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22/09/2013

Boire du petit lait

 

 

Théâtre, Poche-Montparnasse, Dylan, MeldeggStephan Meldegg avait été séduit par Under Milk Wood de Dylan Thomas en 1959, et, quand, en 1971, il a ouvert son premier théâtre, à Paris, qu'il a lu la traduction de Jacques B. Brunius, il a monté Au bois lacté  avec un succès tel, le spectacle continua au Lucernaire. Puis Stephan Meldegg prit la direction du La Bruyère, en 1982, et devinez ce qu’il mit à l’affiche pour cette première saison !

Au bois lacté lui tient lieu, dit-il, « de talisman ».

Il offre donc aujourd'hui ses vertus magiques au Poche-Montparnasse avec une très belle distribution : Rachel Arditi, Jean-Paul Bezzina, Sophie Bouilloux, Attica Guedj, César Méric, Jean-Jacques Moreau, Pierre-Olivier Mornas : sept comédiens pour soixante-trois rôles…

Oui, vous avez bien lu : soixante et trois !

C’est qu’il s’agit de tout un village, "Llareggub", avec son révérend qui poétise, ses couples bien ou mal assortis, son facteur qui lit le courrier avant les autres, son boucher pas très net sur la viande qu’il vend, son laitier agité, son agent de police, son calicot, son épicière, ses amoureux qui rêvent de se retrouver sur la colline, dans le petit bois dit « lacté »,- qui n’est « qu’une touffe » -, sa fille-mère, son institutrice, les enfants de l’école, le vieux capitaine aveugle qui délire tout seul, une vieille dame heureuse de vivre encore un peu, et les voisins et voisines des uns et des autres, qui surveillent, épient, cancanent… et rêvent. Sous nos yeux, dans les costumes de Caroline Martel, pertinents et drôles, tout s’organise sans effort, en une chorale harmonieuse, et tous les acteurs passent d’un rôle à l’autre,  avec une maestria extraordinaire. Un ravissement pour le spectateur !

Avec deux coffres et des arbres de carton stylisés comme du Matisse, Édouard Laug vous fait un village qui  s’anime sous les lumières de Robert Venturi. Et ces petites gens, modestes, un peu coincés sous le regard des autres tentent de grignoter chaque jour leur part de bonheur.

Le texte est tendre, souvent ironique, cruel quelquefois, poétique toujours. Et pourtant, il paraît que le nom de ce village, « Llareggub », est le palindrome de « Bugger all », qui signifie : « allez vous faire foutre ! ». C’est ce que dit le traducteur, car moi, j’ai déjà du mal avec l’anglais, alors, vous pensez, le gallois !

Mais je vous rassure, sur la scène du Poche, on comprend tout et dans ce Bois lacté, si j’osais, … puisque l’auteur semble aimer les jeux de mots, je dirais qu’on boit du petit lait…

 

 

Au bois lacté de Dylan Thomas

Texte français de Jacques B. Brunius

Mise en scène de Stephan Meldegg

Théâtre de Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h

01 45 44 50 21

 

 

 

 

 

 

Trois mélos pour le prix d'un !

 

 

théâtre, Gabor Rassov, Pépiniere-théâtre, Romane Bohringer, Le mélodrame est un genre très codé qui eut son heure de gloire après la Révolution.On y représentait la famille trahie par un méchant (généralement un aristocrate pervers ou un curé dévoyé, l’innocence persécutée, généralement une jeune fille pure, sauvée par un héros solitaire, épris de justice, qui à la fin, la ramenait virga intacta à sa famille, à son fiancé et punissait les scélérats. L’action (drama) était soutenue par une musique (mélos) qui distinguait les personnages, ou caractériser la situation. On y pleurait beaucoup, mais à la fin on soupirait de joie de voir ainsi l’ordre rétabli et la société sauvée. Un des maîtres du mélodrame, écrivit quelque 125 pièces de ce genre, dont quelques-unes, Les Ruines de Babylone, Coelina ou l’Enfant du mystère, furent jouées, partout en France, des centaines de fois.

Gabor Rassov transpose la recette dans trois pièces courtes : Grand Prix qui se passe dans le milieu de la Formule1, Jusqu’à la mort, une sorte de Roméo et Juliette reteint aux couleurs d’un Extrême-Orient de parodie, et enfin La Rédemption de l’oncle Bill, qui revisite les séries américaines en situant l’action à Los Angeles. Trois mélos pour le prix d'un !

Pour bien actualiser le genre, Pierre Pradinas, dans sa mise en scène, introduit des publicités, textes insérés dans le dialogue avec effets de coq-à-l’âne absurdes, rires gratuits et enregistrés renforçant la fiction. théâtre, Gabor Rassov, Pépiniere-théâtre, Romane Bohringer,Cinq comédiens fabuleux surjouent, avec des airs pénétrés et tragiques de circonstance. Warren Zavatta, tour à tour bonimenteur, traître, mère noble, est épatant, Thierry Gimenez est remarquable dans le rôle du méchant, vindicatif, et toujours abominable, Matthieu Rozé brille dans la figure du rédempteur, Bruno Salomone est un admirable amoureux. Et l’amoureuse ? Romane Bohringer, extraordinaire comédienne, passe de la figure convenue de la pin-up des circuits automobiles, à celle d’une jeune pudique Chinoise, puis d'une jeune Américaine traumatisée par l’inceste de l’oncle Bill.

Des trois pièces, La Rédemption de l’oncle Bill est en réalité la seule qui réponde exactement aux principes du mélodrame…

Mais nous n’en ferons pas grief à l’auteur. La parodie est aussi un genre plaisant. Et les muses de Pixerécourt n’ont plus qu’à se voiler la face !

 

 Photo : © Mirco Magliocca

Mélodrame(s) ! de Gabor Rassov

Du mardi au samedi à 21 h

Dimanche, 16 h

Pépinière Théâtre

01 42 61 44 16

www.lapepiniere.com

 

21/09/2013

Drôle d'anniversaire !

 

 

Avec Pinter la vérité n’est jamais simple. Et dans L’Anniversaire que Claude Mouriéras met en scène avec la troupe de la Comédie-Française, nous ne la connaîtrons jamais.

Qui est ce Stanley (Jérémy Lopez) qui se terre dans la pension que tiennent Meg Bowles (Cécile Brune) et son mari Peter (Nicolas Lormeau) ? Il dit qu’il a été « roulé », et il traîne toute la journée dans la maison. Est-il un criminel que traquent deux policiers, Nat Goldberg (Éric Génovèse) et McCann (Nâzim Boudjenah) ? Un espion qui a trahi son organisation ? Un défroqué que sa hiérarchie cherche à récupérer ? Un gangster qui a donné ses acolytes ? Un échappé d’hôpital psychiatrique ? Ou un dissident qu’on va y envoyer afin de le rééduquer ? Nous ne le saurons jamais.

Le rôle des Bowles n’est pas clair non plus. Sont-ils complices des deux hommes qui emmènent Stanley le lendemain de son anniversaire ? Et d’ailleurs était-ce bien son anniversaire ? Et la jeune voisine Lulu (Marion Malenfant) est-elle leur auxiliaire ou une dupe ?

Insidieusement, le malaise s’installe, la menace chemine, la violence se déchaîne et on ne peut pas ne pas penser aux régimes totalitaires, à l’arbitraire qui tient lieu de loi dans certains palais d’injustice. Il n’y a sans doute pas de pire effroi que d’être appréhendé sans raison, questionné sans  logique, accusé sans preuve. 

Les comédiens sont parfaits d'ambiguïté. La scénographie et les lumières d’Yves Bernard renforcent le trouble, avec ses tons gris, ce double niveau qui donne au spectateur la vision du témoin incapable d’agir. Le son (Roman Dymmy) oscille entre silence inquiétant, musique tonitruante, et martèlement d’un tambour d’enfant, comme les protagonistes bringuebalés dans une histoire qui les dépasse.

Chez Pinter, comme dans la vie, tout peut arriver !

 

 

 

L’Anniversaire d’Harold Pinter

Traduction de Eric Kahane

Théâtre du Vieux-Colombier

Jusqu’au 24 octobre

Mardi : 19 h, du mercredi au samedi : 20 h, dimanche 16 h

0825 10 1680

www.comedie-francaise.fr