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10/11/2017

Griefs sur canapé

 

  

Théâtre du Rond-Point, Yasmina Reza, Emmanuelle Devos, Josiane StoléruQuoi que la vie vous réserve, il faut toujours « faire bonne figure » disaient les anciens. Les personnages de Yasmina Reza tentent de suivre ce principe, mais n’y réussissent guère. Il arrive forcément, un moment où le vernis craque, les masques tombent, et où les vraies natures se révèlent. C’est le propre du conflit dramatique et Yasmina Reza y excelle.

Dans Bella Figura, sa nouvelle pièce, Boris (Louis-Do de Lencquesaing), emmène sa maîtresse Andrea (Emmanuelle Devos) dîner et plus si elle est complaisante. La discussion s’engage sur le parking, car Andrea ratiocine sur le choix du restaurant, elle digère mal qu’il ait été recommandé par la légitime. Boris, qui est « au bord du dépôt de bilan », souhaiterait qu’elle soit plus attentionnée. Et comme il manœuvre sa voiture, il renverse une dame, Yvonne (Josiane Stoléru) qui, - ô comme le monde est petit en province ! – se trouve être la belle-mère de Françoise (Camille Japy), la meilleure amie de sa femme… Yvonne n’a rien, heureusement, et son fils, Éric (Micha Lescot), les invite à prendre un verre, les voici tous réunis à papoter et prendre le champagne sur la terrasse du lieu. 

C'est l'anniversaire d'Yvonne qui  s’enfonce de plus en plus dans le canapé, cherche compulsivement son sac et son calepin. Yvonne gâtouille un peu, c’est de son âge. Elle trouve Andréa, préparatrice en pharmacie, sympathique et peut se livrer, comme beaucoup de vieilles dames, au plaisir de l’évaluation des médicaments. Éric donne des conseils juridiques à Boris, et Françoise s’interroge. Elle ne pourra pas « ne pas en parler à Patricia. » Andrea s‘incruste, lâche des vérités pas bonne à dire. Boris se fâche. Et Éric si nonchalant, si courtois, s'indigne. 

Plus question de faire bonne figure, les relations s’enveniment, les tensions s’exacerbent, les griefs explosent, la soirée est gâchée. Nous suivons les protagonistes du parking au restaurant et jusque dans les lavabos, grâce aux décors astucieux de Jacques Gabel, et aux lumières de Roberto Venturi. 

Yasmina Reza égratigne le couple et les bourgeois. On rit de la paille qu’ils ont dans l’œil. On est bien content de ne pas leur ressembler.

 

 

 

 

 

 

 

  

 

Bella Figura de Yasmina Reza, mise en scène de l’auteur

Jusqu’au 31 décembre à 21 h

Théâtre du Rond-Point

01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

 

22/09/2017

Un partage avec Jupiter

 

 

 

Les puissants ont toutes les audaces. Rien ne les arrête. Pas même les liens sacrés du mariage. Ainsi, le roi David n’hésite pas à envoyer Urie, le mari de Bethsabée se faire tuer pour lui au combat, et Louis XIV renvoie le marquis de Montespan dans ses terres afin de garder la marquise auprès de lui. Ils ont un grand exemple. Jupiter ! Oui Jupiter, le Dieu suprême chez les Grecs ! En voilà un que les scrupules n’étouffaient pas. Tombé amoureux de la belle Alcmène, le dieu se fit homme et Jupiter prit la figure du mari adoré, Amphitryon, pour la posséder sans entrave.

Théâtre, Théâtre de Poche-montparnasse, littérature, Humour, Molière, Stéphanie TessonDe cette histoire d’adultère, Plaute fit Les Sosies, Rotrou, La Naissance d’Hercule, et Molière, Amphitryon, une pièce à machines et à effets spéciaux.

Stéphanie Tesson qui met en scène Amphitryon, n’emploie nulle machine pour faire descendre les dieux sur la scène. Elle a raison. Tout y est juste, mordant et éblouissant.

