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30/01/2008

La guerre ou l'amour ?

     Mais qu’est-ce qu’elle allait faire, Penthésilée (Léonie Simaga), la fière Amazone, à soutenir les Troyens contre les Grecs ? Mais à quoi il pensait le fils de Pélée, le roi des Myrmidons, pour aller sans armes au devant d’une guerrière ? Parce que Thétis sa mère l’avait trempé dans le Styx, Achille (Éric Ruf) se croyait invincible. Les mortels n’écoutent jamais les conseils des sages et bravent toujours le Destin.

     La rencontre d’Achille et de Penthésilée finit mal. Kleist l’imagine en tragédie sanglante. Un mélange des Bacchantes d’Euripide, et de Titus Andronicus de Shakespeare. Jean Liermer, le metteur en scène choisit l’horreur plus que la pitié. Le spectacle sanguinolent balaie tout romantisme. Ici on préfère la guerre à l’amour. Penthésilée n’est pas amoureuse, elle est possédée. Nietzsche remplace Aristote.

     La scénographie de Philippe Miesch évoque un chaos de pierres où les strates d’ardoise glissent dans des ravines. Les lumières de Jean-Philippe Roy intensifient les ombres. La brutalité de la nature submerge les sentiments. Dans un camp, les Grecs, uniformes modernes, brochettes de médailles : Ulysse (Andrrzej Seweryn), Diomède (Bakary Sangaré), Antiloque (Grégory Gadebois) échangent des propos misogynes. Dans l’autre, les « fiancées du vent », Prothoé (Catherine Sauval), Méroé (Cécile Brune), Astérie (Sylvia Bergé), Io (Géraldine Martineau), sous l’autorité de la Grande prêtresse de Diane (Martine Chevalier), tuniques longues et carquois remplis de flèches assassines (costumes de Werner Strub), guettent leur virile proie. Les guerriers qu’elles vainquent deviennent « à la fête des roses », des hommes qu’elles couronnent et qui seront admis à les féconder.     

     Penthésilée a bien appris les rites. Mais elle confond copulation et dévoration, et au lieu de devenir femme entre les bras d’Achille, elle devient chienne pour le déchirer à belles dents. Dans ses transes meurtrifères, elle tue celui qu’elle aime et le mange… 

     La traduction ne manque pas de lyrisme et de beauté. La Comédie-Française combat vaillamment. On peut préférer L’Iliade. Homère ne raconte-t-il pas que c’est Achille qui tue Penthésilée ? Qu’il pleure en voyant sa jeunesse et sa beauté, et qu’il tue Thersite qui insultait le cadavre.

     Décidément, il vaut mieux faire l’amour…

 

 

 

 

 

Penthésilée de Heinrich von Kleist

Traduction de Ruth Orthmann et Eloi Recoing

Comédie-Française

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19:30 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

27/01/2008

Les couleurs de Hollywood

     Diane (Raphaëline Goupilleau) est une femme de tête. Depuis des années, elle creuse son trou à Hollywood. Elle se bat pour devenir productrice dans un monde de requins. Elle a décidé de faire de Mitchell (Arnaud Binard) une star, et lui ouvre la carrière pour mieux bâtir la sienne. Que Mitchell présente des « symptômes récurrents d’homosexualité » ne peut pas arrêter sa course vers la gloire. Elle s’y emploie. Elle a le regard froid du clinicien, et son jugement est sûr. Sa parole est prompte, sa logique infaillible. Aussi rapide à parer les coups du sort qu’à changer de stratégie, elle comprend tout. Elle discerne les sous-entendus et entend résonner « à travers toute l’Amérique du nord », « les guillemets » qu’on met au mot « ami ». Elle comprend les non-dits et elle épilogue sur ce « qui échappe totalement aux gens concernés. »

     Avec ce personnage hors du commun, Douglas Carter Beane dresse le portrait d’un milieu sans scrupules, auréolé d’illusions hollywoodiennes. Les images d’idylles bienséantes cachent les compromissions. À Los Angeles, on fabrique les rêves, à New York, on en trouve l’étoffe et les protagonistes. "A los Angeles on a résolu le problèmes des portables dans les théâtres, il n'y a plus de théâtres." A New York, il y a encore des théâtres, des auteurs, et des pièces à succès dont les producteurs d'Hollywood  aimeraient posséder les droits.

3bc26e84831399277b51763f3f7394aa.jpg     Alex (Edouard Collin) jeune prostitué n’est pas gay quand, un soir de solitude à New York,  Mitchell, rémunère ses services. Il a une petite amie, Helen (Julie Debazac), qui elle-même vit des largesses d’un certain Arthur, « un vieux mollasson ». Tous deux passent leur temps à faire la fête. La rencontre avec Mitchell foudroie leur existence. Alex ne fera plus « ce truc pour de l’argent ». Mitchell et lui ne se quittent plus. Mais comment vivre d’amour et d’eau fraîche quand le cinéma vous promet la gloire ? Comment tourner le rôle de sa vie quand l’opinion publique condamne les homosexuels ?

