22/10/2016
Paris Prévert
On connaît l’attachement de Jacques Prévert pour Paris. Danièle Gasiglia-Laster nous invite à accompagner le poète dans Paris Prévert, un voyage érudit et charmeur dans « un beau livre » nouvellement sorti aux éditions Gallimard.
Photos, collages, fac-similés de documents d’archives, lettres (et enveloppes), mettent en perspective l’amour de Paris qu’il célébra dans ses poèmes, ses textes, les dialogues théâtraux pour le groupe Octobre, les scénarios de cinéma, les commentaires des albums photos des maîtres photographes que Paris fascinait.
Afin de ne rien perdre des itinéraires du poète, un plan de Paris répertorie les lieux où il vécut, ceux qui l’inspirèrent, et ceux qu’il réinventa. On peut donc le suivre allégrement dans ses déménagements et « sa valse des adresses ». On peut retrouver ses promenades, les lieux qui l’inspirèrent, ceux qu’il fréquentait avec ses amis.
C’est aussi l’occasion de semer les graines de la biographie en montrant, autour du jardin du Luxembourg les repères de l’enfance, où « on ne mangeait pas régulièrement, ou à crédit le plus souvent », mais où « on allait au cinéma. » Puis viennent les repaires de sa jeunesse autour du quartier Latin, de Montparnasse et de Montmartre. Quand ses amis se nomment Raymond Queneau, Yves Tanguy, Robert Desnos, Marcel Duhamel, Benjamin Péret, Pablo Picasso, Alberto Giacometti, Jacques Prévert croque la ville à belles dents.
Révolté par la misère et les injustices, iconoclaste, anarchiste, il écrit pour le groupe Octobre, « agitation et propagande », pour faire « entendre les revendications » ou soutenir le Front populaire. De la salle de la Mutualité aux cabarets, les poèmes de Prévert courent dans les chansons, rive droite et rive gauche, théâtre et cinéma…
Réformé en 1940, réfugié dans le Midi, il revient à Paris en septembre 1943, quand le tournage des Enfants du Paradis est arrêté. Le film entier est une célébration d’un, « Paris rêvé », et souvent « réinventé », comme aussi dans le ballet de Roland Petit, Le Rendez-vous, et toujours au cinéma Les Portes de la nuit.
Paris est plus qu’un décor, il inspire des poèmes qui portent le nom pittoresque de ses rues.
À la dernière adresse du poète, 6 bis, cité Véron, au pied de la butte Montmartre, la terrasse est commune avec un autre poète, Boris Vian, un rebelle, lui aussi…
Il y reçoit ses amis, connus ou anonymes, des enfants, et même un étudiant, Arnaud Laster.
Ses amis photographes en l’immortalisant devant les marchands de journaux, les commerçants, au café, magnifient aussi le Paris qui est en train de disparaître sous les convoitises des promoteurs, les programmes immobiliers et rénovateurs qui défigurent la ville qu’il a aimée.
Cependant, ce très beau voyage ne s’achève pas, puisque la dernière partie de Paris Prévert offre une petite anthologie de ses textes sur Paris.
« Il était une fois la Seine
il était une fois la vie. »
Et il était une fois Prévert, pour toujours… car « Paris est une toute petite ville pour ceux qui s’aiment, comme nous, d’un aussi grand amour ! »…
Paris Prévert
Danièle Gasiglia-Laster
Albums Beaux-livres
Gallimard,
Prix : 39 €
18:29 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, culture, Film, Histoire, humour, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, prévert | Facebook | | Imprimer
14/10/2016
Objet théâtral non identifié
Dans le genre « spectacle inclassable » Blockbuster[1] devrait remporter la palme. On le joue dans un théâtre, mais ce n’est pas une pièce. Il se déroule partie sur écran, mais ce n’est pas de la vidéo, ni du cinéma. On y joue de la musique en live comme on dit aujourd’hui, mais ce n’est pas un concert. Le « Collectif mensuel » qui l’interprète dit s’inspirer du roman de Nicola Ancion Invisibles et remuants, mais ce n’est pas de la littérature. Alors ? C'est un OTNI (objet théâtral non identifié)
Imaginez une joyeuse bande de cinq jeunes insolents : Sandrine Bergot, Quentin Halloy, Baptiste Isaia, Philippe Lecrenier et Renaud Riga. Ils ne respectent rien et surtout pas la richissime industrie du cinéma américain.
