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13/03/2008

La bande des quatre

Quatre auteurs Stéphanie Aubin, Pascale Houbin, Christophe Huysman, Pierre Meunier, venus du théâtre, de la danse se sont mués en « étonnistes » ironistes pour se livrer, sur une "provocation de Stéphanie Aubin", à une expérience théâtrale « étonnatoire » .

Qu’est-ce qu’un  « étonniste » ?  Un spécialiste de « l’étonnaison », si l’on en croit la suffixation logique (mais non autorisée), puisque « aison » indique l’action commandée par un verbe en er. Leurs  « étonnages »  (collection de ce qu’ils produisent) provoquent « l’étonnature », (suffixation autrement plus savante que étonnement), qui montre combien le spectateur peut s’impliquer activement dans ce qu’il voit et entend ? Certains auraient choisi « étonnitude », mais il s’agirait alors plus d’un état d’âme que de l’ensemble des caractères énoncés par le radical d’étonner qui s'impose dans « étonnature ».

Vous ne me suivez pas ? Ah ! c’est dommage ! Mais sachez que les étonnistes vous prennent par le bout de l’oreille pour vous emmener dans l’univers de la création et des émotions qu’elle suscite. Et on est heureux "d'être en vie" et de partager ces instants avec eux et avec les autres qui étaient sagement assis avec vous, au départ, et qui maintenant se dissipent.

Tout passe par les capteurs d’un casque audiophone. Les quatre sont d’abord assis sur scène, comme quatre conférenciers sérieux. Quatre tables identiques, sans signe particulier. Chacun entame un discours différent, audible, grâce à la technique, par un quart des spectateurs. Mais, les ondes changent, et on voit des groupes de spectateurs, sur scène, qui après avoir suivi l’un, cherchent un autre guide.  L’être humain est inconstant... Et la bande des quatre (auteurs mais aussi concepteurs et interprètes) désorganise l'ordre frontal en désordre artistiquement concerté.

Étonnant vous dis-je ! Et pour poursuivre l’expérience, à la fin du spectacle on vous invite à revenir !

Les Étonnistes

Théâtre Paris-Villette

Jusqu’au 22 mars

www.theatre-paris-villette.com

13:05 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

08/03/2008

Un monde sans fin

     Nous avions déjà rendu compte de Juste la fin du monde  la pièce de Jean-Luc Lagarce (Novembre 2007). La Comédie-Française vient de l’inscrire à son répertoire. C’est une consécration, et une consécration juste, parce que cette pièce nous touche au plus profond de l'intime, non seulement ici et maintenant, mais ailleurs et dans tous les temps. Il y est question de la mort et des liens familiaux.

      Juste la fin du monde, rappelons-le, est, avant Le Pays lointain, une histoire largement autobiographique. Louis, revient dans sa famille pour lui annoncer qu’il va mourir. Mais il repartira sans rien dire. Il l'avait quittée « pour faire ce qu'il avait à faire ».  Pendant ses années d’absence, il s'est contenté d'envoyer des cartes postales, de « petits mots », des « phrases elliptiques ». On ne peut pas lui « reprocher (son) absence ». Il n'a jamais oublié « les dates essentielles de (leurs) vies ». Eux, de leur côté ont donné son prénom au fils de son frère.

     Les vivants sont tous là : la mère (Catherine Ferran), Suzanne, la petite sœur (Julie Sicard), le benjamin, Antoine (Laurent Stocker) et son épouse Catherine (Elsa Lepoivre). Ils attendent Louis (Pierre Louis Calixte) avec ferveur et anxiété. Ils se doutent bien qu'il a « une nouvelle importante » à leur dire. Mais puisqu'il dit « je vais bien », ils ne l'interrogeront pas plus avant. Pourtant, Antoine soupçonne : « j'espère qu'il ne t'arrive rien de mal », parce qu'il sait que « si tu avais mal, tu ne le dirais pas », parce « le malheur est sur ton visage ».
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(photo Brigitte Enguérand ; Louis (Pierre Louis Calixte) et Antoine (Laurent Stocker).

Ils se connaissent bien, et leur pudeur, leur respect, est une preuve d'amour. Mais ils sont maladroits. Louis, voudrait croire, comme le roi de Ionesco que "le reste du monde disparaîtra avec" lui. Mais ce monde est sans fin, et il voudrait juste ne pas être trop seul.

     Michel Raskine met en scène avec une intelligence inouïe. Comment dire l'intime dans un théâtre à l'italienne ? Comment passer des souvenirs confus de chacun à la précision d'une vérité fluctuante ? Car la vie palpite dans le verbe de Jean-Luc Lagarce. Toute parole dit le frémissement de l'âme avec les balbutiements de la pensée. Chacun énonce, bute sur les mots, cherche l'expression juste, se trompe, et, dans les errements, trace des cercles ondoyants qui enveloppent les êtres de tendresse et de cruauté. Jamais un personnage n'est stable, pris dans le flux et le reflux de situations mouvantes dont il s'arrache et où il glisse de nouveau.

