14/11/2015
Concert décoincé
Ils sont quatre, comme les Trois Mousquetaires. Christophe de Biase, baryton, et Olivier Hernandez, ténor, viennent du Conservatoire National Supérieur de Lyon, comme leur pianiste, Landry Chosson. Mais c’est, paraît-il, Fabrice Maitre, ténor, du Centre de musique baroque de Versailles, qui a eu l’idée du groupe vocal les « New Lyrique Boys Band ». Et, comme, Olivier Hernandez avait chanté La Grande Duchesse avec Olivier Naveau, baryton, qu’ils n’avaient aucun préjugé musical, ils ont voulu faire venir à l’opéra ceux qui n’y étaient jamais allés, et montrer à ceux qui méprisent la chansonnette, que tout faisait voix, et qu’avec du talent et de l’humour, il n’y a que des chefs d’œuvre ! François Rollin les a mis en scène, pour ce spectacle « comico-lyrique ». Et les voilà qui présentent, à Paris (et en tournée) ce récital joyeux et saugrenu…
Car, enfin, qui aurait pensé à chanter sérieusement le Petit bonhomme en mousse de Patrick Sébastien, de donner « avec passion » La Chenille de Basile ? Oh ! Bien sûr de joyeux drilles avaient déjà chanté Les Filles de Camaret comme un chœur de moines, on s’amusait à ça, quand on était potaches. Mais on n’avait pas des voix aussi amples, aussi souples et des timbres aussi beaux. Et nous n’aurions jamais osé mêler Mozart, Verdi, Bizet, Charpentier, Pergolèse et tant d’autres « classiques » aux couplets de Pierre Perret, aux chansons de corps de garde, ou de Freddie Mercury.
Le soir où je les ai vus, une pianiste facétieuse, Noëlie Lantin, les accompagnait, pétulante, feignant l’autorité sur eux, et captant, par ses mines, la complicité d’une salle que le mélange des genres enflammait.
Pour les New Lyrique Boys Band, on peut faire chœur d’opéra de toute musique. Et l’opéra peut plaire à tous. Noble projet et réussite parfaite !
Merci à tous, de décoincer ainsi les concerts !
Photos : © Arthur Silve.
La do ré etc.
Comédie-Caumartin
Du mardi au samedi à 19 h
01.47.42.43.41
16:13 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, humour, comédie-caumartin, new lyrique boys band | Facebook | | Imprimer
30/10/2015
Un bon diable
On célèbre cette année le soixante-dixième anniversaire de la mort de Robert Desnos. Et Marion Bierry, pour lui rendre hommage a conçu un spectacle de cabaret avec trois comédiens, qui sont aussi chanteurs : Robert le Diable.
Rien à voir avec l’opéra de Meyerbeer, ni la légende médiévale, mais quand même un peu avec le poème d’Aragon, cette Complainte de Robert le diable dans laquelle le poète engagé témoigne de la prémonition poétique de celui qui fut son ami.
Robert Desnos n’était pas vraiment un diable, juste un peu iconoclaste, et surréaliste avec modération. Un bon diable en quelque sorte.
Il fut surtout un homme passionnément épris de liberté, puisqu’il s’engagea très tôt dans les luttes antifascistes (1934) et n’acceptant pas la défaite, en 1940, il renonça à ses idées pacifistes et entra en résistance. « Ce cœur qui haïssait la guerre », devint un combattant du groupe Agir et mourut en déportation.
C’est ce parcours que Marion Bierry raconte et chante, mêlant les Chantefables aux poèmes de lutte, les Sans cou, et les Destinées arbitraires. Sandrine Molaro, Vincent Heden, et Alexandre Bierry sont ses complices tour à tour malicieux et graves, charmeurs et émouvants.
Les textes s’enchaînent pour former un spectacle sensible qui devrait permettre de sortir Desnos du « chapitre de la curiosité limitée » qu’il se prédisait.
