09/02/2014
Histoire d'arbres
Louis (Francis Perrin) et Philippe (Patrick Bentley) étaient amis depuis l’enfance. Ils ne se sont pas vus depuis douze ans, depuis que Louis a trahi leur amitié. S’il revient aujourd’hui, embarrassé et cachant son angoisse sous des plaisanteries balourdes, c’est que Philippe est victime du locked-in syndrome.
Vus ne savez pas ce que c’est ? Mais si, rappelez-vous Le Comte de Monte-Cristo[1]et M. Noirtier de Villefort « cadavre avec des yeux vivants », ou encore Thérèse Raquin[2] avec la vieille mère paralysée et muette qui épie les amants. En français on appelle ça syndrome d’enfermement ou de verrouillage. La jeune infirmière, Mathilde (Gersende Perrin) apprend à Louis que Philippe peut communiquer par des battements de paupières.
Il suffit d’épeler un alphabet « ordonnancé » : « ESARINTULOMDPCFBVHGJQZYXKW » et attendre son clignement d’yeux. Louis est loquace pour deux. Il raconte l’enfance, l’adolescence, ses amours, ses divorces, leur rivalité, et Claire, le sujet et l’objet de leur brouille. Mais Claire est morte. Louis ne le savait pas. Et Philippe va mourir, Louis le sait même s’il en refuse l’éventualité.
Louis va sur la tombe de Claire, remarque qu’un arbre lui cache la vue sur la plage qu’elle aimait. Il s’en insurge tant, que la nuit de la saint Sylvestre, il scie la branche coupable. Il apporte des photos, et prétend qu'un saule, près de la clinique, porte les noms gravés de Philippe et de Claire.
Car, Comme un arbre penché est aussi une histoire d’arbres. Louis étale et ressasse des bribes de bonheur, des cicatrices mal fermées, que grattent sans cesse les coups de téléphone de sa mère « seule mère juive qui enfonce son fils (pour) se venger (du) père ».
Il ne peut s’empêcher de marivauder avec Mathilde, mais regrette de « ne pouvoir tout reprendre à zéro », et demande pardon à Philippe. C’est l’essentiel. Ainsi, Philippe pourra partir en paix.
Francis Perrin donne profondeur et émotion à cette histoire sentimentale. Ses ruptures de jeu, son élocution, concilient l’humour et la philosophie du texte de Lilian Llyod. Gersende Perrin, ironique, fine mouche et piquante comédienne maintient la légèreté des propos sur de sujets graves. La mise en scène de Jean-Luc Tardieu est efficace et entretient intelligemment la curiosité des spectateurs.
Depuis Montaigne nous savons que « philosopher c’est apprendre à mourir ». Comme un arbre penché nous incite à vivre en cultivant l’amitié.
Photos © LOT.
Comme un arbre penché de Lilian LLyod d’après une idée de Michel Leeb
Théâtre La Bruyère
01 48 74 76 99
du mardi au samedi à 21 h
samedi à 15 h
13:35 Écrit par Dadumas dans Blog, humour, langue, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre la buyère, francis perrin, lilian llyod | Facebook | | Imprimer
23/01/2014
Pierre Charras
Il était si discret, si cultivé, si courtois que les journaux télévisés n’ont pas parlé de lui. Pierre Charras né le 19 mars 1945 à Saint-Etienne s’est éteint le 19 janvier 2014, à Bagnolet.
Il faisait des études d’anglais quand son ami stéphanois Alain Scoff, l’entraîna vers le théâtre. Il devint comédien. Ce fut l’aventure de J’ai confiance dans la justice de mon pays, prélude à beaucoup d’autres notamment avec Régis Santon et Jacques Mauclair. Il tourna aussi de nombreux films et téléfilms.
Il devint auteur et publia quinze romans, - dont la plupart au Mercure de France. Il reçut de nombreux prix dont celui des deux Magots en 1994 pour Monsieur Henri, le prix Valéry Larbaud en 2000 pour Comédien ; le prix du roman FNAC en 2003 pour Dix-neuf secondes.
Comédien et écrivain il écrit tout naturellement pour le théâtre : Dimanche prochain*, Prix CIC Paris Théâtre, Rameau le Fou, d’après Diderot, et Figure**, adapté de son Francis Bacon, le Ring de la Douleur.
Angliciste et écrivain, il a bien sûr traduit Michael Frayn, Dave Eggers, Justin Cronin, James Lasdun. Nous aimions beaucoup son talent et sa passion.
« Et tout le reste est silence » comme aurait dit son ami William...
· N°1001 de l’Avant-Scène Théâtre
· ** Avant-Scène Théâtre
16:49 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, pierre charras | Facebook | | Imprimer
21/12/2013
Un comique paradoxal
Sébastien Thiéry est un auteur heureux et un comédien qui ne rit jamais. Il affectionne les personnages grincheux, râleurs, soupçonneux qui jettent un regard circonspect et dubitatif sur ceux qui les entourent. Il est un maître du texte court, qui creuse des situations quotidiennes jusqu’à l’inquiétante étrangeté des êtres, et aboutit à une absurdité logique qui fait grincer le rire.
Jean-Louis Benoit a choisi des textes de Sans ascenseur, son premier recueil (2002), et de Dieu habite Düsseldorf son second (2004). Bruno Solo joue avec l’auteur ces rencontres insolites où deux hommes solitaires, qu’aucun signe particulier ne dénonce, peuvent finalement se révéler comme de dangereux maniaques.
Il y a de la folie dans ces deux minables, et ils sont attendrissants. Le monde dans lequel ils se débattent ne les comprend pas et la façon dont ils l’appréhendent ne les rend pas heureux. On en rit, et pourtant ils sont tragiques dans leur solitude. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes de ce théâtre.
Photo : © Brigitte Enguérand
Tilt de Sébastien Thiéry
Théâtre du Poche-Montparnasse
jusqu’au 1er mars 2014
01 45 44 50 21
www.theatredepoche-montparnasse.com
19:10 Écrit par Dadumas dans Blog, humour, langue, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de poche-montparnasse, sébastien thiéry, humour | Facebook | | Imprimer