     Michel Raskine a donc cherché à modifier la vision du spectateur, à l'inclure dans ce mouvement perpétuel. Il y réussit en restructurant l'espace. Il neutralise les six premiers rangs d'orchestre en y dressant un tréteau central, comme une langue qui pénètre dans le public. On pense au long tréteau sur lequel Vitez avait fait jouer Faust, Britannicus, et Tombeau pour cinq cent mille soldats. Cette estrade est une voie de circulation entre l'intime du spectateur et l'exhibition de l'acteur. Le spectateur devient le confident du comédien. Il est impliqué dans l'action. Le proscénium est scène. Le décor de Stéphane Mathieu, construit un praticable à jardin où chacun trouve une chaise à son nom, comme sur un tournage de film. On a entassé à cour, des chaises houssées, une télé, un poste de radio qui voisinent avec un portrait de Kafka : c'est le domaine de Suzanne qui voudrait bien quitter la maison familiale et s'embarrasse de ses souvenirs. La scène proprement dite, masquée par le rideau de velours rouge, ne s'ouvrira qu'au départ de Louis, à sa mort annoncée.

     Du prologue sur le tréteau à l'épilogue du deuil sur la scène, le chemin parcouru inscrit sa trajectoire de la vie à la mort. Et c'est superbe. Grâce à cette architecture, l'univers lagarcien se dessine avec les oscillations des personnages, la progression de leurs sentiments, les pulsations qui les tourmentent. Les lumières de Julien Louisgrand les accompagnent : douche de lumière sur celui qui monologue, poursuite quand les dialogues deviennent disputes, que les sorties se font par la salle, pleins feux sur la salle quand « la fin » de Louis est acquise et qu'il revient pour raconter « encore ». Chaque éclairage cerne le moment qui correspond à un état d'âme. Laurent Ménard cale les intensités au son de l'harmonium  et ponctue chaque séquence d'un bruit de couperet. La réussite est flagrante.

     Pierre-Louis Calixte impose un Louis ironique et fragile. Il a la jeunesse et la la fragilité du personnage. Il sait passer du sourire narquois aux larmes contenues. Il « triche » avec élégance. Il a le maintien de celui qui se surveille et l'attention d'un fils aimant, d'un frère circonspect. Il est parfait. Laurent Stocker en « mauvais caractère », donne à son personnage irritable et jaloux la justesse du frère rongé d'inquiétude. Julie Sicard est un petit chat sauvage, nerveux, agile, impétueux et câlin, on ne peut plus imaginer Suzanne sans penser à elle. Catherine Ferran joue la mère avec une dignité douloureuse.  Elle est  l'admirable et puissant rocher qui maintient la famille, et pour laquelle chacun s'efforce de paraître meilleur. Quant à Elsa Lepoivre, qui est Catherine la bru, la femme d'Antoine, on voit tout de suite, à son allure, à son sourire, qu'elle est une pièce rapportée. Elle ne s'emporte pas comme Suzanne, et dans le moment où ils la laissent seule, elle sourit de leurs colères. Faisant diversion, elle chantonne « une chanson douce », puis se laisse aller un instant à monter la voix pour extérioriser un énervement passager. Sereine parmi les teigneux, lumineuse parmi les ténébreux, elle est impériale.

La troupe d'aujourd'hui rayonne de tous ses talents.

 


Juste la fin du monde de jean-Luc Lagarce

Comédie-Française, salle Richelieu

jusqu'au 1er juillet

0825 10 16 80

02/03/2008

Au nom de la liberté

     Vous avez entendu parler de Guantanamo, vous avez lu des articles dénonçant les atteintes aux droits de l’homme. Mais avez-vous vu Guantanamour ?

La pièce de Gérard Gelas, créée au festival d’Avignon en 2002, avec Damien Rémy et Guillaume Lanson, après plus de 200 représentations en France et à l’étranger, s’installe  enfin à Paris du 7 mars au 27 avril.

   d3ffd09cfbb18c3488c9567dfc2cfd3e.jpg  Gérard Gelas écrit toujours dans l’urgence, sur des sujets d’actualité. Il ne peut se taire devant l’injustice, l’hypocrisie des puissants, l’absurdité des répressions menées au nom de la liberté et de la morale. C’est dire si son inspiration est riche, et si sa parole est nécessaire.

L'un est prisonnier, l'autre est G. I. Damien Rémy et Guillaume Lanson incarnent deux fortes têtes que tout oppose. Un moment de théâtre riche aux dialogues vigoureux.

Guantanamour de Gérard Gelas

Vingtième Théâtre

à partir du 7 mars

01 43 66 01 13

 

18:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer