20/01/2016
Le combat d'Odette
Elle s'appelle Andréa Bescond. Elle a commencé la danse à trois ans. Elle a remporté des concours, travaillé aux États-Unis, joué dans de nombreuses comédies musicales puis, est passée au théâtre avec Éric Métayer, dans Les 39 marches (2010), pièce pour laquelle elle fut nommée Révélation féminine aux Molières.
À ses talents d’interprète, elle ajoute aujourd’hui celui d’auteur avec Les Chatouilles, ou la Danse de la colère. Elle raconte l’enfance brisée d’une petite Odette à qui un pédophile, ami de ses parents faisait… des chatouilles.
Éric Métayer la met en scène sur un plateau nu, avec juste la chaise vide du psychanalyste dans l’axe optique. L’effet est saisissant. La bande son de Vincent Lustaud permet d’imaginer le lieu. Jean-Yves de Saint-Fuscien règle les lumières, les pénombres et les noirs autour d’Andréa Bescond.
Retenez bien son nom. Cette fille a du génie. Elle est tour à tour, l’enfant, le prédateur salace, la mère bornée, la prof de danse aimable et aussi ses élèves, la jeune femme de trente ans qui tente de se reconstruire, Manu le gars de la cité, Noureev descendu de son poster, la chorégraphe qui psychanalyse et l’analyste qui observe, le directeur de casting, Kacy la concurrente, le commissaire « pas délicat » qui enregistre sa plainte, et tous ses adjoints heureux de traîner enfin le pédophile aux Assises. Elle prend des accents divers, des timbres différents avec une aisance extraordinaire.
Elle sait faire rire et pleurer avec une virtuosité incroyable. Elle danse classique, ou moderne et même hip hop, elle dit l’innocence, la peur, le désespoir, l’injustice, la haine, la douleur à vous en bouleverser jusqu’à l’âme.
Comme son héroïne, Odette, elle danse pour sortir le drame de son corps. Elle le plie, l’arc-boute, roule, se relève, tombe encore et toujours renaît. Le combat d’Odette est celui, incessant, d’une jeune femme qui n’admet pas qu’il y ait « 75000 viols par an en France et autant concernant seulement les enfants », et qui veut qu’on écoute la parole de ces victimes.
C’est beau, pudique, impressionnant.
Photo : © Karine Letellier
Les Chatouilles, ou la Danse de la colère d’Andréa Bescond
Théâtre du Petit-Montparnasse
Du mardi au samedi à 21 h, samedi : 16 h 30
01 42 22 77 74
17:40 Écrit par Dadumas dans Blog, danse, humour, Littérature, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, danse, andréa bescond, eric métayer | Facebook | | Imprimer
Garder le secret
En Malaisie, l’amok est l’être, qui fou de rage, peut commettre n’importe quel forfait. C’est cette forme d’ivresse qui saisit le jeune médecin (Alexis Moncorgé), devant l’attitude d’une femme inconnue, qui, dans le village perdu où il exerce, vient lui demander de la débarrasser du fruit d’un adultère. Non parce qu’il réprouve l’acte. Il a déjà rendu ce service. Mais parce qu’il la trouve orgueilleuse et méprisante.
Il la désire. Elle se refuse. Elle fuit. Il la suit. Elle aura recours à une faiseuse d’anges, et mourra d’une hémorragie qu’il ne pourra arrêter. Elle lui fera jurer de « garder le secret ». Et il fera tout pour que « personne ne le sache ».
Dans une semi-obscurité, il confesse la tragédie qui a bouleversé son destin. Il est seul en scène, et la nuit rougeoie dans le lointain (Lumières de Denis Koransky). Une cloche tinte. Il est à bord d’un bateau quittant les Indes. Il s’est isolé car « il ne supporte plus les hommes. » Il nous raconte son histoire.
Quelques malles empilées servent de décor, une toile opaque, clôt le fond de scène. La scénographie de Caroline Mexme est sobre. Le comédien est seul, tout repose sur lui, et Alexis Moncorgé libère les ondes puissantes d’un désespoir qu’il ne peut dominer.
Caroline Darnay, qui le met en scène, l’enveloppe d’ombres mouvantes. La bande sonore de Thomas Cordé crée un monde oppressant, et quand dans sa colère, le narrateur « serre le poing contre un dieu misérable », il nous entraîne dans sa malédiction.
Alexis Moncorgé qui signe aussi l’adaptation, donne ici le meilleur de la nouvelle de Zweig.
Amok d’après Stefan Zweig, adaptation d’Alexis Moncorgé.
Photo : © Christophe Brachet
Théâtre de Poche-Montparnasse
du mardi au samedi à 19h, dimanche à 17h30
01 45 44 50 21
www.theatredepoche-montparnasse.com
16:29 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de poche-montparnasse, zweig, caroline darnay, alexis moncorgé | Facebook | | Imprimer
16/01/2016
Un grand texte
Dans le théâtre encore désert où veille la servante, les comédiens arrivent, l’un après l’autre : Benoît (Yvan Le Bolloc’h), la vedette, René (Jean-Jacques Vanier) tout excité de jouer avec lui, Jean-Pierre (Jean-Pierre Malignon) le vieux routier, et Alice, dont l’accent italien les charme tous. Ils attendent Gilbert Loiseau (Jean-Luc Porraz) un metteur en scène un peu allumé, et son assistant (Aurélien Chaussade).
Ils vont préparer, pour le soir même, un spectacle « sans décor, sans costume » et probablement sans subvention, en hommage à Jean Vilar « Ah ! le grand homme ». Ils courent « au casse-pipe », mais ils se lancent…
Exercices de voix, gesticulations, improvisations, le tohu-bohu dérange Michel-Michel (Stephan Wojtowicz) le sous-directeur du théâtre. On se dispute un peu, chacun tente de tirer la couverture à soi. À part Benoît, ils ont, en réalité tous besoin de cachetonner.
Il faut bien reconnaître qu'il leur manque "un grand texte". Enfin, Gilbert trouve « l’idée », rejouer Le Cid qui fut un des succès de Jean Vilar, avec Gérard Philipe. C’était compter sans les ombres qui hantent les théâtres, les grands fantômes dont les voix ne se sont jamais tues vraiment et qui vont intervenir.
Ah ! Le grand homme de Pierre et Simon Pradinas est une parodie clownesque, parfois brouillonne, mais souvent bon enfant. Panchika Velez, qui la met en scène, obéit aux lois du genre farcesque. On y égratigne le rôle du metteur en scène, on esquisse une doléance envers les décideurs, on se plaint du manque d’argent, et les comédiens jouent toujours avec passion.
Photo © Christophe Vootz
Ah ! Le Grand Homme de Pierre et Simon Pradinas
mise en scène de Panchika Velez
Théâtre de l'Atelier
01 46 06 49 24
17:15 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de l'atelier, pradinas | Facebook | | Imprimer