20/05/2011
La fin d’un monde
Ses géniteurs (Isabelle Sadoyan et Michel Robin) sont à la poubelle, lui, Ham (Serge Merlin), est aveugle et Clov (Jean-Quentin Châtelain) le dos courbé, ne peut plus s’asseoir.
Vous les avez reconnus ? Les clowns tristes de Fin de partie dans le décor gris de cendre (Jacques Gabel) cher à Beckett attendent la « fin ». La fin de quoi ? Car, les êtres qui s’étiolent dans cette pièce aux hauts murs, percée non de fenêtres mais de lucarnes étroites, presque de meurtrières, vivent-ils encore ? Tout manque : la nourriture, la chaleur, les plaids, une chaise roulante, les calmants, et même les cercueils. Au dehors, « plus de nature », « plus de marées », « plus de lumière ».
C’est la fin d’un monde sans amour où la mort délivrerait de la méchanceté des hommes et de l'absence de Dieu.
Dès les premiers mots, Clov, emploie le verbe « finir ». Et quel que soit le protagoniste, ce verbe sera conjugué de manière lancinante : participe passé, passé composé, présent, futur proche, subjonctif, futur, infinitif, tous les modes y passent.
Alain Françon, le metteur en scène s’appuie sur un texte « revisité » par Beckett « au fil de ses mises en scène » alors que nous connaissons surtout la version créée par Roger Blin, à Londres en 1957. Il est d’une fidélité exemplaire à l’auteur, et ses interprètes en restituent l’humour noir, ravageur.
Pitoyable image d’une humanité sur le déclin que ces personnages hargneux et malheureux. Fin de partie oblige à méditer sur le destin de nos sociétés. Une leçon de morale nécessaire.
Photos : © Dunnara Meas
Fin de Partie de Samuel Beckett
Théâtre de la Madeleine
Jusqu’au 17 juillet
01 42 65 07 09
18:56 Écrit par Dadumas dans Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre, littérature, beckett, françon | Facebook | | Imprimer
19/05/2011
Des êtres imparfaits
Vous connaissez l’histoire. Camille (Suliane Brahim) et Perdican (Loïc Corbery) sont destinés l’un à l’autre depuis leur plus tendre enfance. Il a fini ses études. Elle sort du couvent. Le Baron (Roland Bertin) va les marier. Tout est prêt, même les dispenses (Ils sont cousins). Mais Camille parle d’entrer en religion et feint lune orgueilleuse froideur. Perdican, par dépit, joue les petits coqs, et Rosette (Suliane Brahim), l’oie blanche, est sacrifiée. La comédie marivaudienne se termine en tragédie.
Alfred de Musset bouscule les mœurs, l’éducation, la société. Son texte est sublime et nos jeunes générations s’en délectent toujours. Les humains sont restés des « êtres si imparfaits et si affreux ! »
Pour montrer son atemporalité, le metteur en scène, Yves Beaunesne fait jouer les comédiens du Français en tenue « sixties » (costumes de Jean-Daniel Vuillermoz). Rosette, jupe ceinturée passe l’aspirateur en gants de latex rose, en écoutant son transistor. Perdican porte un duffle-coat, Camille arbore le bleu marine des pensionnaires. Maître Bridaine (Pierre Vial) n’a pas encore perdu sa soutane. Et un rideau brechtien sépare l’espace.
Il a supprimé le Chœur, et répartit astucieusement les répliques entre les protagonistes. Il situe l’action dans un espace clos, une salle de billard, dont la table s’enfoncera dans le plancher pour devenir « place », « jardin » « champ » et « fontaine ». Notre attachement à la Nature si chère aux romantiques en souffre un peu, mais ne chipotons pas sur le décor. Car l’interprétation brillante des comédiens rallie tous les cœurs.
Loïc Corbery fait de son Perdican un jeune homme susceptible, mélancolique, fragile. Julie-Marie Parmentier, joue une Camille touchante dans sa volonté de répéter les leçons du couvent. Suliane Brahim en adolescente futile et indiscrète qui se cherche une place au soleil, meurt comme une tragédienne. Quant aux « vieux », empêcheurs de s’aimer en rond, Pierre Vial, Christian Blanc, Roland Bertin, et Danièle Lebrun duègne offensée, ils sont parfaits.
Au tableau final, ces bouffons devenus juges, veillent le corps de Rosette tandis qu’au premier plan, Camille dit adieu à Perdican effondré.
La scène est inoubliable…
Photo : Brigitte Enguerand
On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset
Théâtre du Vieux-Colombier
Jusqu’au 26 juin
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17:45 Écrit par Dadumas dans éducation, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, comédie-française, musset, beaunesne, loïc corbery | Facebook | | Imprimer
18/05/2011
Une mort très douce
Noëlle Châtelet avait su trouver les mots pudiques, douloureux, affectueux pour dire la mort. Une mort très douce. Celle de sa mère, qui, à quatre-vingt douze ans avait choisi de partir avec dignité avant le grand naufrage du corps et de l’esprit. C’était un récit bouleversant.
Gérald Chatelain en l’adaptant au théâtre, a su recréer l’émotion de la lecture sans aller jusqu’au pathos. Il met en scène le dialogue mère-fille avec une comédienne magnifique, Catherine Rétoré. Elle est seule sur un plateau dans lequel s’ouvrent des trappes. Et de ces bouches d’ombre montent des marionnettes, marottes à tringles manipulées par deux servants, Sylvain Blanchard et Natacha Stoyanova. Il y aura aussi des silhouettes découpées, et en fond de scène des images animées de Jean-Pierre Lescot. Et la voix de Sabine Haudepin, chaude, aux inflexions généreuses, au timbre sensible. Pas une voix de vieillarde, ni de mourante. Mais la voix d’une femme sans faiblesse qui ne transige ni avec son amour, ni avec ses principes.
La marionnette distancie, elle évacue le tragique. Une marionnette impériale, vêtue d’un manteau de brocart rouge à traîne alterne avec celle, plus prosaïque d’une grand-mère à cheveux blancs et tablier bleu, image traditionnelle des livres pour enfants. La mère de Noëlle Châtelet portait un survêtement bleu, mais si l’auteur ne s’y retrouve pas, nos mémoires archaïques la reconnaissent. Lorsque la narratrice prend une flûte traversière pour accompagner la mort de sa mère, c’est le paradis qui s’ouvre.
La dernière leçon est bien sûr un « dialogue d’amour » entre la mère et la fille, commencé dès la naissance et que la fille continue par-delà la mort. La leçon est celle de « l’apprendre à mourir » des grands philosophes, Socrate, Platon, Sénèque, Montaigne.
Une très belle réalisation.
Photo: Lot
La Dernière Leçon d'après le récit de Noëlle Châtelet
adaptation de Gérald Chatelain
Théâtre des Artistic Athévains
Jusqu’au 31 mai
01 43 56 38 32
Attention aux horaires :
Mardi à 20 h
Me et Je à 19 h
Ve et sa à 20 h 30
Sa et Di à 16 h
18:52 Écrit par Dadumas dans éducation, Littérature, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, artistic athévains, gérald chatelain, noëlle châtelet | Facebook | | Imprimer