25/01/2013
Charlotte Delbo
Elle aurait eu cent ans cette année. Charlotte Delbo, secrétaire de Louis Jouvet, résistante, déportée à Auschwitz-Birkenau par le convoi du 24 janvier 1943, numéro matricule 31661, sera célébrée cette année comme « une voix singulière ».
Jean Lebrun vient de lui consacrer aujourd’hui son émission (La Marche de l’Histoire France Inter), et de janvier à octobre, à Paris, en Île-de-France, en Alsace ; en Haute-Normandie, en Lorraine, en Provence (on dit aujourd’hui la région PACA), à Londres, à Cieszyn (Pologne), à Bruxelles, à Rome, lectures, colloque, spectacles, concerts, expositions vont honorer sa mémoire.
Elle était déjà une militante quand la guerre éclata. Partie avec Jouvet pour une tournée en Amérique latine, en 1941, elle apprend qu’un jeune architecte de ses amis, Jacques Woog vient d’être condamné à mort par le gouvernement de Vichy, et décide de revenir en France pour entrer en Résistance. Les objurgations de Jouvet ne l’empêchent pas de s’embarquer pour aller « se jeter dans la gueule du loup ». Elle sera arrêtée en 1942 avec son mari, Georges Dudach. Lui sera fusillé, elle déportée. Ceux qui avaient choisi raconte leur « dernière fois ».
Celle qui était revenue de l’enfer, comme Germaine Tillion, écrivit d’abord pour rester fidèle au serment qu’elle avait fait de témoigner. Puis, à la question « que peut la littérature devant tant de crimes ? », elle répondit que la question était mal formulée et à « peut », elle substitua « doit ».
Sous forme de poèmes, de récits, de pièces de théâtre, elle raconte l’horreur et le courage, la lâcheté et la solidarité. Et l’amour du théâtre lui permit de reconstituer le texte du Malade Imaginaire pour ses compagnes. Car le théâtre les aida à supporter leur misère et combattre le désespoir. Et c’est avec Électre, Antigone et Ondine qu’elles ont transfiguré leurs malheurs.
Vous trouverez tous les rendez-vous sur :
Le collège de Tronget, village du cœur de l'Allier, porte son nom depuis 1998. Tous les deux ans, ce collège organise une semaine entièrement consacrée à Charlotte Delbo et aux camps.
La bibliothèque du deuxième arrondissement de Paris porte depuis janvier 2008, le nom de Charlotte Delbo.
À l'occasion de la journée internationale des droits de la femme de l'année 2008, le portrait de Charlotte Delbo fut accroché devant le Panthéon au côté d'autres grandes femmes.
Une exposition itinérante est à la disposition des institutions.
ww.isrec.it/info@isrec.it
18:10 Écrit par Dadumas dans exposition, Histoire, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charlotte delbo, histoire, littérature, théâtre, concert, exposition | Facebook | | Imprimer
Angèle, Barbara et Jacqueline et nous...
Angèle (Florence Giorgetti), Barbara (Judith Magre) et Jacqueline (Édith Scob) sont de retour. Elles ont déposé leurs objets fétiches au Théâtre de Poche-Montparnasse et elles vous en livrent l’inventaire tous les soirs.
Vous connaissez certainement Inventaires de Philippe Minyana. Et le jeu cruel auquel un animateur (Robert Cantarella qui est aussi le metteur en scène) se livre avec elles, en leur demandant de présenter les objets qui ont fait leur vie. Muets témoins des maladies, des disputes, des amours, la cuvette de Jacqueline, le lampadaire de Barbara, la robe d’Angèle ne vous racontent rien, à vous.
Mais Jacqueline y tient à la cuvette dans laquelle elle a craché ses poumons de prolétaire mal logée. Barbara s’accroche à son lampadaire dont la lumière rose n’a pas éclairé longtemps son couple mal assorti. Et Angèle est fière de montrer la robe, qu’elle avait cousue de ses mains pour ses rendez-vous clandestins avec Marcel.
Elles ne sont plus les jeunes filles naïves dont les hommes ont profité. Et elles se sont tues si longtemps ces femmes du peuple dont l’histoire n’intéressait personne ! Mais quand le « reality show », les porte dans la lumière, l’intime se fracture, la parole contrainte éclate et les mots se bousculent, elles deviennent intarissables.
Angèle est tendre, Barbara brutale, Jacqueline aimable. Leur grammaire est chaotique, car elles nous racontent des vies décousues, des existences malmenées avec une vitalité combative, un humour contagieux. Elles ont reçu des coups, elles ont des cicatrices mais elles sont restées debout. Toujours. Et nous oserions nous plaindre des nos vies ?
Nous* qui avions accompagné la création en 1987, nous avons retrouvé Florence, Judith et Édith avec un bonheur sans mélange. Elles n’ont pas changé, À croire que le texte de Philippe Minyana distille un élixir de jouvence.
L’auteur a ajouté des couplets ironiques et affectueux pour une chanson finale, et Robert Cantarella peut s’incliner devant ses trois comédiennes devenues des monstres sacrés.
