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06/03/2011

Les plus dynamiques


 

 

Connaissez-vous le théâtre de la Boutonnière ? C’est un de ces nouveaux lieux qui, comme à Avignon, fleurissent à Paris, récupérés dans des quartiers populaires où s’étaient développées de petites industries complémentaires de celle de la mode. Mais aujourd’hui que la rentabilité guide nos marchés, l’ancienne fabrique de boutons de nacre de la rue Popincourt a été délocalisée. La Compagnie de Créations Théâtrales s’y est installée sous la direction de Habib Naghmouchin, depuis 2004. Elle y accueille la Compagnie Issue de secours qui crée une pièce inédite de Sylvain Levey Dans la joie et la bonne humeur, une pièce dérangeante, qui souligne le cynisme du monde du travail, les luttes sournoises et mortifères qui s’y déroulent, masquées par des sourires plaqués, des affabilités hypocrites. On peut y « cultiver » en toute intranquillité un « helicobacter pylori » (ulcère de l’estomac) sans aucun regard de compassion des autres. On peut se suicider sans que quelqu’un se sente responsable.

L’auteur Sylvain Levey raconte une double désagrégation, celle d’un  couple (Bruno et Nathalie) rongé par l’angoisse due au travail forcené et celle d’une entreprise aux multiples succursales. Trente-deux tableaux, deux minutes par tableau. Les licenciements ne traînent pas. À la trappe les faibles, les sentimentaux, les médiocres ! On ne garde que les plus costauds, les plus dynamiques, les durs de durs. Et  quelle que soit la situation, le sourire est obligatoire… La fiction n’édulcore pas la réalité, elle en cerne les contours les plus abjects.

Pierre Vincent, le metteur en scène dirige cinq comédiens épatants : Michel Aymard, Nathalie Bastat, Valérie Lombard, Pascal Poirel, Didier Sipié. La scénographie de Bernard Vincent plante les vestiaires à jardin. Les employés en sortent, et se précipitent vers le tourniquet des costumes (Chantal Hocdé). Au centre un comptoir mobile qu’on déplace ad libitum, au fond, la sono (Pierre Laqueyererie, musique de Chris de Pauw), et le ballet des travailleurs s’inscrit dans un espace verrouillé, au rythme des entretiens, des conseils, des départs.

Le jugement est sans appel. Sylvain Levey peint au scalpel et a réalisation redonne le goût de « la belle ouvrage » !

 

 

 

Dans la joie et la bonne humeur de Sylvain Levey

Théâtre de la Boutonnière

Jusqu’au 31 mars

du lundi au samedi à 20 h

0143 55 05 32

 

 

 

Toutes des p… même Maman !

 

 C’est une famille moderne. Dans la grande pièce à vivre (scénographie de Damien Caille-Péret),   le père, Alban (Jacques Bonnafé), bien calé dans le long canapé, tapote sur son ordinateur portable posé sur la table basse. Un vélo d’appartement, sur le côté, laisse supposer que dans ce monde avachi, on fait quelquefois un peu d’exercice. On sonne, le fils va ouvrir. C’est la mère, Annie (Emmanuelle Devos). Elle leur a donné rendez-vous afin de leur expliquer pourquoi elle les quitte. Mari qu'elle n'aime plus assez, et enfants, Julie, pas encore dix-huit ans (Anaïs Demoustier), Adam (Alexandre Lecroc), presque vingt-cinq ans, n'ont plus besoin d'elle. Un autre homme est entré dans sa vie. Elle les a avertis par une lettre. Mais ce soir, on cause.

En une heure, toute la famille va exposer les doutes et les incertitudes du cœur qui rongent les plus belles amours et sapent les fondements bien assurés d’un couple. En une heure, on va régler les comptes et le problème. Un problème ? « Y en a pas ! » Et Arnaud Meunier le metteur en scène dirige le quatuor sans faiblir.

Ah ! Les temps ont bien changé ! Autrefois, les femmes n’abandonnaient ni mari, ni enfants pour suivre leur passion, elles savaient se sacrifier et même lorsque l’amour avait disparu, elles restaient « au foyer ». Aujourd’hui, elles obéissent à leurs « envies », à leur « désir », et  elles désertent ! Toutes des p… même Maman !

