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23/01/2010

Les deux font la paire

 

 

Yacobi (Manuel Lelièvre) ne supporte plus de passer ses soirées à jouer aux dés avec Leidental (David Migeot).

Il le lâche un beau soir parce que, dit-il, ils ne sont pas « de la même espèce », et que « la vie (l’) appelle ». Leidental, cherche une explication et colle au train de son ancien pote.

Entre temps, Yacobi a rencontré la pulpeuse Ruth (Agnès Pontier), robe rouge et hanches ondulantes, et s’emballe pour son « gros popotin ». Il ne pense même qu’à « ça ». Elle, « donne l’illusion d’une femme douce et soumise », mais c’est pour mieux régner sur les deux hommes qui la suivent, ses « deux amours ». Et ces deux-là font une sacré paire !

Ruth se dit pianiste, mais Yacobi découvrira, le soir des noces, que « le seul instrument » dont elle « peut tirer des sons, c’est son corps ». Quant à Leidental, il avoue qu’il est malheureux, mais finalement il découvre qu’il aime souffrir, et se donne en cadeau au couple comme « confident multifonctions ».

Hanokh Levin renouvelle ironiquement le trio du mari, de la femme et de l’amant. La pièce, construite en séquences rapides, s'articule avec de savoureux apartés, au public, au partenaire, à soi-même, et les états d'âme se chantent.

 Ruth n’est pas vraiment une « salope », juste une femme qui « aime qu’on s’occupe d’(elle) ». Leidental n’est pas vraiment maso, mais il s’ennuie tellement tout seul ! Et Yacobi est comme tous les hommes, guidé par le désir. « Le sein est l’opium des enfants », et il n’est peut-être pas tout à fait adulte…

Frédéric Bélier-Garcia a conçu une mise en scène alerte. La comédie de Levin pétille d’humour. Le metteur en scène en révèle toutes les subtilités. La musique de Reinhardt Wagner, donne aux chansons une malice « offenbachienne ». La scénographie et les costumes de Sophie Perez, la lumière de Guillaume Para animent cette ronde polissonne avec intelligence.

Les répliques mordent souvent et les  spectateurs rient beaucoup.

 

 

 

Yacobi et Leidental d’Hanokh Levin

Traduction Laurence Sendrowicz

Editions Théâtrales

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 26 février à 21 h

01 44 95 98 21

21/01/2010

Une histoire qui finit mal

 

 

En mars dernier, la création de Casimir et Caroline nous avait donné une émotion immense*.

La pièce est reprise, et si vous n’aviez pas pu y assister alors, il est temps de vous précipiter au théâtre de la Ville (jusqu’au 24 janvier). Et si vous aviez comme moi, envie de la revoir, vous l’apprécierez encore plus.

Nous avions aimé, Sylvie Testud dans le rôle de Caroline, être fragile et désemparé, ballottée par le destin. Elle a cédé son rôle** à Élodie Bouchez, qui montre plus, de volonté, de désir et de souffrance. Le reste de la distribution (dix-huit comédiens) ne change pas, et tous mérite méritent nos éloges.©JEAN-LOUIS FERNANDEZ 01.JPG

Ödön von Horvath écrit Casimir et Caroline, au début des années 30, lorsque la grande crise économique a laissé l’Allemagne exsangue et que le nazisme se présente comme l’espoir d’un ordre nouveau.©JEAN-LOUIS FERNANDEZ 02.JPG

Caroline sent d’instinct qu’il faut profiter de cette fête de la bière pour jouir encore un peu. Casimir vient de perdre son emploi et n’en a pas envie. Ce malentendu brise leur attachement. L’atmosphère trouble, les fréquentations douteuses, les rites obscènes de la fête de la bière achèvent de détruire leur amour.

Les filles se vendent, les hommes s’avilissent, l’horizon devient noir et rouge, comme le drapeau nazi. L’histoire finit donc mal. Mais la pièce, telle qu’elle est mise en scène, est un chef d’œuvre.