Ouvrez vos oreilles et vos cœurs à Desnos, chanté par Éluard, salué par Aragon, pleuré par Prévert. Il vous accompagnera longtemps, souriant, et peut-être vous apprendra-t-il à être libre.
Photo : © Matthieu Ponchel
Robert de diable, spectacle de cabaret conçu par Marion Bierry
Théâtre de Poche-Montparnasse
01 45 44 50 21
Tous les lundis à 20 h 30 jusqu’au 18 janvier.
18:39 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, culture, humour, langue, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de poche-montparnasse, poésie, desnos | Facebook | | Imprimer
L’Histoire bégaie
Imaginez que le chef du gouvernement de l’Allemagne invite six millions de personnes à s’installer sur son territoire.
Comment ? Ce n’est pas une fiction ?
Mais si pourtant, c’est la fable qu’Israël Horovitz a inventée en 1996. À l’époque, il créa un chancelier Stroiber, qui, pour « effacer la honte » d’avoir anéanti six millions de juifs » pendant la guerre, invitait six millions de juifs du monde entier, à devenir allemands. L’inverse d’une diaspora, en quelque sorte, une « résilience », très positive, dirait Boris Cyrulnik.
Le concept géopolitique du lebensraum (de Raum = espace, et Leben = vie) créé par Friedrich Ratzel n’est pas nouveau. Il était destiné à favoriser la croissance d’un peuple mais le nazisme l’avait dévoyé. La pièce s’appelle Lebensraum (Espace vital). Elle bouleversa de nombreux spectateurs et anima bien des débats. Aujourd’hui qu’une chancelière invite, pour des raisons économiques, les migrants du monde à venir s’installer en Allemagne, on pourrait penser que les tensions racistes n’existent plus, que les peuples ont tiré des leçons de l’histoire, et que les puissants veillent au le bonheur de l’humanité. Il n’en est rien. L’Histoire bégaie. Et le « jamais plus ! » reste un vain mot.
La compagnie Hercub pour qui la pièce avait été écrite et qui l’avait créée à Avignon reprend Espace Vital. Sylvie Rolland, Michel Burstin et Bruno Rochette ont répondu à l’urgence de l’actualité. Ils ont revu leur adaptation, remanié le langage (en particulier celui des jeunes). Ils ont ajouté quelques allusions aux événements qui nous crucifient. Ils ont modifié le décor, (Pierre-Yves Boutrand et Nieves Salzmann). Mais ils ont gardé intacte la dénonciation de cette incapacité des hommes à vivre en frères. Ils évoluent comme en 1997 avec un talent inouï, jouant eux-mêmes une cinquantaine de personnages (costumes Élise Guillou), dans une trentaine de lieux (changements à vue), avec des langues et des accents différents. C’est toujours un miracle de fluidité, de justesse, d’intelligence. Les lumières de Stéphane Graillot y contribuent.
Chaque comédien passe du rôle de conteur à celui de personnage. Ils peuvent, à tour de rôles changer de nationalités, d’âges, de personnalités, mais jeune goy ou vieux juif, ouvrier ou chancelier, professeur ou ménagère, chacun est un individu bien défini, avec ses caractéristiques et son histoire. Ils sont drôles ou poignants. Toujours vrais.
Il faut aller les voir, les entendre, afin de redire encore, qu’ayant tous « le sang rouge et les larmes amères », nous ne sommes qu’une seule race : l’humanité.
Photos : © Philippe Cordier
Espace vital (Lebensraum) d’Israël Horovitz Adaptation, mise en scène de Sylvie Rolland, Michel Burstin, Bruno Rochette.
Théâtre du Lucernaire jusqu’au 27 novembre
Du mardi au samedi à 19 h
Dimanche à 15 h
Version 1997 éditée à L’Avant-Scène Théâtre (N°1031/1032)
12:26 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Histoire, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, horovitz, hercub', histoire, théâtre du lucernaire | Facebook | | Imprimer