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21/11/2017

Du côté de chez Eugène

 

 


Théâtre, 13e art, Ionesco Romane Bohringer, Stephan Wojiowicz, Pierre Pradinas
Inspirée par ma méthode assimil pour apprendre l’anglais, La Cantatrice chauve, créée en 1950, donna à Eugène Ionesco la qualité de dramaturge de l’absurde. Il paraît que le titre provient d’un lapsus de répétition. Le comédien, devait dire « l’institutrice blonde », un trou de mémoire lui substitua : « cantatrice chauve ». L’anecdote est jolie, je ne sais pas si elle est exacte, on raconte tellement de choses… absurdes !

Ce qui compte pour nous, c’est que le nouveau théâtre du XIIIe arrondissement, l’ait inscrite au programme de sa saison. Pierre Pradinas, la met en scène, dans un décor turquoise impression cachemire (scénographie Orazio Trotta et Simon Pradinas), dans lequel les aiguilles de la pendule battent la breloque. Car bien sûr, les deux consignes essentielles sont : « ni chronologie, ni réalisme ».

Les Smith reçoivent les Martin. Vous le savez déjà. Théâtre, 13e art, Ionesco Romane Bohringer, Stephan Wojiowicz, Pierre PradinasRomane Bohringer donne à Mrs Smith un sourire lumineux teinté de fantaisie. Elle virevolte, légère et court vêtue, tandis que Stephan Wojtowicz en Mr. Smith lui oppose une placidité bougonne et obstinée. La bonne (Julie Lerat-Gersant), gracieuse Mary, affirme que « tout est anglais ». M. Martin (Matthieu Rozé) et Mme Martin (Aliénor Marcadé-Séchan) ne s’étonnent de rien, même quand le Capitaine des pompiers (Thierry Gimenez) prend feu pour la bonne.

Comme tout (ou presque) a déjà été dit sur ce classique du genre, visant l’absurdité des relations sociales, les conventions incongrues, les phrases banales et la médiocrité des petits bourgeois, nous ne donnerons qu’un seul conseil : pour (re)découvrir l’univers de Ionesco, allez, du côté de chez Eugène, voir cette Cantatrice chauve !

 

Photo © William Pestrimaux

La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco

Théâtre Le 13ème Art
depuis le 14 novembre et jusqu’au 10 décembre

01 53 31 13 13

www.le13emeart.com

 

 

19/11/2017

Rendez-vous au Poche

 

 

 

 

Au Poche-Montparnasse, on reprend Colette et l’amour, une sorte de conférence baptisée « cabaret littéraire » qui avait eu tant de succès la saison dernière.


Théâtre, Théâtre de Poche, Colette, Philippe Tesson, Judith Magre, Elisabeth Quin Philippe Tesson nous invite à suivre les amours de Colette et à découvrir une femme qui sut épanouir sa sensualité, affronter le scandale, mais jamais la solitude.

Colette eut des maris, des amants, des amantes. Plus personne ne s’en choque aujourd’hui, mais les mœurs de la fin du XIXe siècle étaient plus hypocrites et la femme libre perdait sa réputation. Colette en a secoué les préjugés.

Philippe Tesson retrace le parcours de l’adolescente curieuse et effrontée, bercée des mystères de la nature dans sa Puisaye natale, à la dame percluse de rhumatismes du Palais-Royal. Judith Magre, souveraine, lit les textes de Colette de sa voix chaude, avec des mines de chatte gourmande qui auraient ravi l'auteur. Elisabeth Quin les commente, Jean-Baptiste Doulcet au piano, les illustre avec les œuvres de Ravel, Fauré, Debussy, ses amis.

Philippe Tesson digresse, Elisabeth Quin proteste, Judith Magre s'en égaie, le public s’en réjouit. Le dialogue savoureux d’une disputatio impromptue nous ravit.

Ils dissertent aussi et dissèquent ses attitudes, sa soumission au mufle que fut Willy, l’initiateur de « l’harmonie tertiaire de l’amour », et des amours saphiques : Georgie (qu’elle appelle Rézi dans les Claudine), Polaire dont la taille était si menue qu’un faux-col pouvait lui servir de ceinture, Missy qui la donna à Henri de Jouvenel en disant : « Je vous confie une enfant étourdie et sans beaucoup de sens moral. » Comme si la morale importait quand on aime ! Enfin, il y eut « l’amant incandescent », Bertrand de Jouvenel, de trente ans son cadet…

Non, je ne vous dis pas tout, car vous avez rendez-vous le jeudi soir avec de brillants causeurs qui vous apprendront encore bien des secrets…

 

 

Colette et l’Amour conçu et animé Philippe Tesson

Théâtre de Poche-Montparnasse

Le jeudi à 20 h 30

Jusqu’au 11 janvier

01 45 44 50 21

www.theatredepoche-montparnasse.com

 

 

22/09/2017

Un partage avec Jupiter

 

 

 

Les puissants ont toutes les audaces. Rien ne les arrête. Pas même les liens sacrés du mariage. Ainsi, le roi David n’hésite pas à envoyer Urie, le mari de Bethsabée se faire tuer pour lui au combat, et Louis XIV renvoie le marquis de Montespan dans ses terres afin de garder la marquise auprès de lui. Ils ont un grand exemple. Jupiter ! Oui Jupiter, le Dieu suprême chez les Grecs ! En voilà un que les scrupules n’étouffaient pas. Tombé amoureux de la belle Alcmène, le dieu se fit homme et Jupiter prit la figure du mari adoré, Amphitryon, pour la posséder sans entrave.