Ils ont mis bout à bout « 1400 plans séquences puisés dans 160 films hollywoodiens » (vidéo et montage Juliette Achard). Et sur scène, dans une scénographie de Claudine Maus, des éclairages de Manu Deck, ils synchronisent en direct, sur ces images, des dialogues de leur invention. Doublage des voix, bruitages et musique sont de leur cru et ces garnements court-circuitent l’ordre moral et le politiquement correct. Ils dézinguent le capitalisme et ses dérives, le lavage des cerveaux, les injustices et les crimes.
On n’a jamais fait mieux pour montrer aux spectateurs comment l’image peut être manipulée. On en rit. Mais c’est une belle et impertinente leçon ! Cependant, si on sait ce dont ils ne veulent pas, ils ne nous disent pas ce qu’ils veulent…
Le mieux pour les apprécier et les répertorier est d’y aller vous-mêmes, très vite avant que la censure ne leur tombe dessus…
Blockbuster de Nicolas Ancion avec le collectif Mensuel
Jusqu’au 15 octobre au Théâtre 71 à Malakoff
01 55 48 91 00
En tournée ensuite jusqu’en juin 2017
(en France et en Belgique)
http://www.collectifmensuel.be
[1] - « Blockbuster » nous dit le programme, signifie « qui fait exploser le quartier ».
15:35 Écrit par Dadumas dans Blog, Film, humour, Musique, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, théâtre 71, société | Facebook | | Imprimer
10/06/2016
Un talentueux touche-à-tout
Le musée Mendjinsky est consacré aux artistes des « deux écoles de Paris ». La première (1912-1939) regroupe l’ensemble des artistes étrangers, souvent d’Europe centrale, arrivés à Paris au début du XXe siècle, et qui se fixe dans le quartier de Montparnasse. La seconde (1945-1960), rassemble les artistes de tous les continents qui choisissent Paris comme lieu de formation, de création et d’exposition.
Sophie Malexis, journaliste au Monde jusqu’en 2009, a réuni les œuvres photographiques d’Émile Savitry (1903-1967) peintre, puis photographe, qui côtoya les intellectuels, peintres, écrivains, musiciens, des années 30. Le résultat de ses patientes recherches aboutit à cette remarquable exposition Émile Savitry, un peintre de Montparnasse.
Ami de Django Reinhardt, d’Aragon, de Prévert, Émile Savitry est « un talentueux touche à tout ». Ses photos, témoins des rencontres de Giacometti, Brauner, Grimault, Neruda font revivre l’atmosphère de l'Académie de la Grande Chaumière, de La Coupole, de La Rotonde, et retracent le bouillonnement culturel de ces années où l’art n’a plus de frontières.
Scène de tournage des "Portes de la nuit", film de Marcel Carné dans un décor d'Alexandre Trauner, Paris, 1946.
Photos © Émile Savitry courtesy Sophie Malexis
Grâce à Émile Savitry, les films comme Tabou de Murnau, et La Fleur de l’âge de Carné et Prévert quittent le purgatoire des films maudits. On retrouve les visages d’Arletty, Anouk Aimée, Serge Reggiani, et les petits bagnards adolescents qui inspirèrent à Prévert cette Chasse à l’enfant de tragique mémoire.
"Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île, on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant […]" (Paroles)
Si vous aimez, comme nous, le réalisme poétique, cette exposition est pour vous.
Émile Savitry, un peintre de Montparnasse.
8 juin-5 octobre
Musée Mendjisky-Ecoles de Paris
15, square Vergennes
75015 Paris
15:15 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, exposition, Film, Histoire, Littérature, Livre, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée mendjinsky, exposition photos, prévert, carné. | Facebook | | Imprimer