Jupiter (Benjamin Boyer), et Mercure (Guillaume Marquet en alternance avec Laurent Collard) investissent  l'espace avec naturel. Ils sont chez eux, car la scène les rend divins. Les toiles de Marguerite Danguy des Déserts déploient des ciels mordorés et changeants comme l’âme des dieux et des hommes. Magnifique transposition métaphorique des mystères du monde ! La « charmante » Nuit (Christelle Reboul), véritable Reine mozartienne sort de ces voiles quand elle suspend sa marche pour complaire à Jupiter, et le brave Sosie (Nicolas Vaude) y pénètre, sa lanterne à la main.

Et, sortis de « l’étoffe de nos rêves », les personnages vont prendre chair, grâce à des comédiens exceptionnels. C’est d’abord Sosie, qui va ressentir les coups de bâton dans la sienne, car Mercure, qui a volé son apparence n’hésite pas à le rosser. Le voilà, contre son gré, serviteur de deux maîtres, lui qui n’en connaît qu’un. Au jeu des doubles, s’affrontent l’incrédulité de Sosie et la malignité de Mercure, le désarroi de l’homme et la cruauté du dieu. C’est ainsi, les dieux sont injustes et sans pitié.

Pauvres hommes, marionnettes des dieux ! Voici maintenant Alcmène (Odile Cohen), épanouie, tendre, tout de blanc vêtue, confiante, heureuse avec celui qu’elle croit être son époux et qui n’est qu’un vil séducteur. Elle aussi, un jouet du destin. Jupiter, le maître de l’Olympe ? Qu’on ne s’étonne pas que Stéphanie Tesson lui donne la physionomie du jeune Louis XIV, teint rose, perruque blonde et rhingrave pourpre et or, tel qu’il parade dans les ballets de Lully. Les mauvais esprits déjà, en 1668, ne manquent pas de voir dans la pièce une allusion à ses amours avec la Montespan, car voyez-vous, « parfois, on en cause. » Et Jupiter, n’est-ce pas, traverse les siècles…

Christine Reboul qui joue aussi Cléanthis, la prude épouse de Sosie ne comprend plus son Sosie de mari. Amphitryon (Jean-Paul Bordes), qui doutait de son valet, doute maintenant autant de lui-même que de son Alcmène, et les capitaines et archontes thébains Naucratès et Posiclès (Mathias Maréchal), Argatiphontidas et Polidas (Anthony Cochin et Yannis Baraban) convoqués pour confondre les coupables n’ont plus qu’à se prosterner devant Jupiter !

Théâtre, Théâtre de Poche-montparnasse, littérature, Humour, Molière, Stéphanie TessonAmphitryon doit admettre « un partage avec Jupiter ». Mais chut ! N’en disons pas plus ! Quand ce sont des grands qu’il s’agit : « Tout ce qu’on fait est bel et bon », et « sur de telles affaires, toujours, /Le meilleur est de ne rien dire »…

C’est pourquoi j’en appelle à tous les profs blasés, dépités, sceptiques, pédagogistes ou traditionnels, militants freinetistes et même syndicalistes ! Vous voulez que vos élèves comprennent le génie de Molière? Emmenez-les voir cet Amphitryon. Vous voulez leur faire entendre la beauté de leur langue, sa souplesse, sa musique ? Emmenez-les voir Amphitryon ! Qu’ils distinguent l’allégorie du symbole ? Emmenez-les voir Amphitryon ! Vous voulez qu’ils aient l’esprit critique sans acrimonie ? Qu’ils rient sans vulgarité ? Amphitryon ! Amphitryon vous dis-je…

 

 

 

 Photos : © Pascal Gély

 

 

Amphitryon de Molière

Mise en scène de Stéphanie Tesson

Théâtre de Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi à 21 h

Dimanche à 15 h

01 45 44 50 21

 

www.theatredepoche-montparnasse.com

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      

La Huchette en balade

 

 

Attention, plus que deux soirs pour en profiter ! Ne manquez pas la balade que propose le théâtre de la Huchette Théâtre, La Huchette, Mougenot