Théâtre, Théâtre de Poche-montparnasse, littérature, Humour, Molière, Stéphanie TessonDe cette histoire d’adultère, Plaute fit Les Sosies, Rotrou, La Naissance d’Hercule, et Molière, Amphitryon, une pièce à machines et à effets spéciaux.

Stéphanie Tesson qui met en scène Amphitryon, n’emploie nulle machine pour faire descendre les dieux sur la scène. Elle a raison. Tout y est juste, mordant et éblouissant.

Jupiter (Benjamin Boyer), et Mercure (Guillaume Marquet en alternance avec Laurent Collard) investissent  l'espace avec naturel. Ils sont chez eux, car la scène les rend divins. Les toiles de Marguerite Danguy des Déserts déploient des ciels mordorés et changeants comme l’âme des dieux et des hommes. Magnifique transposition métaphorique des mystères du monde ! La « charmante » Nuit (Christelle Reboul), véritable Reine mozartienne sort de ces voiles quand elle suspend sa marche pour complaire à Jupiter, et le brave Sosie (Nicolas Vaude) y pénètre, sa lanterne à la main.

Et, sortis de « l’étoffe de nos rêves », les personnages vont prendre chair, grâce à des comédiens exceptionnels. C’est d’abord Sosie, qui va ressentir les coups de bâton dans la sienne, car Mercure, qui a volé son apparence n’hésite pas à le rosser. Le voilà, contre son gré, serviteur de deux maîtres, lui qui n’en connaît qu’un. Au jeu des doubles, s’affrontent l’incrédulité de Sosie et la malignité de Mercure, le désarroi de l’homme et la cruauté du dieu. C’est ainsi, les dieux sont injustes et sans pitié.

Pauvres hommes, marionnettes des dieux ! Voici maintenant Alcmène (Odile Cohen), épanouie, tendre, tout de blanc vêtue, confiante, heureuse avec celui qu’elle croit être son époux et qui n’est qu’un vil séducteur. Elle aussi, un jouet du destin. Jupiter, le maître de l’Olympe ? Qu’on ne s’étonne pas que Stéphanie Tesson lui donne la physionomie du jeune Louis XIV, teint rose, perruque blonde et rhingrave pourpre et or, tel qu’il parade dans les ballets de Lully. Les mauvais esprits déjà, en 1668, ne manquent pas de voir dans la pièce une allusion à ses amours avec la Montespan, car voyez-vous, « parfois, on en cause. » Et Jupiter, n’est-ce pas, traverse les siècles…

Christine Reboul qui joue aussi Cléanthis, la prude épouse de Sosie ne comprend plus son Sosie de mari. Amphitryon (Jean-Paul Bordes), qui doutait de son valet, doute maintenant autant de lui-même que de son Alcmène, et les capitaines et archontes thébains Naucratès et Posiclès (Mathias Maréchal), Argatiphontidas et Polidas (Anthony Cochin et Yannis Baraban) convoqués pour confondre les coupables n’ont plus qu’à se prosterner devant Jupiter !

Théâtre, Théâtre de Poche-montparnasse, littérature, Humour, Molière, Stéphanie TessonAmphitryon doit admettre « un partage avec Jupiter ». Mais chut ! N’en disons pas plus ! Quand ce sont des grands qu’il s’agit : « Tout ce qu’on fait est bel et bon », et « sur de telles affaires, toujours, /Le meilleur est de ne rien dire »…

C’est pourquoi j’en appelle à tous les profs blasés, dépités, sceptiques, pédagogistes ou traditionnels, militants freinetistes et même syndicalistes ! Vous voulez que vos élèves comprennent le génie de Molière? Emmenez-les voir cet Amphitryon. Vous voulez leur faire entendre la beauté de leur langue, sa souplesse, sa musique ? Emmenez-les voir Amphitryon ! Qu’ils distinguent l’allégorie du symbole ? Emmenez-les voir Amphitryon ! Vous voulez qu’ils aient l’esprit critique sans acrimonie ? Qu’ils rient sans vulgarité ? Amphitryon ! Amphitryon vous dis-je…

 

 

 

 Photos : © Pascal Gély

 

 

Amphitryon de Molière

Mise en scène de Stéphanie Tesson

Théâtre de Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi à 21 h

Dimanche à 15 h

01 45 44 50 21

 

www.theatredepoche-montparnasse.com