, a été créé le Grand Prix de Littérature dramatique, à l'instigation de quelques fous de théâtre, qui voulaient en faire l’équivalent d’un Goncourt du Théâtre.
Le premier lauréat fut Marc Dugowson. À peine laissa-t-on Xavier Durringer l’annoncer au pupitre des Molières. Peu de commentaires dans les pages « culture ». Cette année, le Grand Prix a été attribué à Denise Bonal. Ai-je été distraite ? Mais je n’ai vu, ni entendu personne paraître sur France 2 pour l’annoncer… Ou alors, c’était si discret que personne n’a applaudi…
Et, pourtant, le matin même, au Ministère, le Ministre de la Culture, sur propositions d'un jury d'auteurs, attribuait le grand prix de littérature dramatique à Denise Bonal.
Depuis combien de temps le théâtre n’est-il plus de « la littérature » ? On continue d’étudier la grandeur chez Corneille, le comique chez Molière, l’alexandrin racinien, le mélange des genres chez Musset, le grotesque chez Hugo, mais les critiques littéraires ne parlent pas des textes dramatiques. On cite les répliques de Jocaste pour étudier le complexe d’Œdipe, les stances d’Antigone afin de stigmatiser les tyrans, les mots d’Hamlet quand il s’agit d’analyser la vengeance, mais qui approfondit les textes dramatiques contemporains ?
Or, si on dit aux éditions Théâtrales, « le Théâtre, ça se lit aussi ! », j’ajouterai, que « le Théâtre, ça s’écrit d’ABORD ! »
Car l’écriture permet de distinguer le dramatique et le dramatoc. On peut être floué par un beau spectacle, envoûté par une interprétation, mais le texte ne perdurera guère au-delà de la représentation. Il n’y aura ni reprise, ni nouvelle création.
Les textes de Denise Bonal supportent toutes les épreuves. Lecture, enregistrement radiophonique, création scénique, publication, reprise, traduction…
Combien de fois ai-je vu Légère en août  ? et Honorée par un petit monument ? et  Portrait de famille ? Tous les ans depuis leur création, une compagnie s’en empare, en Avignon, au Masque d’or, aux Arlequins, et ailleurs… plus loin. Récemment, « Les Pas perdus » se sont retrouvés au Rond-Point. Et cette année, De dimanche en dimanche  qui vient d’être couronné par le deuxième Grand Prix de littérature dramatique, est encore, à ma connaissance, inédit à la scène !
Mais pas pour longtemps, car, cette fois, Denise Bonal a visé l’économie, trois personnages, alors que dans la plupart de ses pièces toute une « chorale » de personnages, tisse le lien social et affectif.
Ici, de dimanche en dimanche, un père et une mère hésitent à reprendre l'enfant qu'ils ont confiée à des amis aisés qui la choient, mais l'accaparent aussi. Étrange sentiment de dépossession, d'arrachement affectif ! Douleur de déplaire aux amis, de traumatiser l'enfant... L'œuvre de Denise Bonal diffuse cette sensibilité, ces émotions délicates... Partout, des êtres qui nous ressemblent cachent leur angoisse sous des hésitations, des gestes maladroits, et leurs mots simples composent une musique de sonatine, où les silences, et les pauses ponctuent "piano", "pianissimo", les détresses avant les colères, les espoirs avant les déceptions.

Denise Bonal, qui est la modestie même, nous pardonnera de dire qu’elle n’est pas une débutante, en redonnant ici la liste des prix qui ont couronné ses œuvres,
1975, Grand Prix d’Enghien pour «Les Moutons noirs
1980, Grand prix de la radio de la SACD
1985, Grand Prix du théâtre de la SACD
1990, Prix Arletty
1994, Prix European Drama pour Féroce comme le cœur
2004, Molière du meilleur auteur pour «Portrait de famille.
Longue vie donc à Denise Bonal, longue vie à son œuvre…




De dimanche en dimanche
Éditions Théâtrales
Prix : 10 €

09:25 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer

28/04/2006

Le cas Anca

 
 
 

 
Anca Visdei n’est pas seulement « la Femme pressée », qu’annonce l’intitulé de sa maison d’édition. C’est surtout la femme volcanique, celle d’où jaillit une eau vive, cascadant comme les eaux naturelles qui peuvent brûler, corroder, mais aussi, une fois la source canalisée apporter l’épanouissement.
Trente pièces publiées, plus de dix dans les tiroirs, comptez aussi celles qui attendent leur fin dans les dossiers de l’ordinateur, celles qui sont ébauchées dans les « projets », et celles qui vont lui traverser l’esprit au moment où elle lira ces lignes. Car elle clique d’un doigt preste sur tous les sites « theâtre » !
Sa dernière parution ? Madame Shakespeare ou La Femme de Stradford, aux éditions La Femme pressée est un roman épistolaire entre le grand Will et sa femme Anne. Elle l’a envoyé à Londres cultiver son génie dramatique, elle finance et élève les enfants. Plus tendres, plus espiègles, plus documentées que n’importe quelle biographie, « les lettres croisées » de Madame Shakespeare dévoilent comment les grands auteurs deviennent ce qu’ils sont grâce aux talents et à la patience de leurs épouses qui conseillent, suggèrent, supportent et s’effacent.
Cette correspondance devrait avantageusement remplacer les Love Letters sentimentales qu’on remonte tous les cinq ans pour meubler les « garages » quand une pièce s’écroule avant la fin de la saison… Au moins, les enfants apprendront quelque chose sur Shakespeare !
Et ne me dites pas qu’elles sont apocryphes, ces missives, je ne vous croirais pas…
 
 
Madame Shakespeare ou La Femme de Stradford, aux éditions La Femme pressée, 10 €
P. – S. On me signale aussi la publication, du même auteur d’une merveilleuse pièce pour enfants :  La Princesse mariée au premier venu, 9 €.
 
 

10:05 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer