19/10/2014
Raccrocher la Lune !
Il y en a qui perdent la tête, d’autres qui perdent le nord, eh ! bien, le jeune Polochon (Delphine Biard) a perdu la Lune (Sophie Carrier).
Il est désespéré. En vareuse rouge et bottes jaunes, il arpente son espace favori et cherche son amie, sa consolatrice, celle qu’il contemple pour s’endormir.
Nous spectateurs, qui regardions la nuit étoilée, avons vu le croissant argenté tomber (Lumières, Bastien Courthieu). Et soudain, en kimono, elle surgit, incognito, avec des lunettes noires.
Et savez-vous pourquoi elle s’est « éclipsée » ? Elle veut, sur la terre, devenir « une star ». Oui vous avez bien lu ! La lune veut être une étoile ! Elle compte rester sur la terre. Elle ne veut plus « être un satellite », mais « briller par (elle)-même ».
Elle débarque avec ses lunettes de soleil, ses perruques, sa robe de lamé, et s’en va passer une audition chez Neil Armstrong (François Genty), l’astronaute, reconverti imprésario.
Malheureusement, elle chante « comme une casserole », et Neil refuse de la mettre en scène : « No way ! ».
On appelle alors Pierrot (François Genty) qui paraît, face cérusée et survêtement blanc, des pompons accrochés sur les baskets (costumes et scénographie de Sabine Schlemmer). Pierrot est un enfant caché, qu’elle a mis au monde après une lune de miel avec le soleil. Pierrot ne sait pas mentir et lui, avec Polochon, se bouchent les oreilles. La lune voulait chanter. Elle déchante !
Il leur faudra beaucoup de persuasion pour qu’elle remonte à son poste. Polochon allègue le bon ordre terrestre, « plus rien n’est à sa place, la mer s’est retirée », Pierrot se défile, mais appelle Youri Gagarine « un sacré pilote » pour la convaincre et la remettre à sa place, dans le ciel étoilé.
Daphné Tesson signe une première pièce délicieuse, pleine de poésie et d’humour. Elle manie la langue avec délicatesse et cisèle de jolis calembours. Elle écrit aussi la musique et les chansons, car la fable est « musicale ». Elle parle aussi de solitude et d’amour. C’est une réussite.
Philippe Fenwick assure une mise en scène intelligente et rigoureuse qui ravit les enfants et les parents. François Genty, qui joue trois rôles très différents est remarquable, Delphine Biard adorable. Sophie Carrier en Lune changeante surprend et séduit.
Vous avez donc toutes les raisons de vous précipiter au Théâtre de Poche-Montparnasse.
Profitez des vacances scolaires pour aller ensemble raccrocher la Lune !
photos : © Alejandro Guerrero
Texte publié à L'Avant-Scène Théâtre, collection des Quatre-Vents, 8 €
On a perdu la lune ! de Daphné Tesson
Théâtre de Poche Montparnasse
01 45 44 50 21
Depuis le 11 octobre
mercredi et samedi à 15 h
tous les jours (sauf les 27 et 28 octobre et le dimanche) pendant les vacances scolaires.
19:02 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, langue, Littérature, Livre, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : daphné tesson, théâtre, musique, poche-montparnasse | Facebook | | Imprimer
30/09/2014
Ubu la revue
Vous connaissez sans doute UBU, Scènes d’Europe / European Stages, cette revue bilingue (français et anglais), dédiée au Théâtre , et dont la rédactrice en chef est l’obstinée Chantal Boiron.
Une troisième langue figure dans chaque numéro, avec, dans cette nouvelle livraison, la publication d’extraits d’une pièce contemporaine : Le Tueur de dragons de Milena Markovič, pièce traduite par Jovana Papovič et publiée en français et en serbe.
Le numéro (double : 56/57) ouvre un dossier consacré aux « compagnies dramatiques indépendantes » en France aujourd’hui, avec les témoignages de Jean-Pierre Vincent, Philippe Quesne, Judith Depaule, Thomas Jolly, Julie Deliquet, Julien Gosselin, Lazare, Maya Boquet, Olivier Werner.
Revue trimestrielle, UBU, Scènes d’Europe / European Stages traite de tous les aspects du théâtre : l’écriture, la dramaturgie, la scénographie, la mise en scène, l’art dramatique, l’organisation structurelle, les techniques, l’histoire d’un théâtre en Europe, les événements, elle vous donne un agenda européen et vous rend compte des grandes créations ...
L'Europe existe… en revue ! Photos en couleur, papier couché, maquette agréable, une mine de renseignements !
Prix : 15 €
16:33 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, langue, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, revue, europe | Facebook | | Imprimer
08/09/2014
Croire ?
La reprise de L’entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune devait être dédié, cette rentrée, à la mémoire d’Henri Virlogeux qui créa le rôle de Descartes en 1985, et de Jean-Pierre Miquel qui mit la pièce en scène au Petit-Odéon, le hasard, à moins que ce ne soit la Providence, veut qu’on la dédie aussi à l’auteur, Jean-Claude Brisville, qui nous a quittés au mois d’août. Et ses mots résonnent comme un testament.
Jean-Claude Brisville avait imaginé ce dialogue entre les deux grands philosophes français du XVIIe siècle, à partir de la rencontre qu’ils avaient eue en 1647 au couvent des Minimes à Paris. Descartes (Daniel Mesguich) va partir pour la Suède, il se cherche un fils spirituel et voit en Pascal (William Mesguich)un disciple en ce qui concerne les sciences. Mais la religion va les diviser. Pourtant, tous deux sont catholiques. Tous deux ont foi dans le même Dieu. Mais Descartes y croit « sans en menacer personne », tandis que Pascal, grave, « toujours sous le regard de Dieu » écoute avec effroi le « silence de ces espaces infinis ».
Descartes croit en la liberté de l’homme, Pascal en la grâce divine. La bulle du pape condamnant Jansénius n’est pas encore parue, mais déjà, les théologiens se divisent, et les fidèles aussi. Descartes fut l‘élève des jésuites, Pascal fut l’élève de Port-Royal. Une controverse oppose d’’ailleurs le grand Arnauld à Descartes. On ne s’étonnera donc pas que Descartes refuse d’intervenir en faveur de celui qui attaque sa façon de penser Dieu.
« Pascal nous inquiète aujourd’hui tandis que Descartes semble avoir le beau rôle », écrit Daniel Mesguich qui met en scène. Il y a trente ans, Pascal, à la recherche d’un Dieu exigeant semblait sympathique, aujourd’hui, face aux fanatismes, on donne raison à Descartes pour qui « il ne suffit pas de croire » mais de « savoir ».
Écrite dans une langue pure et nuancée, cette joute littéraire et philosophique est un régal. Les deux comédiens, père et fils, sont exceptionnels.
Et le plaisir d’écouter ce débat donnera peut-être aux jeunes metteurs en scène, aux comédiens, l’idée de lire, et de monter enfin les dernières comédies de Jean-Claude Brisville encore inédites à la scène. Je leur signale particulièrement une vie de Méliès, Deux enfants dans la Lune*, délicate et mélancolique, qui me paraît bien supérieure au film Hugo Cabret plus prétentieux qu’inspiré.
*Sept comédies en quête d’acteurs, éditions de Fallois, 26 €
L’entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune
de Jean-Claude Brisville
Théâtre du Poche-Montparnasse
du mardi au samedi à 19 h, dimanche à 17 h 30
01 45 44 50 21
www.theatredepoche-montparnasse.com
17:03 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Histoire, langue, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, poche-montparnasse, daniel et william mesguich, philosophie, religion | Facebook | | Imprimer