06/03/2015
Le Perrichon nouveau est arrivé.
On se souvient du personnage de Monsieur Perrichon, inventé par Labiche, dans la lignée du Bourgeois gentilhomme de Molière. Notre bourgeois vaniteux et stupide est de retour sur nos scènes, sous la plume de Gérald Sibleyras qui excelle à traquer la sottise sous toutes ses formes et dans tous les milieux. Avec Monsieur Perrichon voyage toujours, le Perrichon nouveau est arrivé !
Gilles Gaston-Dreyfus l’interprète et lui donne la suffisance de ceux ont réussi dans la vie. Notre Perrichon est moderne, il n’est plus carrossier mais pose des moquettes et des parquets. Il ne va plus admirer la « mère » de Glace, mais faire de la planche à voile et de la plongée aux Caraïbes dans la mer « imense ». Et ce n’est plus le Commandant Mathieu qui relève sa faute d’orthographe mais le juge du même nom (Jean-Luc Porraz) attaché à la brigade des stup’. Sa fille, ne s’appelle plus Henriette mais Pauline (Linda Massoz), sa femme (Christiane Bopp) est gentille. Quant à Daniel (CharlesTemplon) et Armand (Arthur Fenwick), les prétendants de la demoiselle, le premier est « dans la communication », le deuxième haut fonctionnaire. Daniel méprise Perrichon mais le flatte, Armand se démène pour rendre service à Perrichon, le tirer de tous les mauvais pas dans lesquels sa stupidité le jette, mais il ne récolte que l’ingratitude.
Charlie Mangel signe un décor très coloré, éclairé pleins feux par Jacques Rouveyrollis. Les costumes d’Anne David, accentuent les contrastes entre les couleurs vives des tenues estivales et le gris de la ville. La mise en scène de Philippe Uchan est soignée.
Gérald Sibleyras s’en donne à cœur joie en épinglant les prises de position conformistes, les petites et grandes lâchetés de notre société, les tics de langage où les mots ronflants et vides manipulent ceux qui voudraient être à la mode et peinent à suivre.
Heureusement, la morale est sauve et la noble attitude d’Armand sera récompensée !
Photos :© Lot
Monsieur Perrichon voyage toujours de Gérald Sibleyras
Théâtre La Bruyère
à 19 h du mardi au samedi, samedi à 15 h.
01 48 74 76 99
22:57 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre la bruyère, gérald sibleyras | Facebook | | Imprimer
Noël joyeux
Ils sont six en coulisses et douze sur scène ! Non ce n’est pas le miracle d’un nouveau prophète, c’est Noël au balcon qui consacre le génie comique d’un auteur nouveau : Gilles Dyrek.
Nouveau ? Pas pour tout le monde ! Car en 2002, La Touche étoile avait fait 600 représentations, et en 2003, Venise Sous la neige 1 500, rien qu’à Paris. Et on ne compte pas les tournées, et les traductions en Allemagne, en Espagne, Finlande, Norvège, Tchéquie, Slovaquie, Autriche…
Disons donc qu’avec Noël au balcon, sa nouvelle pièce, il s’établit parmi les meilleurs auteurs comiques français.
Pour un Noël, c’est un Noël joyeux … pour les spectateurs !
Vous aviez sans doute lu ma note de lecture enthousiaste du 21 février. C’était insuffisant pour vous dire le bonheur d’une pièce réussie.
Je réitère. L’auteur en assure la mise en scène avec une équipe extraordinaire.
Imaginez deux balcons frontaux, dans une résidence moderne (décor de Caroline Mexme). Pour le réveillon de Noël, le balcon sert de desserte. On y a entreposé des boissons ou des plats, et la maîtresse de maison, ou son mari, vient les chercher. Il y a aussi les invités, tous de la famille, qui viennent s’isoler, pour un coup de téléphone, une explication, ou… une engueulade ! Eh oui ! C’est ainsi dans toutes les familles.
Séverine Debels est l’hôtesse, Éliane, pour la famille du balcon de gauche et Marjorie, la fille « instable » du balcon de droite. Elle critique, elle juge, elle jauge, parfaite dans les deux rôles. Florence Savignat est Solange, la belle-mère d’Éliane, perspicace, un brin soixante-huitarde, elle devient Anne-Cécile, enceinte jusqu’aux dents, dans l’autre famille. Elle a le ton cassant d’un côté, l’air attendri de l’autre : mention très bien.
Benjamin Alazraki est naturellement Benjamin, le fils d’Éliane, un petit garçon qui croit encore au père Noël et obéit à maman, mais sur l’autre balcon, il est Hubert, le maître de maison qui ne maîtrise plus rien du tout, ni son père, ni sa sœur, ni son frère, ni surtout l’accouchement de sa femme. Excellent !
Éric Mariotto est Sébastien, l’ado en pleine crise gothique qui trimballe un furet dans sa manche. Dissimulé sous une capuche cloutée, il a la voix qui mue, il ne regarde personne et attaque les attitudes des siens. Il obtient un triomphe dans ses jugements imagés : « L'horreur se mêle à la petitesse des esprits, et la putréfaction du climat côtoie la médiocrité de l'éphémère. » Impitoyable et inénarrable ! Quand il passe sur le balcon de droite, il devient Bernard, le frère célibataire de Hubert, celui qui pose les questions indiscrètes, veut jouer les boute-en-train et dont les blagues tombent à plat. Et pourtant, ce mal aimé sait parler d’amour à Éliane et chapitrer le mari indifférent. Très drôle et très émouvant.
