26/04/2015
À lire et à jouer
Moi, Ota, rivière d’Hiroshima de Jean-Paul Alègre
C’est une belle idée, une idée de poète, de donner la parole à une rivière. Ota est celle qui traverse Hiroshima, celle qui est entrée en ébullition quand, il y a soixante-dix ans, le 6 août 1945, Little Boy frappa sa cible, libérant une chaleur de six mille degrés.
Jean-Paul Alègre restitue l’Histoire avec une grande maîtrise de dramaturge. Les scènes réalistes et proprement historiques où les présidents Roosevelt, puis Truman, et leur conseiller, Vannevar Bush (oui un Bush, déjà !) jaugent tranquillement les avantages de la bombe, alternent avec les scènes lyriques où la rivière chante la nature éternelle, et les scènes élégiaques où deux adolescents, le frère et la sœur, séparés par la guerre tentent de garder le lien familial.
Nous retrouvons ici l’auteur de Vol 2037, C’est Jean Moulin qui a gagné, Lettres croisées, Blanche Maupas ou L’Amour fusillé, qui explore le monde en humaniste. Il décrit la course insensée des hommes de pouvoir, le déchirement des humbles et leur combat pour la justice. Compositions chorales, ces œuvres s’inscrivent dans la belle lignée du théâtre épique, rarement parcourue par nos auteurs. Avec Moi, Ota, rivière d’Hiroshima, les morts innocents en appellent auprès des vivants responsables.
Le texte est magnifique.
La pièce vient d’être créée au Japon au théâtre Kaï de Tokyo. Une tournée est prévue là-bas. L'accueil y est triomphal. Moi, Ota, rivière d’Hiroshima, n’est pas encore jouée ici, en France, mais elle le sera grâce à l’édition.
Moi, Ota, rivière d’Hiroshima de Jean-Paul Alègre, éditions de L’Avant-Scène Théâtre, collection des Quatre-Vents, prix : 10 €
18:41 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Histoire, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, japon, histoire, jean-paul alègre, livre | Facebook | | Imprimer
07/04/2015
Qui paye ses dettes ?
« Quel est l’heureux homme de ce siècle, qui à la suite de la déroute politique et de la banqueroute, des émigrations, des confiscations, des réquisitions, des appréhensions, des épurations et des invasions qui ont renversé toutes les fortunes, a toujours pu dire : Je ne dois rien ?... Quelle nation, assise sur des monceaux d’or aujourd’hui, pourrait dire : je ne serais jamais débiteur ?...
Notre jurisprudence reconnaît vingt-six natures de dettes. » […]
Vous avez des dettes ?
« Il est évident que le monde ne se compose que de gens qui ont trop et de gens qui n’ont pas assez ; c’est à vous de tâcher de rétablir l’équilibre en ce qui vous concerne.
Ce qui est dans la poche des autres serait bien mieux dans la mienne !
Ôte-toi de là que je m’y mette !
Tel est, en peu de mots, le fond de la morale universelle. »[1]
Emmanuel Demarcy-Mota a mis en scène Le Faiseur de Balzan. Sa version scénique est éblouissante, et la troupe qu’il dirige époustouflante. Toujours en équilibre instable dans un décor chaotique qui monte et descend comme les cours de la Bourse. Une trouvaille !
Monsieur Mercadet (Serge Maggiani) a des dettes et il s’en vante :
« Savez-vous pourquoi les drames dont les héros sont des scélérats ont tant de spectateurs ? C'est que tous les spectateurs sortent flattés en se disant : moi, je vaux encore mieux que ces coquins-là. Qu'y a-t-il de déshonorant à devoir ? Est-il un seul État en Europe qui n'ait pas sa dette ? »[2]
La pièce se joue à guichets fermés ? Réclamez une reprise, une prolongation… Lisez-la ! Et étudiez-la !
Le Faiseur de Balzac
Théâtre de la ville/ Théâtre des Abbesses
jusqu'au 11 avril.
19:39 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtrte, littérature, théâtre de la ville, balzac, demarcy-mota, maggiani. | Facebook | | Imprimer
06/04/2015
Un surprenant malade
Il est toujours délicat d’adapter pour la scène, une œuvre qui a été conçue pour la lecture. Ancien malade des hôpitaux de Paris est d’abord un court roman de Daniel Pennac où le docteur Galvan, urgentiste de garde, vit une nuit d’apocalypse.
Un patient qui « ne se sent pas très bien », présente les uns après les autres, tous les symptômes de maladies mortelles. Le Docteur Galvan le trimballe à toute allure dans tous les services, avant de… Mais gardons-nous de dévoiler la fin.
Combien de personnages ? Une trentaine dans le roman. Combien de comédiens sur scène ? Un seul, Olivier Saladin, véritable génie comique.
Il est tour à tour le Dr Galvan et sa compagne, tous les pontes de la chirurgie qui épient et commentent son diagnostic et ses capacités, l’infirmière de garde et le brancardier, l’anesthésiste et le patient, sans compter les malades de la salle d’attente où « ça sentait la douleur humaine » et la médecin légiste de la morgue.
Il prend des accents différents, des phrasés distinctifs, des gestes particuliers pour incarner tous ces gens.
Il est extraordinaire.
La mise en scène de Benjamin Guillard est sobre et pleine de surprises. Le texte de Daniel Pennac aussi. Et les spectateurs sont tout aussi médusés que les médecins mais s’amusent beaucoup plus !
Photo : © Emmanuel Noblet
Ancien malade des hôpitaux de Paris de Daniel Pennac
Théâtre de l’Atelier
01 46 06 49 24
depuis le 21 mars 2015
du mardi au samedi à 21h - Dimanche à 15h (Relâches exceptionnelles les 12 et 13 mai)
18:00 Écrit par Dadumas dans Blog, humour, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de l'atelier, daniel pennac, humour, olivier saladin | Facebook | | Imprimer