15/10/2017
De haine et d'amour
Trois femmes. Trois psychanalystes en scène. Mélanie Klein (Marie-Armelle Deguy), sa disciple Paula (Sarah Le Picard), et l’objet d’étude, sujet des dissensions, Mélitta (Clémentine Verdier) fille de Mme Klein.
Nous savons que Mélitta, devenue elle-même médecin, s’opposa violemment à toutes les découvertes de sa mère. Nicolas Wright montre ces trois femmes au cours d’une nuit de quête et d’aveux, de suspicions et de confessions. Ce n’est pas la nuit de Walpurgis, mais tous les démons y sont convoqués.
Vous ne croyez pas à la psychanalyse ? Vous avez vos raisons. Mais ici, vous auriez tort de vous priver de cet éblouissant trio. La reine est sans conteste, Marie-Armelle Deguy, puissante et fragile, d’une intelligence remarquable dans l’interprétation d’un texte mouvant et violent.
Clémentine Verdier, en fille perverse, vindicative et irascible, est bouleversante. Et Sarah Le Picard, blessée, mais lucide et déterminée, joue la raison face à ces passionnées, pétries de haine et d’amour.
Le spectacle mis en scène par Brigitte Jacques est puissant, ne le manquez pas…
Mme Klein de Nicolas Wright
Traduction François Regnault
Mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman
Théâtre de la Ville/salle des Abbesses
01 42 74 22 77
Jusqu’au 20 octobre
11:04 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Science, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, psychanalyse, mélanie klein, brigitte jaques-wajeman | Facebook | | Imprimer
09/10/2017
Vania aujourd'hui
Les personnages de Tchekhov ont tant d’humanité qu’ils continuent de vivre en nous en dehors des comédies (ou des drames) de leur auteur. Tchékhov lui-même n’écrivit-il pas L’Eprit de la forêt, une première version de Oncle Vania, où un des personnages voulait sauver les forêts et un autre, qui gérait le domaine pour le Professeur Serébriakov, découvrait qu’il avait inutilement sacrifié sa vie.
Pas étonnant qu’aujourd’hui, où il est question de sauver la planète, le docteur Astrov paraisse si moderne ! Normal que l’oncle Vania, se révolte contre son sort en découvrant que Serebriakov, est un faiseur !
Julie Deliquet adapte donc Oncle Vania pour une époque indéterminée, proche des années 80 puisque les costumes sont résolument contemporains, qu’il n’y a pas encore de téléphone portable, mais que le samovar est définitivement remplacé par la machine à café et les discussions littéraires par des exposés sur le cinéma de Dreyer, projection à l’appui. Serebriakov (Hervé Pierre) pigerait-il au Cahiers du Cinéma ? Comme sa retraite est bien mince et qu’il dit devoir écrire un article, on a vite fait de l’imaginer.
Mais cette élucubration mise à part, le texte de Tchekhov nous rattrape vite. Il nous étreint avec force, et nous retrouvons avec émotion ces êtres qui voyageaient en nous quelque part dans notre culture qui s’effiloche. Si leur détresse nous poigne et nous pénètre, c’est que les comédiens du Français sont maîtres dans leur art.
Florence Viala, est, avec charme et délicatesse, Elena, cette belle Hélène qui traîne tous les cœurs après elle, au bord de l’adultère, mais jurant d’aimer son vieux mari. Stéphane Varupenne joue avec gravité, Astrov, ce médecin humaniste et défenseur de la nature, dévoué à ses patients, et que sa passion pour Elena va rendre injuste et cruel. Anna Cervinka est Sonia la mal aimée, qu’elle montre frémissante d’espoir, pudique, souriant pour ne pas s‘abandonner au désespoir. Laurent Stocker interprète un Vania exaspéré par la vanité et l’égoïsme du Professeur, les nerfs à fleur de peau, révolté de découvrir l’inanité de sa vie. Brisé, il nous brise le coeur. Dominique Blanc est Maria, la mère de Vania, subjuguée par le Professeur. Et Hervé Pierre donne à Sérébriakov la candeur d’un d’enfant gâté qui boude parce qu’un jour, on ne cède plus à ses caprices. Noam Morgensztern promène son personnage de Télieguine, pique-assiette sympathique et malheureux que personne ne plaint ni n’écoute.
Tchekhov achève Oncle Vania et Les Trois Soeurs sur des futurs noyés de larmes : « Nous nous reposerons », dit Sonia, « Nous allons vivre » dit Olga. Et pourtant tout les accable.
Et pourtant, ils vivent toujours en nous, tumultueux et tendres.
Vania d’après Anton Tchekhov
Mise en scène Julie Deliquet
Théâtre du Vieux-Colombier
jusqu’au 12 novembre
01 44 58 15 15
18:20 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Nature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre du vieux-colombier, tchekhov | Facebook | | Imprimer
08/10/2017
Mère et fille
Elle (Dominique Valadié) siège sur un petit divan raide et inconfortable. Elle vilipende les artistes de son époque, critique les mœurs et la société, humilie celle qu’elle appelle : « mon enfant » (Léna Breban), une grande fille sans âge, qui, mutique, va et vient, préparant, comme une servante, les valises pour la villégiature. La Mère est royale, désabusée, cynique, odieuse. La Fille est soumise. Dominique Valadié est souveraine. Léna Breban lui tient tête avec patience. Elles sont impressionnantes.
La Mère persifle, cinglante, insensible aux autres, à la littérature, à sa Fille qu’elle juge « insignifiante ».
On voudrait qu’elle se taise, que sa fille proteste, qu’elle cesse de plier avec soin les nombreuses robes et manteaux de sa mère, elle qui n’a qu’une seule toilette à emporter. Mais Thomas Bernhard n’est pas de ceux qui croient à la catharsis du tragique. Il appuie sur les travers de l’humanité, il rouvre les plaies, les fait suppurer. Il « jette à la tête des gens leur propre saleté. » Il analyse avec pertinence les rouages de cette relation : mère mauvaise et fille victime.
La Mère a pourtant invité le jeune auteur (Yannick Morzelle) dont elle critique l’œuvre et que sa Fille admire.
Pour quelles raisons ? Dans quel but ?
Ce frêle jeune homme saura-t-il lui résister, ou simplement la faire taire ?
Et c’est au spectateur d’imaginer la suite…
Tout grince dans Au but. Tout est souillé dans les rapports humains. L’humanité de Thomas Bernhard est perverse et l’horizon est noir.
Christophe Perton nous fait entrer sans ménagement dans cet univers cruel. Et les comédiens en montrent l’authenticité atemporelle.
On en sort la gorge serrée, le désespoir au cœur, mais les sens en éveil.
Au but de Thomas Bernhard
Mise en scène de Christophe Perton
Jusqu’au 5 novembre
Théâtre de Poche-Montparnasse
01 45 44 50 21
www.theatredepoche-montparnasse.com
19:02 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de poche-montparnasse, thomas bernhard, dominique vaadié, christophe perton | Facebook | | Imprimer