Justement, parlons-en de ce mari : Patrick ! Il flanque la dinde par terre, laisse tomber la bûche et comme les grands faibles prend des colères terribles. C’est Xavier Martel, qui, dans l’autre famille est Christophe, le nouveau fiancé de Marjorie qui en est à son troisième Christophe. Beaucoup de finesse dans ces rôles contrastés. Il sait gagner la sympathie du public.
Alexis Victor interprète Etienne, le père de Sébastien, angoissé par les appels téléphoniques d’une femme qui s’accroche et les lubies d’un adolescent sans repères. Il est aussi Jacques, le grand-père indigne dans l’autre famille. Deux beaux personnages qu’il incarne avec brio.
Ajoutez que cette joyeuse bande navigue d’un balcon à l’autre avec aisance, réussissant le pari fou de jouer deux rôles sans manquer un seul effet.
« Mort de rire », disent les enfants ! J’en suis sortie bien vivante, joyeuse et heureuse : je n’avais pas autant ri depuis des lustres !
Noël au balcon de Gilles Dyrek
Café de la Gare à 21 h
01.42.78.52.51 (10h30-18h30)
Noël au balcon est publié aux éditions de La Traverse
Venise sous la Neige et La Touche étoile aux éditions de L'avant-Scène Théâtre
17:24 Écrit par Dadumas dans Blog, humour, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer
25/02/2015
Albertine retrouvée
On avait un peu oublié la vie tumultueuse d’Albertine Sarrazin. Abandonnée à l’Assistance publique à la naissance, adoptée, violée à dix ans par un oncle, elle est bouclée au Bon Pasteur dès les premières révoltes de l’adolescence. Elle commence à noircir de petits cahiers, et ses écrits sont confisqués. Excellente élève, mais indisciplinée, elle fugue le jour de son oral de bac. Elle quitte Marseille où « le nombre de flic égale celui des malfaiteurs. »
De quoi peut vivre une fille de quinze ans à Paris ? Elle se prostitue, tente un braquage avec son amie Emilienne et la voilà en prison à seize ans. Elle supporte mal la « solitude et l’enfermement » et quand en 1955, elle est condamnée à sept ans de prison, elle s’évade, saute d’un mur de dix mètres et se casse un os du pied, l’astragale.
Celui qui la ramasse, c’est Julien Sarrazin, un petit délinquant, qui va devenir son grand amour. Elle ne va vivre que pour lui, par lui. Ils sont arrêtés, condamnés, libérés, réincarcérés, mais ils se marient, et une fois leurs peines purgées s’installent ensemble dans les Cévennes. En 1964, Jean-Jacques Pauvert accepte deux manuscrits : La Cavale et L’Astragale, deux succès d’édition, tout de suite adaptés au cinéma. Albertine Sarrazin devient célèbre, « Je crois au pouvoir de la volonté, de l’enthousiasme. » déclare-t-elle, dans une interview.
Mais le bonheur est court et la vie injuste. En 1967, à cause d’un anesthésiste incompétent, elle meurt après une opération. Elle n’avait pas trente ans.
Mona Heftre bouleversée par l’œuvre et la vie d’Albertine lui dresse un mémorial poignant. Spectacle baroque bâti avec des textes puisés dans les romans, les poèmes (dont certains sont mis en musique (musique de Camille Rocailleux), les entretiens. Avec sa silhouette fine, ses gestes gracieux, Mona réincarne l’incandescente jeune femme brune au visage étroit et aux yeux immenses. Manon Savary, qui signe la mise en scène et une vidéo, donne aux images en noir et blanc une esthétique contrastée faite de lumières crues et de noirs angoissants. Les lumières de Pascal Noël articulent les épisodes de cette impétueuse « vie de cavale ».
Comment ne pas l’aimer cette Albertine, qui volait les poèmes de Rimbaud et défiait la famille bourgeoise qui l’avait reniée ? Comment ne pas la plaindre, elle qui fut victime de la « bestialité des hommes » ? Elle n’avait ni « bon sens, ni morale, ni retenue ». On a jugé qu’elle était « perverse », et même un « danger pour l’ordre public », alors qu’elle n’était qu’une petite fille affamée d’amour et de tendresse. Ses mots, comme des cris rebelles saisissent les spectateurs.
Grâce à Mona Heftre, Albertine disparue est devenue aujourd’hui Albertine retrouvée.
Photo :© D. R.
Albertine Sarrazin, une vie de cavale de Mona Heftre
d’après l’œuvre d’Albertine Sarrazin
du mardi au samedi : 19 h, dimanche : 15 h
Théâtre de Poche-Montparnasse
Depuis le 24 février et jusqu’au 3 mai
01 45 44 50 21
21:53 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, poche-montpanasse, poésie, littérature, albertine sarrazin, mona heftre, manon savary | Facebook | | Imprimer