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03/12/2014

Des élans de tendresse

 

L’un joue du piano (Benoît Urbain,), l’autre de la guitare (Pascal Neyron) et le troisième du « valisophone » (Emmanuel Quatra). Vous ne savez pas ce que c’est ? théâtre,musique,théâtre michelImaginez un grand mât planté dans une valise, sur lequel on a tendu une corde qui sonne comme celle d'une contrebasse. C’est un instrument tout à fait congruent aux textes Frédéric Rose et Vincent Jaspard, petites scènes dans le pur style des Diablogues de Dubillard. Situations insolites, personnages naïfs ou acariâtres, joyeux farfelus ou tristes sires, ils n’ont pas le caractère facile, comme les élans.

Ce que les élans viennent faire là ? Rien. Juste un jeu de mots. Il y a l’élan A, l’élan B, et l’élancé. Alors je vous le demande, pourquoi pas les élans ? Ils montrent tant d’élans de tendresse envers leurs frères humains…

Les trois musiciens-chanteurs boivent un peu, trinquent quelquefois, délirent pour oublier une réalité morose, un quotidien banal qui ne les rend guère heureux, mais qui met en joie les spectateurs.

Ils semblent tellement complices qu’on les imagine ensemble depuis la maternelle, complotant leurs canulars pendant la récréation, ou le soir au dortoir. Eh bien, vous avez tout faux, c’est Laurent Serrano qui les a réunis et mis en scène, pour le plaisir des textes d’abord, et la partie chantée est devenue « le fil rouge du spectacle ».

théâtre,musique,théâtre michelOn ne raconte pas Les élans ne sont pas toujours des animaux faciles, on va les voir, et les entendre. Ils ponctuent leurs sketches de  chansons de Trenet et de Nougaro, de Gershwin de Cochran ou de Benoît Urbain. Leur trio fonctionne dans une parfaite harmonie, non seulement avec leurs instruments préférés, mais aussi a capella,passant de la java au jazz avec maestria !

Retenez votre place pour la saison des fêtes !

 

 

 

Photos © Cie Laurent Serrano

 

Les élans ne sont pas toujours des animaux faciles  de Frédéric Rose et Vincent Jaspard

Adaptation et mise en scène, Laurent Serrano

Théâtre Michel

01 42 65 35 02

du mardi au samedi à 21 h

samedi 16 h 30

30/11/2014

Tout est permis

 

« Tout est permis » aux puissants. Le Roi Ignace (Alain Fromager), le Prince Philippe (Thomas Gonzalez), La Reine Marguerite (Hélène Alexandridis), l’affirment, Le Chambellan (Jacques Verzier) le confirme.  Et tous ceux qui gravitent autour d’eux, Dames (Miglé Berekaité, Delphine Meilland, Nelly Pulicani), thuriféraires (Clément Bertonneau, Brice Trinel) et autre (Blaise Pettebone) en sont persuadés.

Dans cette cour burgonde, chacun prend soin de son apparence, et pour Yvonne, princesse de Bourgogne, la mise en scène de Jacques Vincey place les personnages de Gombrowicz dans une sorte de véranda, mi salle de sport, mi salon. Ils entretiennent leurs corps dans une éternelle jeunesse, leurs visages affichent un continuel sourire. Derrière les grands panneaux vitrés, de grandes palmes balancent la verdure perpétuelle d’un jardin exotique.

Mais la bonhomie du Roi dissimule une âme scélérate, le couple qu’il forme avec la reine Marguerite s’apparente à celui de Macbeth et de sa cruelle Lady. Quant à Philippe, le Prince si charmant, il va déclencher la haine et réveiller tous les vices de cette société close. Le vernis social n’est pas long à craquer.

Le jour de la fête nationale, alors que le Roi s’en va « fraterniser avec le peuple », Philippe choisit Yvonne (Marie Rémond), « un épouvantable laideron » pour en faire sa fiancée. Elle est « mal fagotée », apathique, elle ne sait ni sourire, ni parler, ni obéir, ni faire la révérence. Mais Le Prince, une « âme noble », l’a choisie, et pour ne pas faire de scandale, tous s’inclinent.théâtre,théâtre 71,gombrowicz,jacques vincey

Leur Prince n’épouse pas une jolie bergère, mais une affreuse limace, qu’il soit béni !

Leur complaisance n’a d’égale que la cruauté de leur Prince. Et ils iront jusqu’au crime.

« On peut tout se permettre avec elle », puisqu’elle n’est pas de leur sérail, qu’elle ne sait pas protester, et qu’ils sont tout puissants. La scénographie de Mathieu Lorry-Dupuy 
se déglingue, les lumières de Marie-Christine Soma basculent, les costumes d’Axel Aust sont souillés, les meubles se renversent.  La mise en scène de Jacques Vincey traduit ainsi le profond malaise cette société rongée par la bassesse, la vanité et l’ennui. les comédiens ont une présence extraordinaire. Ils donnent à leurs personnages une humanité terrifiante.

Ne cherchez pas d’analogie avec des royautés contemporaines, Gombrowicz les confond toutes, parodiant Shakespeare, et transformant les prétendues fiançailles en une grande fête sacrificielle.