Emmanuel Demarcy-Mota montre le crescendo de la violence et du Mal, mieux que l’Histoire nous l’enseigne. Sa mise en scène marquera le théâtre d’Horvath. La tournée qui commence, après le Théâtre de la Ville, lui trace le chemin d’une carrière internationale à laquelle nous applaudissons.

 

 

 

* voir note du 22 mars 2009 (archives)

** Sylvie Testud joue actuellement sur une autre scène.

 

 

Casimir et Caroline d’Ödön von Horvath

Traduction de François Regnault

Jusqu’au 26 janvier au Théâtre de la Ville

 

Tournée : Sète, Bordeaux, Annecy, Salins, Valence, Cergy-Pontoise, Amiens, Clermont Ferrand, puis Moscou, Saint-Pétersbourg, Portugal, Italie, Luxembourg.

 

 

19/01/2010

Sonia et son oncle

 

Vania est-il un raté ? Un oncle dévoué ? Un original ? Un fou ? Un bouffon ? Marcel Maréchal ne choisit pas, il est tour à tour ces cinq personnages et masque leur désespoir sous un sourire ironique.

Tchekhov ne donne pas tout de suite le titre de Oncle Vania à cette pièce écrite dans les dernières années du XIXe siècle. Elle s’intitule, Le Sylvain, L’Esprit de bois, porte en sous-titre  Scènes de la vie de campagne, mais décrit le même désenchantement de deux idéalistes, le docteur Astrov (Emmanuel Dechartre), fervent défenseur de la forêt russe, qui ne croit plus en rien, ni en personne, même pas à l’amour pur de Sonia (Juliette Duval), et Vania, qui a passé vingt-cinq ans de sa vie à soutenir la gloire du professeur Serebriakov (Michel Demiautte), son beau-frère, lequel se révèle un cuistre arrogant et sans cœur. « Sa première femme », « un ange », était la sœur de Vania. Elle est morte et Serebriakov s’est remarié avec la jeune Elena (Liana Fulga) que les deux hommes désirent.

Mais ce n’est pas la jalousie qui va pousser Vania à tirer sur Serebriakov, c’est la colère, car ce dernier prétend vendre le domaine que Sonia a hérité de sa mère. Domaine qui fait vivre famille et serviteurs grâce à la gestion rigoureuse de Vania et Sonia. Que deviendront Maria, sa mère (Hélène Roussel), la nounou, Marina (Olga Abego), Téléguine (Jacques Angéniol), Efim (Anthony Cochin), lui, Vania vieilli sous les tâches serviles, et la pauvre Sonia, trop laide pour trouver un mari ?

Le vieux professeur et sa jeune femme pensaient « rester jusqu’à la fin du monde » et passer une retraite paisible, mais, du printemps à l’automne, les relations se tendent, le désordre agite la maison, et l’orage éclate… Et quand « Ils sont partis ! » tout redevient « comme par le passé », tranquille et résigné.

Vania aurait voulu être « un être de lumière », mais, il « n’éclaire personne », il restera seul. Astrov aussi, Sonia également. Le travail auquel ils se vouent les consolera-t-il de leurs désillusions ? Ou bien cet autre chant qui masque l’accordéon mélancolique, et s’élève, au lointain, leur apportera-t-il l’espérance perdue ? La musique de François Fayt s’accorde aux sentiments contradictoires des protagonistes

Dans le décor de Thierry Good, Marcel Maréchal retrouve des accents de Cripure, et renoue les liens tissés avec la Russie qu’il a sillonnée. Il est poignant en Vania, et la petite Duval bien émouvante… Emmanuel Dechartre trouve aussi le ton juste, un rien désabusé, et beaucoup passionné. Et à travers Astrov, l'écologie a trouvé un partisan.

 

 

Oncle Vania d’Anton Tchekhov

Traduction d’Arthur Adamov

Théâtre 14

01 45 45 49 77

en tournée ensuite avec les Tréteaux de France

Du 12 janvier au 23 février