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07/07/2010

La mort est venue

  

Laurent Terzieff aimait les poètes et il se plaisait à réciter celui de Pavese qui commence ainsi :« la mort viendra et elle aura  ton visage ». La mort est venue. Et nos visages ont eu les yeux pleins de larmes. Et ces mots et sa voix nous ont accueilli dans l’église Saint-Germain-des-Prés » pour un dernier salut avant qu’il ne rejoigne sa « demeure d’éternité ».

Laurent Terzieff vivait comme un ascète profondément mystique, détaché des biens de ce monde, et brûlant pour le théâtre d’une foi inextinguible. Loin du tumulte, du snobisme, du clinquant, il avait su tenir cette haute rigueur morale dont notre siècle oublie jusqu’à la moindre trace. Avec Pascale de Boysson, sa compagne, il avait révélé des auteurs dramatiques étrangers : Saunders, Schisgal, Albee, Mrozeck, soutenu de jeunes auteurs français comme Jean-Louis Bauer.

Nous étions nombreux à l’aimer et s’il était exigeant pour lui, il demeurait infiniment indulgent pour les autres. Ainsi en est-il des saints.

 

 

 

 

 

29/04/2010

Paris, toujours !

 

 

 

Redingotes rouges et collants noirs, elles ont l’ingénuité et l’insolence des grandes comédiennes. Delphine Haber et Isabelle Siou, venues du théâtre, ont concocté une « balade parisienne » peu ordinaire. Elles aiment Paris et elles aiment ses poètes. Elles ont donc cousu avec une grande intelligence des textes du XXe siècle qui parlent de la capitale.

 Elles annoncent, Apollinaire, Queneau, Franck Venaille, Jacques Roubaud, Gainsbourg, Brassens, et on prend naturellement bien du plaisir à les retrouver. Cependant, l’attrait du spectacle est la découverte des textes nouveaux, et spécialement ceux de Yan Pradeau, musicien et auteur de chansons délicieusement acidulées.

Fines et souples comme des lianes, jumelles en scène, elles chantent et dansent autour d’un de ces bancs publics chantés par Brassens, et sur lequel Benoît Mellal, leur metteur en scène a installé « leur » musicien Yan Pradeau.

Cette heure de cabaret bien tempéré vous donne un spectacle épatant, qui vous met en appétit pour toute la soirée. Vous auriez raison d'y aller très vite.

 

 

Balade parisienne

Cabaret de chansons et de poésies

Théâtre du Ranelagh

01 42 88 64 44

Du mercredi au samedi à 19 h

Samedi à 16 h 30

Dimanche à 15 h

 

16/02/2010

La mort apprivoisée

 

 Les hommes craignent la mort dont ils se sont fait des représentations souvent épouvantables*.

« Nous troublons la vie par le souci de la mort, et la mort par le souci de la vie. » écrivait Montaigne.Mais la mort n’effraye ni les poètes, ni les enfants. Ils sont trop proches du Paradis. Quand ils jouent avec elle, ils gardent l’innocence de Hélas.

« Hélas ! » Quel drôle de nom pour cet être qui vit dans un cocon protecteur, à Croitou, et ignore tout de la vie, de ses perversités et de la malveillance de ses semblables. La créature de Stéphanie Tesson va donc accomplir un voyage initiatique pour apprendre. Quittant Nounou, elle se lance « dehors ». Et rencontre Not to be, c’est-à-dire la Mort, avec son masque terrifiant. Mais Hélas n’a pas peur. Pour elle « la mort, ça n’existe pas ! ». La Mort est vexée, elle l’emmène au « bazar de la vie » où on peut tout acheter. Le premier fripon venu, un « commissaire priseur », extorque le pauvre Hélas, qui sans malice, a acquis un « zizi d’époque », et ne peut pas le payer. Voici Hélas en prison.

La Mort est séduite devant tant d’ingénuité. Elle le fait libérer, et ne le quitte plus. Elle « platonise ». Elle est apprivoisée et jure de ne plus jamais tuer.

« Deux choses peuvent durer : la Mort et l’Amour. » Tous les poètes vous le diront.

Stéphanie Tesson est ce poète. Elle écrit, en octosyllabes, le plus souvent, dans une langue classique d'une grande beauté : « Disparais, chose superflue ! », ou « Plus de guerre et moins d'agonie ! » 

Elle est aussi narratrice et actrice, jouant tour à tour, Hélas, la Mort, et tous les quidams qu’ils rencontrent.

Elle mime, manipule des marionnettes (création : Marguerite Danguy des Déserts). Sobrement dirigée par Anne Bourgeois, elle commence le récit « à la table », sanglée dans une redingote noire (costume de Corinne Page). Tout est sombre autour d’elle. Puis, quand elle quitte Croitou, le fond bleuit (lumières de François Cabanat), ensuite il rougeoiera. Il fallait cette rigueur, ces mouvements mesurés, pour que le spectateur intériorise la quête de l’innocent.

De sous la table, Stéphanie Tesson tire des marionnettes stupéfiantes. Et pourtant, tout devient évident quand elles paraissent. Nounou ? Un sein naturellement. Le désir des hommes ? Un sexe, bien sûr. Rien d’obscène dans sa représentation. L’auteur-conteur est en état de grâce, magnifiée par le sens de la fable. Car il s’agit de repousser le Mal, de glorifier l’Amour, de croire.

Que la Mort renonce à tuer, dans les contes très anciens, ce souhait nous fut rapporté. Mais qu’elle se laissât mourir de désespoir, et que son platonique et fidèle amant restât auprès d’elle, nous trouble profondément.

La Mort ? « Je ne sais ni ce qu'elle est, ni ce qu'elle fait en l'autre monde. » disait encore Montaigne. Mais la réincarnation de l’innocence a le visage de Stéphanie Tesson.

Il est si rare de le rencontrer qu'il faut vite aller voir Hélas.

 

 

* On peut voir, sur ce sujet, en ce moment, la très belle exposition : Vanités au musée Maillol

 

Hélas, petite épopée apocalyptique de et par Stéphanie Tesson

Théâtre Artistic-Athévains

Jusqu’au 21 mars

01 43 56 38 32

www.artistic-athevains.com