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01/10/2008

Correspondances

Elle n’était pas vraiment belle, elle était hardie de langage, et elle avait décidé que les rapports entre les hommes et les femmes devaient être « réciproques ». La baronne Aurore Dudevant un jour quitta son mari et sa province. Elle prit un nom d’homme et devint George Sand.

 

Dans le piquant spectacle Tout à vous, George Sand élaboré et joué par Valérie Zarrouk et Stéphanie Tesson, on vous explique comment le nom de l’amant Jules Sandeau fut châtré en Sand, et pourquoi georgicus (relatif à l’agriculture) se décline en George.

Scandaleuse George Sand qui osa s’afficher avec ses amants, en changer au gré de ses désirs, et demander le divorce ! Elle aimait la musique et la littérature. Mais elle aimait plus encore la liberté. Musset et Chopin l’ont aimée puis détestée. Et elle ? Elle les a plus chéris en mère qu’en amante. C’était une âme forte.

 

Valérie Zarrouk lui prête agréablement sa voix, Stéphanie Tesson lui donne la réplique avec passion : tour à tour Vigny, Musset, Chopin et quelques autres. Vêtues de noir comme il sied à toute âme romantique, elles lisent des correspondances qui se répondent et expliquent les raisons du cœur. Un pianiste (Nicolas Stavy ou Michel Guikovaty) ponctuent les lettres en jouant Mendelsohn, Liszt, Chopin, Schumann.

 

Allez vite palpiter avec ce trio charmeur.

 

 

 

 

 

 

Tout à vous, George Sand

De et par Valérie Zarrouk et Stéphanie Tesson

Théâtre du Ranelagh

01 42 88 64 44

le mercredi et le samedi à 17 h

jusqu’au 29 novembre.

 

Le cavalier de la Révélation

 

Le cas d’Alan Strang (Julien Alluguette) est étrange, et la Juge (Delphine Rich) est persuadée d’être « confrontée à l’affaire la plus perturbante de (sa) carrière ». Elle supplie le Docteur Martin Dysart (Bruno Wolkowitch) de le « prendre en charge ». Le jeune homme a « crevé les yeux de six chevaux dans le manège où » il était palefrenier. Crime abominable pour une société où l’animal est mieux protégé que les enfants. Crime impardonnable puisqu’il touche à toute la mythologie chrétienne et païenne.

 

Le fantasme est enfoui au plus profond de l’homme : qu’il s’appelle, Pégase, les centaures, Bucéphale, les cavales sauvages des territoires inconnus, les cavaliers de l’Apocalypse ou Mazeppa, pour peindre ce rêve de « course comme un vol », qui ouvre « tous les champs du possible et les mondes de l’âme »*, l’image du cheval traverse les continents et les âges. Peter Shaffer le reprend, dans Equus, ouvrant les doctrines de la Kabbale avec les clés de la psychanalyse.

 

Car la religion est ici cause d’aliénation. Dora, la mère du coupable, (Christiane Cohendy) a nourri l’enfance du petit garçon avec des lectures pieuses et des images dévotes que le père (Didier Flamand) blâme ouvertement. Serait-ce suffisant ? Pas encore ! Il faut aussi parler de sexualité. Celle du petit garçon a été éveillée accroché à la crinière d’un grand cheval, contre un cavalier éblouissant (Jeoffrey Bourdenet) qui l’initiait au plaisir du galop.

 

Cette première émotion a fixé le devenir d’Alan. L’inconnu est devenu le cavalier de la Révélation. L’enfant a juré « fidélité et vérité » à l’animal, equus en latin, il s’y est assujetti. Embauché dans un manège, il en devient l’esclave. Mais c’est de nuit, clandestinement qu’il le monte, en récitant comme une litanie, la généalogie du pur-sang.

