07/03/2015
Les Montparnos à Vaugirard
Le musée est ouvert depuis avril 2014. Il réunit des œuvres de la première École de Paris. C’est-à-dire de ces artistes étrangers, qui, de 1905 à 1939 s’installèrent à Montparnasse, et donnèrent à la France un élan artistique remarquable. Le musée porte d’ailleurs le nom de l’un d’entre eux, Maurice Mendjisky, qui combattit pour la France en 1914-1918, et s’engagea dans la Résistance avec son fils en 1940.
Le bâtiment a été conçu en 1932 par Mallet Stevens. Il est situé au bout d’une impasse tranquille dans la bruyante rue de Vaugirard. La lumière entre à flots par les superbes vitraux de Barillet.
De Maurice Mendjizky, on peut admirer des dessins tragiques, des nus très sages, (et d'autres plus voluptueux), des portraits réalistes (dont celui de Prévert), des paysages colorés où la lumineuse nature invite au bonheur.
Autour de Maurice Mendjizky, on trouve des tableaux de Jankel Adler, Tibor Gertler, Alexis Gritchenko, Michel Kikoïne, Pinchus Kremegne, Charles Kvapil, Aristarh Lentoulov, Mané-Katz, Abraham Mintchine, Zygmund Schreter, Ben Silbert, Jean Vervisch, Lazare Volovick, Serge Mendjisky. Vous ne les connaissez pas ? Raison de plus pour découvrir ces apatrides dont le talent a enrichi notre culture. Tous les Montparnos sont maintenant à Vaugirard.
Vous y verrez aussi des collages, des céramiques, des sculptures et un petit bijou : Mlle Kiki et les Montparnos, un court métrage d’animation d’Amélie Harrault à la gloire de Kiki de Montparnasse, peintre, modèle et inspiratrice de Mendjizky, Man Ray, Foujita. Marie-Christine Orry lui prête sa voix chaude aux accents faubouriens.
C’est un émouvant voyage dans les années dites folles, un splendide témoignage d’un passé qui embellit notre patrimoine.
Musée Mendjizky
15, square de Vergennes 75015
(entrée à la hauteur du 279, rue de Vaugirard)
ouvert tous les jours de 11 h à 18 h sauf le jeudi.
www.fmep .fr
22:48 Écrit par Dadumas dans exposition, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : artistes de l'ecole de paris, exposition, film, mendjizky | Facebook | | Imprimer
21/02/2015
Les qualités d’un valet
Richard (Adrien Melin) et Sally (Alexie Ribes) attendent Tony (Xavier Lafitte) qui vient de rentrer en Angleterre après avoir passé cinq ans en Afrique. Il vient d’hériter de son père. La maison est tellement sinistre, que son ami Richard la compare à une morgue (Décor, Sophie Jacob). Mais heureusement, Tony embauche Barrett (Maxime d’Aboville)qui sait tout faire. Cuisine, ménage, décoration, tout est sous sa « responsabilité ». Une perle qui ne voulant pas payer d’impôt, se contente d’un salaire modeste ! Et les qualités du valet compensent la mollesse du maître qui s’est juste donné la peine d’hériter !
Mais très vite Sally, qui est amoureuse de Tony, entre en conflit avec ce valet. C’est d’abord, juste un malaise à propos d’un bouquet d’iris qu’il laisse dans l’entrée, puis elle se rend compte que le parfait serviteur « exploite la faiblesse » du maître. Bientôt, Tony engage, sur les recommandations de Barrett, une jeune employée de maison, Véra (Roxane Bret) afin que son valet ait moins de travail. Et quand Richard suggère à son ami de se séparer de Barrett, Tony prétend que celui-ci le « protège contre ce monde froid et brutal ». Enfin Véra, provocante, aguicheuse, voulant « être aimée comme tout le monde », se glisse dans le lit de Tony alors qu’elle roule déjà dans celui de Barrett.
Que voulez-vous qu’il advienne ? Dans cette atmosphère trouble éclairée par les lumières de Jacques Rouveyrollis, les situations ambiguës se dégradent, la lumière monte avec les tensions. Surpris dans leurs ébats sexuels, Véra et Barrett doivent quitter les lieux. Mais la trêve dure peu. Tony ne peut se passer de Barret et accepte tout. Barrett revient, avec une nouvelle fille Kelly (Roxane Bret), plus vulgaire que la précédente. Tony accepte de partager avec son valet, le lit, la table, les jeux, les mots croisés, tout…
L’auteur, Robin Maugham, noue des fils démoniaques impossibles à rompre. Peu à peu s’installent des sentiments pervers. On boit beaucoup, et le metteur en scène, Thierry Harcourt, guide avec flegme ses interprètes vers le désordre et la déchéance. Les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz évoquent la fin des années 50, la bande son de Camille Urvoy recrée une atmosphère jazzy de ces années-là. L’insouciance s’estompe dans l’inquiétude, puis le dégoût. Le trio élégant du début a disparu. L’ami dévoué, Richard, après une dernière tentative, renonce à sauver Tony de l’abime où il a choisi de s’enfoncer. « Oublie-moi », dit Tony, sourire froid, regard indifférent, impatient de rejoindre ses acolytes pour l’infernale triangularité. Il reste seul en scène comme envouté par l’appel de ses complices.
