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23/12/2006

Irène la Sirène

 

Hans Christian Andersen ignorait les fins obligatoirement heureuses des contes de fées traditionnels. "La petite fille aux allumettes" meurt le soir de Noël, et le "stoïque petit soldat de plomb" fond dans le foyer du poêle tandis que sa danseuse se consume. La Petite Sirène n’échappe pas à la mélancolie des amours malheureuses qui font pleurer les petites filles. Catherine Anne en donne une merveilleuse version très fidèle à l’auteur, loin des clichés véhiculés par les dessins animés made in U. S. A.

Elle utilise le plateau sans autre décor qu’une tenture, un praticable et une cloison. Les costumes aux chatoiements bleutés de Karine Serres, les lumières ondoyantes de Stéphanie Daniel, la bande son de Madame Miniature, renforcée par la musique de Fabienne Pralon construisent une ambiance onirique, mystérieuse pour le monde sous-marin, cocasse pour le monde des « personnes », c’est-à-dire du Prince flanqué de ses parents, un Roi souriant et débonnaire, une Reine méfiante, mais soucieuse de la paix de ses sujets.

Deux comédiens se partagent six rôles : Fabienne Luchetti est tour à tour la grand-mère de la Petite Sirène, la Reine de Terrebrune, la sorcière des mers, et Thierry Belnet devient le roi de Terrebrune, après avoir été le Roi des mers, puis le Prince de Terrebrune. La Petite Sirène est unique et Stéphanie Rongeot lui prête une grâce charmeuse, une voix envoûtante, une beauté de légende : c’est une vraie sirène, quoi ! Même si les humains l’ont baptisée Irène, et qu’elle a troqué sa queue pour deux poteaux appelés « jambes ».

Catherine Anne oppose le monde abyssal et le monde terrestre, les jeux des ondines aux ruses des humains. Les deux univers ont la cruauté en commun. Cependant, elle invente un point faible à la sorcière, modifie sensiblement le rapport père-fille pour la Petite Sirène, et crée une reine-mère haute en couleurs pour le Prince. Et tout s’imbrique parfaitement pour donner au conte une forme dramatique captivante que les enfants suivent avec passion. Chacun rêve d’être aimé. La Petite Sirène par le Prince, le Prince par l'inconnue qui l’a sauvé, la Sorcière par le roi des Mers. La Petite Sirène a sacrifié sa voix inutilement, elle souffre, mais refuse d’accomplir un meurtre expiatoire. Sa générosité sera récompensée, elle deviendra « sirène-oiseau ». Une promotion !

Le spectacle est accompagné d’un « livret du jeune spectateur » qui permet à l’enfant de fixer les détails qui lui ont plu ou qui l’ont ému. Il y a même un concours de dessins. Comment résister à tant de sollicitude ?

Une petite sirène de Catherine Anne

Au TEP jusqu’au 22 décembre

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21:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer

22/12/2006

La douceur de la soie

  

Le canapé de cuir rutile, seul meuble de l’espace scénique, seule tache de couleur vive, il  épanouit son style anglais du centre au côté cour. Il sert de lit, de rempart, de siège, de cachette. Les comédiens s’y réfugient, les personnages y règlent leurs comptes, s’y appuient, en font un confident quelquefois, un ami, toujours. Côté jardin, se dresse un portant, avec quelques vêtements, couleur noire ou tons neutres. Le chic est dans la discrétion. On maîtrise ses sentiments comme son image.

Philippe Honoré, le metteur en scène aime partir de textes non dramatiques pour ses mises en scène. Cette fois, il adapte des nouvelles de  Françoise Sagan qui peignaient des couples sur la pente du malentendu, des êtres au bord de la rupture,  des êtres lucides, un peu cyniques qui ne peuvent aimer les autres parce qu’ils s’aiment trop eux-mêmes et que leur horizon se limite souvent à leur personne et à leurs pairs.

Elle (Edith Vernes) et Lui (Jacques Faugeron), seront tour à tour ces personnages jeunes et élégants, un peu artistes, un peu bourgeois, femme et homme sans souci matériel, sans vraie méchanceté, mais sans générosité, lisses, charmants et charmeurs. Lui est « sentimental sans sentiments », elle, affiche une tranquillité exaspérante. Dans une autre histoire, lui, cache son désespoir sous des phrases désabusées, elle, sa solitude sous le mutisme de l’indifférence. Il y aura bien quelques exceptions une Lady Garret qui se décoince, un mari trompé qui veut tuer son rival, mais comme ceux du « cheptel », cette assemblée un peu snob qui les entoure, les contraint, leur ressemble, ils  refusent de montrer leur souffrance et leurs larmes. Leurs yeux gardent toujours la douceur de la soie.

