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30/01/2016

Devenir une lady

 

G. B. Shaw, Théâtre 14, Théâtre, GrujicOn sait que Pygmalion, sculpteur de Chypre, tomba amoureux de Galatée, la statue d’ivoire, née de son ciseau, et que Vénus l’anima. On sait que le mythe a inspiré les peintres, les sculpteurs, avant que la musique, le théâtre, le cinéma et aussi la psychologie s’en emparent. La pièce de George-Bernard Shaw Pygmalion (1914) adaptée pour le cinéma dès 1937, devient une éblouissante comédie musicale My Fair Lady, créée à Broadway, en 1956, puis tournée pour le cinéma par G. Cukor, en 1964.

Aujourd’hui, Ned Grujic se souvient de cette époque pour y transposer la pièce Pygmalion, de George-Bernard Shaw, traduite et adaptée par Stéphane Laporte. Eliza Doolittle (Lorie Pester) ne vend plus des bouquets à la sortie de l’opéra, mais des bonbons au cinéma Astoria. Sur le manteau d’Arlequin, ce nom brille en lettres de néon (lumières d’ Antonio De Carvalho). Des séquences d’actualité ponctuent les étapes de la transformation de la petite fille « sale et ignorante » en duchesse, ou, du moins en « lady » que l’on compare, à la star de cinéma, la délicieuse Audrey Hepburn. Ned Grujic projette aussi, sur l’écran de fond, une scène dansée entre Eliza et Freddy (Emmanuel Suarez). Mais pour le reste, même si les personnages sont moins nombreux, le texte de G. B. Shaw, un peu modernisé, est intact, brillant et caustique.

Le Professeur Higgins (Benjamin Egner) demeure un coriace misogyne, « une brute égoïste », et son acolyte Pickering (Philippe Colin) ne vaut guère mieux. Mrs Pearce (Claire Mirande) la gouvernante est toujours à cheval sur la bienséance. Mrs Higgins mère (Sonia Vollereaux) suit avec intérêt l’expérience et ouvre son cœur et ses salons à Eliza, qui trébuche un peu dans ses manières et son vocabulaire. Freddy et sa sœur Clara (Cécile Beaudoux) s’enthousiasment pour Eliza et papa Doolittle (Jean-Marie Lecoq) demande encore « un peu d’égard pour sa sensibilité » devenue « bourgeoise ».

Le décor de Danièle Rozier est congruent à l’époque et les costumes de Virginie Houdinière la restituent avec grâce. La jeune Lorie Pester, fait des débuts prometteurs au théâtre. Les comédiens qui l’entourent la soutiennent avec panache.

Si vous voulez profiter des leçons de phonétique de Higgins, sans tomber amoureux(se) de votre Pygmalion, je vous recommande ce spectacle.

 

Pygmalion de George Bernard Shaw

Traduction et adaptation de Stéphane Laporte

Mise en scène de Ned Grujic

Théâtre 14

0145 45 49 77

Jusqu’au 27 février

06/07/2015

Hommage au génie

 

 

Orson Welles aurait eu 100 ans cette année. Il laisse une oeuvre immense. Anca Visdei a revu des milliers de pages, d'entretiens, de critiques, visionné des kilomètres de pellicules pour essayer de démêler ce qui fut légende et réalité, mystification et vérité, invention et document. 
Enfant prodige, jeune homme talentueux, génie de la radio, du cinéma, de la narration, Orson Welles avait « une incroyable capacité de travail et de création ». On l'accusa d'être un « prétentieux gâté par le succès », qui ça ON ? Mais les médiocres bien sûr. Et comme le dit si bien Anca Visdei : « la conjuration des imbéciles ».

Dans une époque où son pays maintenait la ségrégation raciale et refusait d'intervenir contre Hitler, Orson Welles affichait son opposition, ça dérangeait. « Etre né libre, c'est être né avec une dette : vivre en liberté sans combattre l'esclavage, c'est être un profiteur. » Et Orson Welles s'engagea dans un combat pour la justice, contre la police qui avait rendu Isaac Woodard aveugle. Pouvait-on laisser un citoyen américain ternir l’image de l’Amérique ? Il fut  donc la cible du FBI.

Les producteurs furent de plus en plus réticents à lui faire confiance.  Or, « L'inspiration artistique sans les moyens financiers et techniques est aveugle, les moyens sans le poète sont stériles. » 

Orson Welles; cinéma, théâtre, livre, anca visdeiDepuis son canular de 1938[1]Welles était déjà célèbre à la radio, mais ne connaissait pas grand-chose au cinéma. Quand, le 22 juillet 1940, il commence le tournage de Citizen Kane, Gregg Toland ne lui a donné que deux jours de cours. Mais le coup d’essai fut, comme disait notre vieux Corneille,  « un coup de maître ».