Ainsi Faust fut perdu par Méphisto, ainsi Othello fut ruiné par Iago, ainsi s’égarent les âmes faibles… On en connaît encore aujourd’hui.
Photo : © Brigitte Enguerand
The Servant de Robin Maugham
Traduction de Laurent Sillan
Mise en scène de Thierry Harcourt
Théâtre Poche-Montparnasse
Du mardi au samedi 19 h, dimanche 17 h 30
01 45 44 50 21
00:15 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Film, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, poche-montparnasse; robin maugham, thierry harcourt. | Facebook | | Imprimer
05/07/2014
Un assassin si doué…
Pierre-François Lacenaire ? Nous le connaissions grâce aux Enfants du paradis, de Marcel Carné, film dans lequel Jacques Prévert, lui prête ces propos :
- Lacenaire : Oui, j’ai réussi quelques méfaits assez retentissants, et le nom de Lacenaire a défrayé plus d’une fois la chronique judiciaire.
- Garance (ironique) : Mais c’est la gloire, Pierre-François !
- Lacenaire : Oui, ça commence. Mais à la réflexion j’aurais tout de même préféré une éclatante réussite littéraire.
À défaut de connaître le succès par ses œuvres dramatiques ou littéraires, Pierre-François fit « de sa vie une œuvre ». Dans Lacenaire, Yvon Bregeon et Franck Desmedt ressuscitent le personnage qui se disait « assassin par vocation », en s’inspirant de ses Mémoires, révélations et poésies, écrits par lui-même à la Conciergerie » et publiés dès 1836.
On sait qu’il eut de longues conversations avec François-Vincent Raspail à la Force et que le jeune républicain se passionna pour Lacenaire qui « avait déclaré la guerre à la société ». Lacenaire était poète, dramaturge, voleur et criminel.
Un assassin si doué pour le verbe, dérange et séduit. Il réclame la peine de mort, blasphème, méprise le bourgeois, vante la délinquance, ne respecte ni curé, ni père, ni mère, ni philosophe illustre, et récuse toute autorité.
Son procès fut un véritable spectacle. Après son exécution, en janvier 1836, Sa redingote bleue fut achetée comme une relique. Il a exercé une fascination étrange sur ses contemporains. Il a inspiré Gautier, Lautréamont, Stendhal, Dostoïevski, Baudelaire et plus près de nous, André Breton, René Char, Michel Foucault et Guy Debord.
Yvon Bregeon et Franck Desmedt lui redonnent la parole. Franck Desmedt, qui met aussi en scène, incarne un Lacenaire brillant et incisif. Il a le charme ambigu, le maintien élégant de la « criminelle aristocratie ». En face de lui, Frédéric Kneipp, avec un brio superbe, sera Avril, l’acolyte, qui lui, semait des constellations de fautes d’orthographe. Puis, on le retrouve en avocat, puis en procureur, et comme les auteurs ont enfin décrypté le M*** énigmatique des Mémoires, il sera …Mérimée qui promet : « Mes amis et moi ferons (tout) pour vous relever à vos propres yeux et vous faire rentrer dans la société »[1] mais se contente d’un Discours sur le vertu à l’Académie-Française. Ce discours encadre habilement les scènes à deux qui relatent les méfaits de Pierre-François et soutiennent sa dialectique.
Sur l’étroite scène, on déplace, on entasse des éléments de décor, des fûts de colonnes, blanches et noires comme chez Buren. Tout se joue en duo serré, dans une langue riche, raffinée, celle d’une France romantique et révolutionnaire, glorifiant ce « beau langage » qui était celui que Jouvet préconisait pour le Théâtre.
Lacenaire peut servir d’exemple. Et la pièce se joue tout l’été avec deux comédiens magnifiques[2].
Lacenaire, faire de sa vie une œuvre, de Yvon Bregeon et Franck Desmedt
Théâtre de la Huchette
Du mardi au samedi à 21 h
Jusqu’au 31 août
01 43 26 38 99
Photos : © Lot
Lacenaire, faire de sa vie une œuvre, de Yvon Bregeon et Franck Desmedt
Théâtre de la Huchette
01 43 26 38 99
Du mardi au samedi à 21 h
Jusqu’au 31 août
17:42 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Film, Histoire, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de la huchette, histoire | Facebook | | Imprimer