Le théâtre n’est-il pas offert à Dionysos après l’immolation du tragos ? Le bouc émissaire est ici une chèvre, et le conte de fées devient tragédie.

Pas de pitié pour les faibles !

Une visionnaire ce Gombrowicz !

 

 

 

Yvonne, princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz

texte français Constantin Jelenski et Geneviève Serreau (Ed. Gallimard) 


 

Après Tours, Thionville, Angers, Malakoff, Yvonne, princesse de Bourgogne  se joue au Théâtre National de Bordeaux du 3 au 7 décembre

 

 

 

26/11/2014

Deux enfants très aimables

 

 

théâtre du poche-montparnasse,littérature,stéphanie tesson,brock,stéphanie gagneuxOn connaît peu le théâtre médiéval. Il fut longtemps au Purgatoire. Les auteurs se soumettaient sans regimber à la rigueur classique des trois unités, car le mélange des genres était passible d’un anathème épouvantable ! Grâce  à l’obstination des chercheurs, et à la détermination de rares metteurs en scène, il va cette saison, renaître au Théâtre du Poche-Montparnasse.

Stéphanie Tesson se passionne depuis toujours pour ces formes méconnues, qui, du Xe au XVe siècle ont inventé notre théâtre et brassent prodigieusement la comédie, la moralité, les récits, les chants, la tragédie, la farce, la poésie, la philosophie, la musique, le sacré et le profane, afin de divertir et enseigner les hommes.

C’est avec Aucassin et Nicolette que débute le cycle médiéval au Théâtre du Poche-Montparnasse. La « Chantefable » anonyme du XIIIe siècle, « écrite dans des temps anciens », a été retraduite par Stéphanie Tesson en heptasyllabes et octosyllabes chantants et délicats. Elle la met en scène avec deux excellents comédiens, Stéphanie Gagneux et Brock, dans la tradition des tréteaux : pas de décor, peu d’accessoires et une fluidité joyeuse. Ils jouent tous les rôles (Brock fait aussi les lumières et le bruitage) dans les aventures de « deux enfants très aimables », deux enfants qui s’aiment et que la société sépare, car Aucassin est le fils du Comte de Beaucaire, et Nicolette une étrangère, captive achetée aux Sarrazins.

On entend les tambourins avant de les voir. Deux gonfanons  encadrent l’espace scénique. Ils sont d’or à rebec couplé en abîme avec flûtes.

Ils arrivent les troubadours !

Souriants, affables, ils commencent le récit, ils le scandent, ils le jouent. théâtre du poche-montparnasse,littérature,stéphanie tesson,brock,stéphanie gagneuxBrock devient le Comte Garin de Beaucaire, vieux et méchant, puis son ennemi le comte Bongard de Valence vindicatif et le père adoptif de Nicolette, un vassal obséquieux. Il sera aussi un berger jovial et madré et d'autres encore. Stéphanie Gagneux en habit bicolore asymétrique, imité des miniatures médiévales sera Aucassin côté gauche et Nicolette côté droit. (Scénographie
 et costumes : Sabine Schlemmmer).

Séparé de Nicolette enfermée dans une haute tour, Aucassin pleure. Il refuse de « prendre les armes » pour défendre ses terres, plus rien n’a d’intérêt pour lui, même pas la promesse du Paradis après sa mort. Il préfère l’enfer « où vont les belles dames, les jongleurs et les rois du siècle ». 

Ah ! si son père s’engageait à lui donner Nicolette…

Marché conclu ! Il s’élance, gagne le combat, ramène le conte Bongard de Valence prisonnier… Mais le père ne tient pas sa parole ! Et voilà Aucassin emprisonné.

Je ne vous dirai pas qu’ils se retrouveront, vous l’avez deviné. Je vous parlerai seulement des bergers et de leurs moutons bêlant, des clochettes des troupeaux, des trilles du rossignol et du hululement de la chouette, du ressac qui se fracasse contre la nef qui les emporte, des mouettes qui crient, des chevaux qui caracolent.  Et de leur amour, inébranlable.

Nicolette « au clair visage » est naturellement « de haut lignage », fidèle à son Aucassin, rebelle aux ordres du roi païen son père. Elle mène l’action dans un monde féodal où suzerain et vassaux se disputent, et où la femme doit seulement obéir.

Une bien belle lutte, toujours recommencée et ici, récompensée, car « ils vécurent longtemps entre plaisir et délices ».

Et c’est ainsi que le public « si déprimé » en entrant, « retrouve l’espoir, 
la santé et la gaieté. »

Ainsi soit le théâtre médiéval qui opère miracle ! 


 

Photo © Alejandro Guerrero.

 

Aucassin et Nicolette, chantefable anonyme du XIIIe siècle

Traduction et mise en scène : Stéphanie TESSON

 

Théâtre de Poche-Montparnasse

 

Depuis le 12 novembre et jusqu’au 4 janvier 2015


du mardi au samedi à 19h,

dimanche 17h30

Relâches : les 20, 24 Décembre et 1er Janvier


Plein tarif 24€ / Tarif réduit 18€ / Tarif jeunes -26 ans 10€


01 45 44 50 21

www.theatredepoche-montparnasse.com