 

L’infirmière revêche (Joséphine Fresson), le directeur du manège (Alain Stern) complètent la société qui condamne Alan. Martin Dysart aide Alan à accoucher de tous ses secrets. Il révèle aussi la médiocrité des siens, sa petite vie tiède, sans passion. Bruno Wolkowitch, les cheveux gominés, assume avec brio le rôle écrasant du psychiatre. Il tient en permanence la scène, passant d’un lieu à un autre, d’un temps à un autre, questionnant sans faillir tous les acteurs du drame, et recollant les bribes éparses des confessions, afin que le spectateur comprenne l’énigme que pose ce garçon. Christiane Cohendy est bouleversante dans ce cri maternel : « Nous n’avons rien fait de mal. Nous avons aimé Alan, de notre mieux, avec tout l’amour possible. », Didier Flamand, Delphine Rich l’épaulent avec toutes les finesses de leur talent.

 

Didier Long, le metteur en scène a travaillé sur une nouvelle adaptation de Pol Quentin, qui avait déjà traduit le texte en 1976. C'est très impressionnant. Les éléments du décor (de Jean-Michel Adam) glissent sur le plateau, descendent des cintres, recréent l’arène du manège. Trois jeunes hommes au physique de danseurs miment les chevaux. Ils portent des masques de fil de fer en forme de tête de cheval. Nous allons l’amble, moins comme chez Jean-Louis Barrault, que comme chez Cocteau où « le sang du poète » rougit les rêves de transgression.

 

« Éternel ! Tes yeux ne regardent-ils pas à la fidélité ? » est-il dit dans la Bible (Jérémie), où des rois barbares, pour cacher leurs forfaits crèvent inutilement les yeux des témoins. Le péché de la chair mérite-t-il tant de crimes ?

 

 

 

 

 

 

* Extraits de Mazeppa de Victor Hugo (Les Orientales)

 

 

Equus de Peter Shaffer

Théâtre Marigny

0892 222 333

 

 

 

30/09/2008

Cimetière marin

On entend le ressac de la mer, et au lointain, une cloche, par instants appelle. Mais l’horizon est fermé, et noir. L’homme (Yann Collette) est seul, et examine les stèles plantées en diagonale. Les petits graviers blancs crissent comme de la neige durcie (scénographie de Jean Haas). L’homme s’assied sur un banc, à cour, et médite. Et voici que surgit, comme par hasard, une jeune femme (Irène Jacob) qui semble le reconnaître. Lui est mélancolique, elle sourit. Lui se dit marié et fidèle. Elle est « peut-être venue pour le rencontrer ». Elle l’aime, depuis longtemps : « Tu m’as souvent manqué. ». Il résiste. Il est désabusé : « je ne peux pas supporter ces sentiments. » Elle le persuade de vivre dans l’instant. Il cède, ils s’éclipsent.

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Un autre couple s'avance, la mère (Judith Magre) et le père (Simon Eine), tous deux vêtus de deuil. Elle porte une couronne mortuaire. Rien d’anormal, puisqu’ils viennent enterrer la  grand-mère. Elle a reconnu son fils dans le couple qui s’est éloigné. Le père doute. Elle ressasse, il s’agace.

La mort, la vie, le temps qui passe, tout Jon Fosse est dans ces thèmes élégiaques. Les amours qui cassent, l’impossibilité de retenir le bonheur, la terrible quotidienneté qui ronge les couples et les délite. Tout se déroule comme dans un rêve, sans que les hommes aient conscience de leur vie. Le cimetière marin les attend tous.

L’homme revient, avec cette femme que la mère prend pour sa nouvelle épouse. Père et mère accablent l’homme de récriminations. Au moment de la cérémonie, paraît l’ex-épouse (Gabrielle Forest) avec ses griefs, et ses mauvaises nouvelles. C’en est trop… L’homme fuit définitivement.

Dans la mise en scène épurée de David Géry, le temps semble arrêté, et les humains recommencent éternellement les mêmes plaintes, les mêmes erreurs. Ils se pardonnent aussi. Mais c’est souvent trop tard.

Les comédiens interprètent magnifiquement ces personnages poignants. Dans leur jeu, s'opposent la lumineuse beauté et les grandes désillusions de la condition humaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rêve d’automne de Jon Fosse

Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet

Jusqu’au 18 octobre

01 53 05 19 19

18:47 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer