07/10/2016
Une investigation psychologique
On nous avait prévenus : The Civilians (Investigate theater, New York) parlent de la mort. Et les âmes sensibles de s’abstenir. Elles ont eu tort. Irene Lucio et Dan Domingues, nous ont démythifié la terrible camarde. The undertaking (L'Entreprise) n'est pas un voyage en enfer, mais une investigation psychologique.
Dans un décor clair - gris trianon un peu bleuté – (lumières de Thomas Dunn, scénographie de Marsha Ginsber) - les deux comédiens s’interrogent sur l’angoisse des hommes devant la mort, et tels des personnages de comédie américaine analysent nos comportements.
Nous sommes plus proches des questionnements pleins d'humour de Woody Allen et Israel Horovitz que des visions épouvantables de George A. Romero. Et les murs blancs moirés d’argent, pouvant aussi servir d’écran, les images de l’Orphée de Cocteau donnent au thème de la mort une poésie surréaliste qui scande chacune des scènes de l’investigation. Le spectacle s'inscrit, pour nous, comme un magnifique et émouvant hommage au poète disparu dont les images nous bouleversent toujours...
Le temps d’écrire notre enthousiasme pour ce spectacle, et déjà, c’est fini. Mais les échanges Paris/New York continuent.
Renseignez-vous et n’hésitez plus !
The Undertaking texte et mise en scène de Steve Cosson
Du 5 au 8 octobre
Théâtre de la Ville
Theatredelaville-paris.com
Jusqu’au 16 octobre.
15:07 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de ville, steve cosson, bam, emmanuel demarcy-motta | Facebook | | Imprimer
06/10/2016
L'homme qui aimait la nature
Pour construire leur personnage, les grandes comédiennes ne se contentent jamais ce qui est écrit pour leur rôle. Ainsi, pour interpréter à la Comédie-Française, la revêche Madame Lepic dans Poil de Carotte, Catherine Sauval partit à la découverte de Jules Renard en lisant le Journal qu’il tint jusqu’à ses derniers jours. Elle s’enthousiasma pour cet écrivain lucide et pessimiste, qui doute de tout et d’abord de lui-même, et raconte avec tendresse et ironie les heurs et malheurs de ceux qu’il côtoie.
Elle a choisi quelques passages du Journal, y a mêlé quelques pages des Histoires naturelles et des Bucoliques et le tout est devenu un spectacle Jules Renard, l’homme qui voulait être un arbre qu’elle joue avec une lumineuse présence et que Philippe Lagrue a mis en scène. Dans l’espace scénique, rien ou presque : une table à écrire, une chaise, un tabouret, un chapeau d’où elle tire quelques aphorismes de l’auteur, elle est la conteuse qui évoque Jules Renard, et transmet sa parole. Et c’est sublime.
Elle est cette voix mélancolique, pénétrante, souvent féroce envers les écrivains ses amis et rivaux. Elle est ce grand timide qui se savait orgueilleux et qui se déjugeait avant de juger les autres. Elle est cette douleur inconsolée d’être le mal aimé d’une mère terrifiante et cependant désirée. Elle est aussi le moraliste indulgent envers « les bêtises » de ses administrés – il fut maire de Chitry dans la Nièvre - ce sceptique qui pense que « Dieu n’arrange rien », mais qui loue la nature dans chacune de ses pages.
Souhaitons qu’elle joue aussi, un jour, les savoureuses scènes du Vigneron dans sa vigne ou des Philippe, ou simplement ces actes pétillants que sont Le Plaisir de rompre et Le Pain de ménage…
Photo : © Chantal Delpagne
Jules Renard, l’homme qui voulait être un arbre de et avec Catherine Sauval
d’après le Journal, bucoliques, et Histoires naturelles de Jules Renard
Théâtre de Poche-Montparnasse
01 45 44 50 21
tous les lundis à 19 h
23:28 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de poche-montparnasse, jules renard, catherine sauval | Facebook | | Imprimer
30/09/2016
La crise du personnage
Qu’arriverait-il, au théâtre, si le personnage conçu par l’auteur refusait de suivre sa condition ? Le « cours des choses » en serait-il modifié ? Quels rapports y a-t-il entre l’auteur et ses protagonistes ? Entre les personnages et les personnes ? Et comment accepter les conventions du théâtre quand on réclame la vérité ?
Arnaud Denis, comédien et metteur en scène, devient auteur pour poser ces questions dans Le Personnage désincarné.
Il imagine que, Grégoire (Audran Cattin), le personnage principal, en pleine représentation, refuse la destinée que l’auteur (Marcel Philippot) lui a tracée. Bloquant les autres protagonistes, Grégoire interrompt le spectacle. L’auteur est furieux, il temporise, louvoie, supplie, flatte, encourage et finit par menacer. Le régisseur (Grégoire Bourbier) intervient, prenant le parti du personnage. C’est la crise !
Les débats vont reprendre à l’université, car on reconnaît là les discussions dramaturgiques que les théâtrophiles animent depuis des siècles. Le cinéma même s’en était emparé avec La Rose pourpre du Caire (Woody Allen). Arnaud Denis y ajoute des références théâtrales chères à nos cœurs. On reconnaît l’Alceste de Molière qui se plaint : « Non vous ne m’aimez pas comme il faut que l’on aime » (Le Misanthrope Acte IV, 3), reprise de Don Garcie de Navarre (Acte I, 3) : « Quand vous saurez m’aimer comme il faut que l’on aime. » Et, dans la relation qui s’établit entre Grégoire et son auteur on pense au Pridamant de L’Illusion comique (Acte V, 5), ce père douloureux à la recherche de son fils.
Auteur de la pièce et auteur de ses jours ? La thématique se développe aussi autour des malentendus entre les pères et les fils. Le propos touche à l’universel.
Arnaud Denis est metteur en scène de son œuvre et il s’entoure d’une équipe brillante. Le décor d’Erwan Creff crée l’illusion de la perspective infinie, tandis que les lumières de Laurent Béal installent les apparences.
Marcel Philippot interprète admirablement le père revêche, tyrannique, incompris, qui se sent « trop vieux pour avoir des illusions », comme Faust « trop vieux pour être sans regrets. » Face à lui, Audran Cattin, joue la fragilité avant de devenir révolté puis autoritaire et cynique. Belle évolution du personnage ! Grégoire Bourbier donne au régisseur des accents protestataires. Mais on convient enfin de l'importance du public car : « C'est celui qui est dans la salle qui a le pouvoir. » Voilà la vérité vraie...
L’art ou la vie ? Le drame s’achève, mais la question reste ouverte…
Photos : © LOT
Le Personnage désincarné d’Arnaud Denis, mise en scène de l’auteur.
Théâtre de la Huchette
01 43 26 38 99
Du mardi au samedi à 21 h
Samedi à 16 h
Le texte de la pièce est publiée aux éditions de La Librairie théâtrale
3, rue Marivaux 75002 Paris
Arnaud Denis y signera son oeuvre, lundi 10 octobre à 18 h
11:32 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de la huchette, arnaud denis | Facebook | | Imprimer