« Le film regorge d’inventions techniques ou d’utilisations de procédés classiques employés de façon innovantes » écrit Anca Visdéi dans la biographie Orson Welles, qui rend hommage à ce génie. « Citizen Kane constitue la prémonition, les mémoires, l’épitaphe de la vie de Welles lui-même. » Dans ce film, le réalisateur a anticipé tout ce qu’il allait vivre par la suite. »

Et il n’a que vingt-cinq ans !

Trop doué, trop insolent, trop généreux, il aura bientôt contre lui une bonne partie de Hollywood, le FBI (avec le terrible Edgar Hoover), le fisc et quelques journalistes haineux, avides de scandales dans une société hypocrite. En Europe, on le découvre après la guerre et il est reconnu et adulé. Mais ce sont les fonds qui manquent…

Pour financer ses films, Orson accepte toutes les émissions radio qu’on lui propose, tous les films en tant qu’acteur, retourne mettre en scène au théâtre, réinvestit ses cachets pour produire ses projets. Beaucoup de tournages sont arrêtés faute de moyens, mais ses interprètes, ses techniciens lui sont fidèles et reprennent le tournage dès que les crédits rentrent. Ils constituent, autour de lui, « une famille ».

Vous trouverez dans la saga que constitue Orson Welles d'Ana Visdei, les déboires et les victoires du cinéaste, ses triomphes et ses échecs, ses amours aussi, car ce fut un grand amoureux qui séduisit les plus belles femmes de l’époque et les magnifia à l’écran.

Il ne termina jamais son Don Quichotte, il abandonna son Cyrano à l’état de projet, laissa son Caesar à moins talentueux que lui. Mais aujourd’hui, on retrouve des bobines, on découvre  ses essais, ses rushes jamais montés, et on revoit ses chefs d’œuvre avec passion.

Il fut « humaniste et voltairien » et ses détracteurs (« 75% de mensonges »), sont retournés à l’oubli. Alors si les producteurs n’ont pas su « discipliner l’Océan », il nous reste une œuvre  « immortelle »…

 

 

 

 

Orson Welles, d’Anca Visdei, éditions de Fallois, 20€

Si vous restez à Paris, passez votre été avec Orson Welles à la Cinémathèque

http://www.cinematheque.fr

 

 



[1] - Mise en onde de La Guerre des Mondes de son homonyme H. G. Wells.

30/06/2015

Universelle magie

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Universelle magie

 

L'exposition Magie, Anges et démons dans la tradition juive devait finir le 28 juin. Vous avez de la chance, elle est prolongée jusqu'au 19 juillet.

J’y ai découvert des objets, des rites, des croyances, des documents communs à nos trois religions monothéistes. Oh ! Bien entendu, rabbins, prêtres, pasteurs, imams combattent officiellement magie et sorcellerie, mais les pratiques populaires perdurent, ancrées dans des traditions millénaires et, ainsi que le dit Yehoudah ben Samuel de Ratisbonne (vers 1150-1217), dans  Le livre des pieux : « On ne doit pas croire dans les superstitions, mais il est plus sûr de les respecter. »

Car, enfin, pour quelles raisons l’homme se livre-t-il à ces rites que la religion tente de décourager ? Pour protéger la vie de sa famille, réussir ses projets, apaiser ses tourments, et quelquefois guérir.magie,exposition,traditions juives,chrétiennes,musulmanes.

Du temps où il croyait aux démons multiformes, il a voulu les contrôler, leur interdire l’accès de sa maison, de la chambre de ses enfants, du ventre de la mère porteuse de vie. Il a écrit des incantations contre Lilit, ce démon femelle, première femme d’Adam, chassée du jardin d’Eden. Il a façonné des objets apotropaïques[1], et, sur ces amulettes, gravé des prières où apparaissent le nom de trois anges : Sanoï ; Sansanoï et Semangelof.

Comme le peuple juif est celui du Livre, beaucoup de ces protections sont des textes écrits et dessinés, insérés dans des pendentifs, ciselé sur des bagues, et tracé, même sur des bols. L’art a magnifié les textes…

Ces pratiques magiques entraînèrent souvent des persécutions.  Chez les juifs comme chez les chrétiens les mots de « charlatanisme et de détournement de la religion » furent prononcés, mais en vain ! Le peuple les sanctifia. Et la « kabbale pratique » perdura. La magie chrétienne s’inspira de la magie juive et quand le monde arabophone devint musulman les coutumes s’adaptèrent. magie,exposition,traditions juives,chrétiennes,musulmanes.Ainsi peut-on voir ce que nous connaissons comme « main de fatma », chez les juifs comme chez les musulmans. La main (hamsah en hébreu, khama en arabe) assurait la bénédiction (berakah en hébreu, baraka en arabe) à celui qui la portait.

Pourquoi, au nom de Dieu ou de la Raison devrions-nous bannir ce qui rassure ?

 

 

 

 

 

 

 



[1]- Qui éloigne le danger.

 

 

Musée d'art et d'histoire du judaïsme

71, rue du Temple

01 53 01 86 65

ouvert de 11 h à 18 h, les lundi, mardi, jeudi, vendredi

mercredi de 11 h à 21 h

dimanche de 10 h à 19 h