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13/04/2012

Se battre pour la République

  

Représenter le roman Quatrevingt-treize de Victor Hugo, avec cinq comédiens, tient de la gageure. Le changement continuel de lieu, le nombre des protagonistes et des figurants, les péripéties : naufrage, massacre, incendies, luttes armées, reddition de ville, attaque du château,  relèvent du grand spectacle.

La compagnie In Cauda, sous la direction de Godefroy Ségal qui en signe l’adaptation et met en scène en propose une version, où la narration cimente les scènes jouées. théâtre,v. hugo,littérature,histoireAvec une grande intelligence, cette structure donne l'essentiel du roman. En costumes contemporains, « armés d’accessoires sonores », les comédiens jouent avec pour seuls décors les tableaux en noir et blanc de Jean-Michel Hannecart, projetés sur deux écrans (Benjamin Yvert), sorte de story-board du film muet de Capellani et Antoine (1914),

Rappelons que le roman se passe en 1793, dans l’Ouest de la France. Les soldats du « bataillon du Bonnet rouge », des républicains qu’on appelle les Bleus (couleur de leurs uniformes), envoyés contre les Vendéens (les Blancs), recueillent La Fléchard, une paysanne affamée et ses trois enfants. Le marquis de Lantenac, un émigré revient sur ses terres pour diriger la lutte contre les Bleus. Sa tête est mise à prix. Il est sauvé par un mendiant, puis dirige le massacre d’un village, fait fusiller les Bleus comme les paysans, achever les blessés, enlever les enfants. Il laisse leur mère pour morte. Un mendiant, Le Caimand la sauve et la guérit. De Paris, Danton, Marat et Robespierre envoient Cimourdain avec la guillotine pour exécuter Lantenac et seconder le jeune capitaine Gauvain, neveu dudit marquis. Les Bleus sont vainqueurs, Lantenac réussit à s’échapper, mais revient sur ses pas pour sauver les enfants. Il est fait prisonnier. Cette bonne action lui vaut la clémence de Gauvain lequel sera guillotiné pour l’avoir fait évader.


Deux narratrices se relaient, Géraldine Asselin et Nathalie Hanrion. La seconde  joue aussi la mère douloureuse, La Fléchard, et la première interprète également la Vivandière puis Marat.

Leurs partenaires masculins jouent tous plusieurs rôles. François Delaive  est Lantenac puis Cimourdain, assumant avec bonheur des rôles très opposés. Boris Rehlinger, compose un Radoub sensible, un Halmalo intéressant, un La Vieuville crédible, mais son Robespierre paraît faible, et son Caimand demanderait moins de grimaces. Si Alexis Perret donne un Boisberthelot et un aubergiste plausibles, le personnage de Danton manque de truculence et celui de Gauvain, de grandeur.

Il n’est pas facile de se multiplier, et nous leur seront gré de transmettre la parole hugolienne avec ferveur. Elle est indispensable.

Au moment de la parution de Quatrevingt-treize (1874), il s’agissait de fonder la Troisième République, de réconcilier les Français avec le régime qu’on accusait de « terreur ». Hugo se battait pour la République, pour obtenir l’amnistie des Communards, et reprenait le combat contre la peine de mort.

Aujourd’hui on entend le discours de Gauvain qui imagine une république idéale, un monde sans famine, un « homme citoyen », une « république d’esprits » : « je veux la liberté devant l’esprit, l’égalité devant le cœur, la fraternité devant l’âme. », dit celui qui, au moment de mourir pense « à l’avenir », celui des autres.

Le vôtre.

 

 

 

 

 

 

 

 

Quatrevingt-treize d’après le roman de Victor Hugo

Adaptation et mise en scène de Godefroy Ségal

Maison de la Poésie

01 44 54 53 00

du mercredi au samedi à 20h, dimanche à 16 h

depuis le 7 avril, jusqu’au 13 avril

puis du 2 au 20 mai.

 

 

 

05/12/2011

Maudites initiales

 

 

Les deux « H » sont de toute beauté. L’artiste qui les a dessinées, modelées, sculptées, fondues, a accompli un chef d’œuvre. Elles resplendiront au fronton du collège que le conseil va inaugurer la semaine suivante.

Mais… le nouveau conseil n’est pas d’accord sur le choix du nom : « Heinrich Heine », car il ne fait partie « d’aucune sommité locale ». Il vaudrait mieux le « nom glorieux d’un de nos éminents natifs ». Que faire alors de ces maudites initiales ?