Photos : © Brigitte Enguerand
· L’Avant-Scène Théâtre, N°809, du 1er mai 1987, réédité chez Théâtrales.
Inventaires de Philippe Minyana
Théâtre du Poche-Montparnasse
Du mardi au samedi à 19 h
Dimanche à 17 h 30
12:52 Écrit par Dadumas dans humour, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de poche-montparnasse, minyana, cantarella, judith magre, florence giorgetti, édith scob | Facebook | | Imprimer
23/01/2013
Charlotte l’iconoclaste
Les théâtreux de tous bords vous ont parlé de longuement et sérieusement de « la crise du personnage. Mais ceux qui la vivent, les comédiens, qui doivent « construire leur personnage », s’appuient rarement sur des discours théoriques.
Charlotte Rondelez, comédienne, metteur en scène est passée à l’écriture pour l’exprimer, avec To be Hamlet or not, un comédie créée au festival d’Avignon 2012, et que le Poche-Montparnasse accueille dans sa nouvelle salle. Dans ses sombres limbes, en dessous de la grande salle où se joue Le Mal court, le personnage d’Hamlet (Aymeric Lecerf) en voit de toutes les couleurs.
Le pauvre Hamlet a assez de revivre toujours, depuis 1598, la même histoire tragique où il entraîne dans la mort, sa mère (Pauline Devinat), son meilleur ami Laërte (Julien Le Provost), son oncle Claudius (Paul Canet ) après avoir tué Polonius, le père de la belle Ophélie (Pauline Devinat), laquelle s’est suicidée. Avouez qu’on rêverait d’une meilleure destinée !
Mais comment en changer, quand votre auteur est mort depuis près de quatre siècles ? Et si Hamlet ne veut pas mourir, il n’a plus d’existence dans cette histoire-là. Or, « disparaître, ce n’est pas être libre », et « choisir sa vie ce n’est pas l’effacer ». En trouver une autre ? Ce devrait être possible lui affirme un certain Pip matelot à bord du baleinier Pequod dans Moby Dick d’Herman Melville, opinion confirmée par le Chat du Cheshire tout droit sorti d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.
Facile à dire puisque sur scène, Céline Espérin joue les deux rôles ! Car To be Hamlet or not est avant tout une histoire de comédiens, réunis par la volonté de Charlotte Rondelez, metteur en scène et auteur, sur un plateau octogonal de bois clair, avec quelques éléments de costumes et quelques accessoires.
Paul Canet (Claudius, Godot, Fred, Stéphane, un passant), Pauline Devinat (Ophélie, Alice, Julie, Judith, Gertrude, une passante), Céline Espérin (Horatio, Pip, le Chat du Cheshire), Lydie Höderling, Camille, Ophélie), Julien Le Provost (Laërte, Champy, Amalric, Alex, un passant) veulent nous raconter Hamlet mais Hamlet ne veut plus de tragédie.
Certains diront que c’est impossible car des chroniques historiques du Danemark ont inspiré Shakespeare et que les auteurs plongent souvent dans la réalité pour trouver leurs sources. Ainsi, nous a-t-on appris que Lewis Carroll eut pour modèles les trois soeurs Liddell dont l'une se prénommait Alice, qu’Herman Melville fut de ces marins qui donnaient un nom aux cachalots qu’ils poursuivaient, et qu’un baleinier sombra après l’assaut d’un cachalot géant.
Et Godot dans tout ça ? Lui qu’on attendait déjà du temps du Faiseur de Balzac, n’est-il pas las de faire croquer le marmot aux comédiens qui l’attendent toujours « ailleurs » ? Et cette Lydie Höderling, échappée d’un livre envoyé au pilon, que fait-elle dans notre réalité?
Là n’est pas la question…
Dans sa quête du réel, Charlotte Rondelez croise les époques, mêle les histoires sans perdre ses comédiens, virtuoses de la transformation.
On s’amuse beaucoup, n’en déplaise aux pisse-froid, gardiens de la « bonne littérature », qui ne manqueront pas de s’offusquer de l’horrible « mélange des genres ».
Charlotte l’iconoclaste les aime, ces personnages éternels qui vivent encore pour nous une fois le livre refermé, le rideau tombé sur les scènes classiques ou quand le noir, dans les autres, nous annonce qu’on ne les verra plus.
Pourtant, lorsque Hamlet aura parcouru les siècles, accepté des rencontres impossibles, qu'iil se sera mesuré à ses fantômes et à ceux des autres fictions, il reprendra naissance, trouvera une autre voie.
Laquelle ?
Je ne vais tout de même pas tout vous raconter. Allez-y, et vite, soyez les premiers aux premières…
Photos : © Alexandre Guerrero
To be Hamlet or not, de Charlotte Rondelez
Théâtre de Poche-Montparnasse
Du mardi au samedi à 20 h
01 45 44 50 21
18:15 Écrit par Dadumas dans culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de poche-montparnasse, hamlet, charlotte rondelez | Facebook | | Imprimer