Si vous pensez que cette attitude, est « le stade terminal de l’égoïsme », c’est que vous n’avez pas su évoluer avec votre époque. François Bégaudeau parle au nom de la modernité et de l’égalité des sexes. Pas d’injustice… Les femmes ont le droit de jouir sans entrave. Le conjoint délaissé est malheureux ? Le fils désemparé ? Heureusement, la fille, sans complexe, trouve tout normal, et prépare une salade-repas pour ceux qui restent, uniquement préoccupée de son devoir de philo, « la conscience est-elle compatible avec le bonheur ? ». Et son frère le thésard n'a plus qu'à enterrer ses principes vertueux.

La conscience ? Tu parles ! Succéder à la mère, prendre sa place dans le cercle familial n’est-ce pas dans l’ordre des choses ? Le bonheur ? Peut-être s’apercevra-ton simplement de son départ au bruit de la porte que la mère referme derrière elle...

Mais non… Tout se fait sans bruit, sans larmes (ou presque), sans éclat. On sait contenir ses émotions. Et on passe à table…

Car il faut manger pour vivre.C'est ça « la question essentielle ».

 

 

Le Problème de François Bégaudeau

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 3 avril, 21 h

01 44 95 98 21

ensuite au Théâtre Marigny jusqu'au 15 mai.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

05/03/2011

La grandeur des petits

 

Victor Hugo qui fut père à vingt ans, se désolait de ne pas être grand-père à soixante. Sa fille Léopoldine, morte accidentellement en 1843, avait noyé avec elle les promesses de sa grand-paternité. Enfin Charles se maria ! Enfin naquirent Georges et Jeanne, (1868 et 1869) et le poète « qu’un petit enfant rend tout à fait stupide », redécouvrit le monde, la nature, les hommes à travers le regard et le langage de ses petits-enfants. Quand Charles mourut brutalement, en 1871, il devint « Papapa », et s’occupa des chers petits avec une attention remarquable. Georges raconta plus tard, cette dévotion, et le soin que prenait le poète à éveiller leur conscience et à cultiver leur imaginaire.

Vincent Colin, en choisissant de mêler les souvenirs de Georges aux poèmes de L’Art d’être grand-père, donne un spectacle subtil qui nous console de la déshumanisation actuelle et nous donne à espérer que le lait de l’humaine tendresse n’est pas encore tari.

victor hugo,vincent colin,lucernaireAu centre du plateau, des sièges à haut dossier évoquent les menuiseries que Hugo sculptait à Hauteville House, et, dans la cloison colorée, une fenêtre en hublot, permet un théâtre d’ombres et les projections des dessins du poète, qui fut aussi un « dessinateur inspiré » (scénographie de Marie Begel). Albert Delpy a taillé sa barbe blanche comme celle de Victor Hugo et Héloïse Godet donne à Jeanne sa fraîcheur. Tout de blanc vêtue (costumes de Cidalia da Costa), pieds nus, elle se meut avec grâce et naturel. Elle est l’enfance pure, simple, et affectueuse. Elle se pose au piano, joue  Chopin, Albeniz, Satie, Mozart, et sourit au grand-père dont on comprend l’indulgence, mais aussi les exigences. Car, s’il réclame « l’amnistie » pour eux,  s’il accepte « les conseils sacrés de l’innocence », c’est qu’il veut leur éviter toute injustice, et qu’il combat alors pour que le peuple soit écouté au lieu d’être envoyé au bagne, « au pain sec ». On a souvent reproché à Hugo ses « bons sentiments ». C’est oublier que Marivaux, déjà, disait qu’il « faut être trop bon pour l’être assez », quand il s’agit de rendre ses enfants heureux.

Aujourd’hui, nous dit-on, « l’enfant est roi ». Pourtant, afin qu’il ne devienne jamais tyran, ce grand-père, qui admirait « la grandeur des petits », donne des conseils d’éducation, qui s’avèrent toujours d’actualité. Et certains parents en auraient, paraît-il, besoin…

 

 

 

 

 Photo : compagnieVincent Colin

 

Spectacle sélectionné pour le Festival Hugo et égaux 2011

 

 

 

L’Art d’être grand-père d’après Georges et Victor Hugo

Adaptation et mise en scène de Vincent Colin

Création au Centre des Bords de Marne – Le Perreux, jusqu’au 6 mars*

(débat le 3 mars après la représentation)

01 43 24 54 28

www.cdbm.org

 

puis au Lucernaire* du 9 mars au 8 mai

(débat après la représentation du 22 mars)

01 45 44 57 34

www.lucernaire.fr