« Je proteste dit l’un. « Je désapprouve », dit l’autre. Le président (Jean-Paul Farré) insiste.

Or, il y en a bien quelqu'un qui est « fils de notre cité »: il s’agit de Heinrich Himmler. Malheureusement, pour certains il est « le plus grand criminel du XXe siècle ». Mais d’autres ne voient en lui qu’une « sorte d’Européen ». Et  puisqu’il faut « affronter notre passé en face », pourquoi ne choisir son nom, puisque ses initiales correspondent à l’œuvre de l’artiste ?

Au nom de la démocratie, on débat, on pèse les actions, prépare les dossiers. Heinrich Heine, poète romantique, ironique, rebelle à l’ordre établi, « géant le la littérature », face à Heinrich Himmler, « témoin d’une époque », et fameux « épistolier » dont les circulaires péremptoires firent un « criminel capital. »

Au cours d’une assemblée extraordinaire, a lieu la lecture comparative du florilège des œuvres !

Peut-on les comparer sans honte ? Sans entonner « le grand chant des renoncements avec lequel on endort les peuples » ? Ceux qui protestaient se tairont vite, d’autant que les autorités de tutelle ratifient les résolutions de la base…

Jean-Claude Grumberg signe une œuvre grinçante, qu’il met en scène frontalement.

Autour de Jean-Paul Farré, s’agitent Salima Boutebal, Olga Grumberg, Joseph Menant, Christophe Vandevelde, pantins d’un consensus blet. Gens médiocres, lâches, imbus de leurs prérogatives, ils se gargarisent de phrases toutes faites, et barbotent dans le marais du conformisme. 

Le ton est celui de la farce, mais dit Jean-Claude Grumberg, « demain, qu’en sera-t-il de notre mémoire qui déjà, semble indisposer un si grand nombre de belles âmes ? » Qu’en sera-t-il lorsque l’enseignement de l’Histoire aura disparu ?

 

 

 

 

 

 

H. H.  de Jean-Claude Grumberg

Théâtre du Rond-Point

www.theatredurondpoint.fr

jusqu’au 24 décembre, 21 h. 

 

 

 

 

 

 

11/11/2011

Carte blanche à Hitler

 

 

Que faire contre le diable quand on est un jeune prêtre ? Que faire contre le diable quand il s’appelle Hitler, et que le « Vicaire du Christ » sur terre, c’est-à-dire le pape Pie XII, prétend que le diable, c’est Staline et qu’il faut ménager Monsieur Hitler ? Comment arrêter les crimes contre le peuple juif ?théâtre,histoire,littérature,théâtre 14,jean-paul tribout

 

Les personnages de Rolf Hochhuth, les faits dont il s’inspire pour sa pièce, Le Vicaire, sont authentiques. Paul Claudel n’écrit-il pas que « les horreurs sans nom et sans précédent commises par l’Allemagne nazie auraient mérité une protestation solennelle du Vicaire du Christ. » Au moment où son successeur (Benoît XVI) engage le processus de béatification de Pie XII, il est capital de se souvenir de ces atermoiements qui désespérèrent les vrais chrétiens.

 

Jean-Paul Tribout  signe une mise en scène d’autant plus puissante qu’elle étonne de simplicité et de sobriété. Les comédiens sont graves et justes. théâtre,histoire,littérature,théâtre 14,jean-paul tribout

 

On a bien sûr en mémoire le film de Costa-Gavras, Amen (2002), et ses reconstitutions historiques.

Le décor d’Amélie Tribout est unique, constitué de panneaux métallisés, brillants, gris sombre. On retrouve cette couleur anthracite dans les costumes d’Aurore Popineau. Même costume de clergyman, pour tous les protagonistes, un insigne, une calotte, une croix les distingue, tous pareilllement sombres, sauf le pape.

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L’effet est garanti quand Pie XII tout de blanc vêtu apparaît, au centre des protagonistes qui attendent un mot de lui pour agir.

Impavide, l’homme aux petites lunettes rondes se considère « innocent du sang versé ». Successeur de saint Pierre ? De Jésus ? Plutôt d’un certain Ponce Pilate qui s’était lavé les mains en livrant le Christ à ses bourreaux…

En hommage à ceux qui eurent pitié des martyrs, allez voir Le Vicaire.

 

 

 

 

 

Photos : © Lot

 

 

 

Le Vicaire de Rolf Hochhuth, publié au Seuil

Adaptation et mise en scène de Jean-Paul Tribout

Théâtre 14

01 45 45 49 77

Jusqu’au 31 décembre