     Heureusement Diane veille, imperturbable et perspicace. Raphaëline Goupilleau tient un rôle de diva. Elle donne, d’une voix charmeuse, la souple autorité d’un personnage audacieux et tenace. Jean-Marie Besset a écrit une adaptation aux réparties mordantes, aux apartés ravageurs, qu’elle savoure et dont elle fait déguster l’insolence mesurée aux spectateurs. Avec Arnaud Binard, elle forme « un duo de choc ». Julie Debazac passe de la mollesse à la femeté, Edouard Collin joue les rebelles avec conviction.

     Diane commente ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas, mais qu’elle pourrait dire, si elle était franche, si les autres étaient sincères, et si on pouvait faire confiance aux gens de cinéma. « Donner ma parole ? Mais qu’est-ce que c’est que cette embrouille ? », s’écrie-t-elle, quand il s’agit de persuader l’auteur de théâtre de céder ses droits au cinéma : « Un auteur avec un droit de regard ? Autant donner des armes à feu à des enfants ! ».Le texte de théâtre est un pré-texte. Dans l’industrie cinématographique aux couleurs de Hollywood, il faut un happy end. Pour Mitchell, dont « le rêve est d’être dans les rêves de tous les autres », Diane saura modifier le scénario qui dérape.

     Jean-Luc Revol, le metteur en scène, a résolu merveilleusement les problèmes des changements de lieux avec un panneau circulaire tournant, et des accessoires qui s’y greffent (Décors de Sophie Jacob et costumes d’Aurore Popineau, dans des lumières de Bertrand Couderc). Pas de temps morts, mais du nerf, et un tempo infernal. C’est péremptoire. Le public jubile.

     Et « la souris verte » dans tout ça ? Une proposition de comptine pour un dénouement édulcoré fabriqué par Diane à l'usage des grands enfants qui gobent tout ce que les médias colportent… et que je vous conseille d'aller découvrir vous-même.

 

 

 

 

Une souris verte de Douglas Carter Beane

Adaptation de Jean-Marie Besset

depuis le 22 janvier

Théâtre Tristan Bernard

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17:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

24/01/2008

Pygmalionne

     Evelyn (Julie Delarme) est étudiante aux Arts appliqués dans une petite ville américaine bien pensante et hypocrite. Evelyn rejette toute censure et bravant la débonnaire autorité d’Adam (Jérôme Foucher), le jeune gardien, elle s’apprête à vandaliser, au musée, la statue d’un dieu que les ligues de vertu locales ont affublé d’un cache-sexe en feuilles de vigne. Elle vitupère au nom de la vérité et de l’art, et Adam, étudiant aussi la trouve fort sympathique. Il est gauche, un peu gras, solitaire et timide. En quelques mois, pour plaire à la belle, il se muscle, s’épanouit, et sollicite même le secours de la chirurgie esthétique pour parachever sa mue.d8215c332749362c398672495db7775a.jpg

     Evelyn a changé « la forme des choses ». La pièce de Neil Labute suit pas à pas les étapes de la transformation.  Le décor de Jean-Michel Adam se modifie à vue, comme le protagoniste. Les trois panneaux vitrés de fond de scène s’écartent, ou se rejoignent, laissent échapper un accessoire, en introduisent un autre, ouvrent l’espace, le resserrent. La mise en scène d’Adrian Brine souligne les évolutions, quelquefois, les abjurations. Lieux et temps se succèdent, la chenille devient papillon. Les comédiens épousent magnifiquement le rythme et la souplesse de leur personnage. 

     Evelyn exige qu’Adam choisisse entre elle et ses amis : Jenny (Marie-Julie Baup), Philip (César Méric), il accepte tout, tant il est heureux d’être aimé.

    « Aimé ? » La vérité est tout autre. « Manipulé » conviendrait mieux tant le dénouement retourne la situation. On admirait en Evelyn un nouveau Pygmalion. La Pygmalionne n’agit pas par amour. Seulement par intérêt. Tout était truqué. Triste époque qui nie les sentiments. Triste pays où le jeu de l’amour et du hasard devient le jeu de l’amour-propre et du calcul. Mais c'est impossible chez nous, n'est-ce pas ?

 

La Forme des choses de Neil Labute

Adaptation de John Thomas

Petit Théâtre de Paris

depuis le 15 janvier

01 42 80 01 81

20:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer