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25/11/2016

Des amis susceptibles

 

 

 

Théâtre, théâtre poche-montparnasse, Nathalie Sarraute, Nicolas Briançon, Nicolas Vaude
L’un, débonnaire (Nicolas Briançon), s’inquiète du comportement rancunier de l’autre (Nicolas Vaude). Ils sont amis depuis longtemps, et pourtant, quelque chose ne va pas entre eux.

Quoi ?

« Rien ». Mot magique qui sert chaque fois qu’on n’a pas envie de donner les raisons de sa rêverie, de sa bouderie, de ses angoisses.

Car ce « rien-là » est « tout » à celui qui est ombrageux et perçoit l’ironie, le jugement défavorable dans un changement de ton, un silence une exclamation. Il en est qui rompent « pour un oui pour un non », et Nathalie Sarraute fait de la susceptibilité, un enjeu théâtral jubilatoire.

Pour cet affrontement oxymorien, Léonie Simaga donne à ses personnages aux idées sombres, des vêtements assortis, et les place dans un décor d’un blanc angélique (Décors et lumières Massimo Troncanetti).

Entre «non-dit » et « trop-dit », les fâcheries anciennes réapparaissent, la dispute s’envenime, la fracture se creuse. Tout est prétexte à reproches, amertume et rancoeurs. Et l’appel à témoin (Roxanna Carrara) n’apaisera pas les tensions.

Nicolas Vaude joue le marginal à l’esprit tortueux. Il se recroqueville comme un adolescent blessé, lance des regards par en dessous, se redresse comme un serpent prêt à mordre, suce les mots qui font mal avec délectation. Nicolas Briançon, le regard bleu qui force les aveux, prend des airs paternels, maîtrise en force ses agacements, tente de garder le visage serein, le ton mesuré.

On retrouve ici le plaisir qu’on eut, il y a quelques années, aux échanges de Jacques et son maître par les deux mêmes comédiens. Le grand art du duo !

 

 

Photo :© Brigitte Enguerand 

 

 

Pour un oui pour un non de Nathalie Sarraute

Mise en scène Léonie Simaga

Théâtre de Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi à 19 h, dimanche 17 h 30

01 45 44 50 21

 

 

22/10/2016

Paris Prévert

 

 

Livre, PrévertOn connaît l’attachement de Jacques Prévert pour Paris. Danièle Gasiglia-Laster nous invite à accompagner le poète dans Paris Prévert, un voyage érudit et charmeur dans « un beau livre » nouvellement sorti aux éditions Gallimard.

Photos, collages, fac-similés de documents d’archives, lettres (et enveloppes), mettent en perspective l’amour de Paris qu’il célébra dans ses poèmes, ses textes, les dialogues théâtraux pour le groupe Octobre, les scénarios de cinéma, les commentaires des albums photos des maîtres photographes que Paris fascinait.

Afin de ne rien perdre des itinéraires du poète, un plan de Paris répertorie les lieux où il vécut, ceux qui l’inspirèrent, et ceux qu’il réinventa. On peut donc le suivre allégrement dans ses déménagements et « sa valse des adresses ». On peut retrouver ses promenades, les lieux qui l’inspirèrent, ceux qu’il fréquentait avec ses amis.

C’est aussi l’occasion de semer les graines de la biographie en montrant, autour du jardin du Luxembourg les repères de l’enfance, où « on ne mangeait pas régulièrement, ou à crédit le plus souvent », mais où « on allait au cinéma. » Puis viennent les repaires de sa jeunesse autour du quartier Latin, de Montparnasse et de Montmartre. Quand ses amis se nomment Raymond Queneau, Yves Tanguy, Robert Desnos, Marcel Duhamel, Benjamin Péret, Pablo Picasso, Alberto Giacometti, Jacques Prévert croque la ville à belles dents.

Révolté par la misère et les injustices, iconoclaste, anarchiste, il écrit pour le groupe Octobre, « agitation et propagande », pour faire « entendre les revendications » ou soutenir le Front populaire. De la salle de la Mutualité aux cabarets, les poèmes de Prévert courent dans les chansons, rive droite et rive gauche, théâtre et cinéma…

Réformé en 1940, réfugié dans le Midi, il revient à Paris en septembre 1943, quand le tournage des Enfants du Paradis est arrêté. Le film entier est une célébration d’un, « Paris rêvé », et souvent « réinventé », comme aussi dans le ballet de Roland Petit, Le Rendez-vous, et toujours au cinéma Les Portes de la nuit.

Paris est plus qu’un décor, il inspire des poèmes qui portent le nom pittoresque de ses rues.

À la dernière adresse du poète, 6 bis, cité Véron, au pied de la butte Montmartre, la terrasse est commune avec un autre poète, Boris Vian, un rebelle, lui aussi…

Il y reçoit ses amis, connus ou anonymes, des enfants, et même un étudiant, Arnaud Laster.

Ses amis photographes en l’immortalisant devant les marchands de journaux, les commerçants, au café, magnifient aussi le Paris qui est en train de disparaître sous les convoitises des promoteurs, les programmes immobiliers et rénovateurs qui défigurent la ville qu’il a aimée.

Cependant, ce très beau voyage ne s’achève pas, puisque la dernière partie de Paris Prévert offre une petite anthologie de ses textes sur Paris.

« Il était une fois la Seine

il était une fois la vie. »

Et il était une fois Prévert, pour toujours… car « Paris est une toute petite ville pour ceux qui s’aiment, comme nous, d’un aussi grand amour ! »…

 

 

 

 

 

 

Paris Prévert

Danièle Gasiglia-Laster

Albums Beaux-livres

Gallimard,

Prix : 39 €

19/10/2016

Quoi de neuf ? Molière… et Boulgakov

 

 

Mikhaïl Boulgakov rencontra beaucoup de difficultés avec la bureaucratie et la censure. Ses écrits, son théâtre furent souvent et longtemps interdits en U. R. S. S. Ainsi, Le roman de Monsieur Molière, biographie de Molière que Gorki lui avait commandée, terminée en 1933, ne parut qu’en 1962, et dans une version expurgée !

Théâtre, Littérature, Théâtre du Lucernaire, Molière, BoulgakovRonan Rivière l’adapte pour la scène dans une version théâtrale pour tréteaux qu’il met astucieusement en scène et joue avec un seul comédien Michaël Cohen (ou François Kergoulay). Il glisse dans le récit quelques scènes des premières farces, puis des Précieuses, du Mariage forcé, du Misanthrope, de la Critique de l’École des femmes, et des écrits ou libelles contre Molière. Les années courent, les adversaires triomphent, Molière se bat. On est captivé.

On retrouve l’atmosphère du Roman comique de Scarron, mais surtout, les aléas de la troupe itinérante, L’Illustre théâtre, puis l’alternance « des succès et revers d’une troupe légendaire ». Quoi de neuf pour dire le combat éternel contre la censure et pour la liberté d’expression ? Molière et… Boulgakov

Le chariot des comédiens occupe une bonne partie de l’espace, et les changements à vue transforment le véhicule en estrade, ou en décor. Un seul fauteuil Louis XIII suffit à situer l’époque, les comédiens jouent en chemise blanche et pantalons avec bretelles. Olivier Mazal, au piano, ponctue les séquences de morceaux de Lully. Ronan Rivière est à la fois Boulgakov, le narrateur,  et Molière. Mickaël Cohen interprète Gros René, Joseph Béjart, le prince de Conti, Philippe d’Orléans, Louis XIV, les marquis, les dévots, et même Armande ! Une cape suffit à le transformer. À comédiens de talent rien n’est impossible, et le résultat de ce duo, sur scène, est un vrai plaisir.

On recommande cette « biographie » vivante à tous les publics et en particulier à ceux qui auraient Molière au programme, c’est-à-dire tous, de la sixième à l’université !

 

 

 

 

Le Roman de Monsieur Molière d’après Boulgakov, Molière et Lully

Adaptation et mise en scène de Ronan Rivière

Théâtre du Lucernaire

01 45 44 57 34

À 18 h 30 du mardi au samedi, dimanche à 16 h