Les lumières de Jean-Luc Chanonat cernent les personnages avec beaucoup d’adresse, la musique de Didier Goret les accompagne avec finesse. La projection sur le sol d’une vidéo de Stéphane Cottin semble superflue, l’intensité dramatique naît du dialogue que les deux interprètes ajustent avec rigueur et délicatesse. Un joli moment…

 

 

 

 

Des yeux de soie d’après Françoise Sagan

Théâtre du Lucernaire

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Depuis le 6 décembre

11:30 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer

20/12/2006

Scène ouverte, projet d’avenir

 

Depuis qu’il est directeur de la Comédie de Reims, Emmanuel Demarcy-Mota a imaginé ces « scènes ouvertes », où le public rencontre des auteurs et des comédiens sur des projets, lectures ou écritures dont les formes ne sont pas encore dramatiques, mais que la magie de la scène transmute en spectacles.

Emmanuel Demarcy-Mota travaille avec la même équipe depuis plus de dix ans, et c’est avec émotion qu’on retrouve certains des comédiens de Léonce et Léna (1996). D’autres ont pris leur envol vers la grande institution, comme Elsa Lepoivre, pour la Comédie-Française, d’autres reviennent au gré des contrats, tous, aux côtés de nouveaux, forment « le collectif artistique de la Comédie », un corps d’élite pour transmettre de grands textes.

La Ballade de Don Quichotte est un pari fabuleux. André Velter est un poète. De sa rencontre avec Bartabas et autour de l’aventure du Zingaro, étaient nés des textes magnifiques. Bartabas doutait que cheval et poésie puissent s’accorder. André Velter, citant Ossip Mandelstam, et convoquant Miguel de Cervantès, réinvente le personnage de Don Quichotte, un hidalgo hors des modes, des normes, des temps et des espaces. Un mythe, celui du chevalier errant colle à l’image du centaure rêvé par Bartabas.

Mais, « s’il nous reste un cheval pour dompter nos fatigues et nos peines, où sont nos chevaleries ? » Aujourd’hui, il n’ y a plus guère « d’héroïsme bienfaisant », ni de « grandeur désintéressée ». Sylvain Tesson dans ses voyages rapporte que celui qui arrive à cheval n’est plus « un étranger », mais « un cavalier ». On peut lui accorder sa confiance. Et autour de lui, surgi des rêves anciens, le metteur en scène change le réel.

Huit comédiens et un chanteur se partagent le texte en chorale, autour de Bartabas, superbe statue animée du maître avec ses chevaux (Soutine ou Horizonte) dont Jean-Pierre Drouet, rythme l’amble. Le musicien bruiteur aux allures de Sancho Pança, se moque du « bouffon qui va à pied », cet homme moderne « qui porte un fêlé », le poids de ses ambitions et de sa vanité. Yves Collet joue avec des lumières latérales sur les groupes, et avec un projecteur central pour des contre-jours mystérieux et bouleversants. Un seul décor au fond, une tapisserie aux tons ocre rouge et brun, comme frangée d’usure, donne les notes de couleurs qui s’harmonisent avec les caftans colorés du cavalier.

Au sol, sur la scène, s’étale un sable brun, dans lequel les bipèdes peinent à marcher. Cette terre primale chère au metteur en scène, (dont déjà, au lycée Claude Monet, pour sa première mise en scène, il avait fait charrier une tonne), est-elle là encore pour nous dire que tout retourne à la terre ?  Avant cette échéance, elle parle du plaisir de créer même en remuant ciel et terre…

Et notre seul souhait est qu’elle porte ce projet jusqu’à la réalisation, afin que d’autres théâtres l’accueillent et que vous puissiez jouir de ce plaisir de l’intelligence et de la beauté.

La Ballade de Don Quichotte

texte d'André Velter avec des emprunts à Miguel de Cervantès

Scène ouverte du 18 décembre à la comédie de Reims

10:00 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer