05/03/2011
La grandeur des petits
Victor Hugo qui fut père à vingt ans, se désolait de ne pas être grand-père à soixante. Sa fille Léopoldine, morte accidentellement en 1843, avait noyé avec elle les promesses de sa grand-paternité. Enfin Charles se maria ! Enfin naquirent Georges et Jeanne, (1868 et 1869) et le poète « qu’un petit enfant rend tout à fait stupide », redécouvrit le monde, la nature, les hommes à travers le regard et le langage de ses petits-enfants. Quand Charles mourut brutalement, en 1871, il devint « Papapa », et s’occupa des chers petits avec une attention remarquable. Georges raconta plus tard, cette dévotion, et le soin que prenait le poète à éveiller leur conscience et à cultiver leur imaginaire.
Vincent Colin, en choisissant de mêler les souvenirs de Georges aux poèmes de L’Art d’être grand-père, donne un spectacle subtil qui nous console de la déshumanisation actuelle et nous donne à espérer que le lait de l’humaine tendresse n’est pas encore tari.
Au centre du plateau, des sièges à haut dossier évoquent les menuiseries que Hugo sculptait à Hauteville House, et, dans la cloison colorée, une fenêtre en hublot, permet un théâtre d’ombres et les projections des dessins du poète, qui fut aussi un « dessinateur inspiré » (scénographie de Marie Begel). Albert Delpy a taillé sa barbe blanche comme celle de Victor Hugo et Héloïse Godet donne à Jeanne sa fraîcheur. Tout de blanc vêtue (costumes de Cidalia da Costa), pieds nus, elle se meut avec grâce et naturel. Elle est l’enfance pure, simple, et affectueuse. Elle se pose au piano, joue Chopin, Albeniz, Satie, Mozart, et sourit au grand-père dont on comprend l’indulgence, mais aussi les exigences. Car, s’il réclame « l’amnistie » pour eux, s’il accepte « les conseils sacrés de l’innocence », c’est qu’il veut leur éviter toute injustice, et qu’il combat alors pour que le peuple soit écouté au lieu d’être envoyé au bagne, « au pain sec ». On a souvent reproché à Hugo ses « bons sentiments ». C’est oublier que Marivaux, déjà, disait qu’il « faut être trop bon pour l’être assez », quand il s’agit de rendre ses enfants heureux.
Aujourd’hui, nous dit-on, « l’enfant est roi ». Pourtant, afin qu’il ne devienne jamais tyran, ce grand-père, qui admirait « la grandeur des petits », donne des conseils d’éducation, qui s’avèrent toujours d’actualité. Et certains parents en auraient, paraît-il, besoin…
Photo : compagnieVincent Colin
Spectacle sélectionné pour le Festival Hugo et égaux 2011
L’Art d’être grand-père d’après Georges et Victor Hugo
Adaptation et mise en scène de Vincent Colin
Création au Centre des Bords de Marne – Le Perreux, jusqu’au 6 mars*
(débat le 3 mars après la représentation)
01 43 24 54 28
puis au Lucernaire* du 9 mars au 8 mai
(débat après la représentation du 22 mars)
01 45 44 57 34
17:22 Écrit par Dadumas dans culture, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : victor hugo, vincent colin, lucernaire | Facebook | | Imprimer
23/02/2011
Chanter Hugo
Bertrand Pierre chante en français, et ses musiques sont « rythm n’blues ». Il a choisi Victor Hugo comme parolier, et se promène en connaisseur dans les octosyllabes et même les alexandrins. Les vers s’envolent, sonores, lumineux. Un violoncelle, un batteur, un guitariste l’accompagnent, mais il pourrait chanter de sa voix chaude, avec sa seule guitare, cette poésie intimiste de l’amour.
Ses Jeanne, Sarah, et Rose, qui suscitent ses pensées coquines, sa nostalgie ou sa vigueur, forment une escorte aérienne et chatoyante.
Il dit avoir eu « le coup de foudre » pour ces œuvres et déclare « Victor c’est nous ». Vous pensez bien que nous, les amis de Victor Hugo lui sommes reconnaissants de cette confession. Fauré, Liszt, Saint-Saëns, Gounod avaient aussi mis en musique les vers du poète. Qu’un chanteur du groupe Pow Wow, aujourd’hui, leur donne une nouvelle jeunesse nous ravit. "Victor s'impose" dit-il encore. C'est évident...
Certains désapprouveront la puissance de la sono qui conviendrait mieux à une salle de concert qu’au Petit- Hébertot, mais c’est surtout la rareté du récital qui suscite les regrets. Une fois par mois ! Le prochain (et dernier) concert a lieu le 28 mars. Ne le manquez pas !
Bertrand Pierre chante Hugo
Petit Hébertot
31 janvier, 21 février, 28 mars à 21 h
01 42 91 13 84
17:13 Écrit par Dadumas dans culture, Littérature, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bertrand pierre, victor hugo | Facebook | | Imprimer
11/02/2011
Recrutement spécial
Du temps où le travail existait, les responsables de l’embauche avait à cœur de choisir le meilleur candidat. Aujourd’hui, afin de pourvoir un poste, on multiplie les entretiens afin d’éliminer, avec les pires méthodes. Celui qui reste est-il compétent ? Peut-être ! En tout cas il est cuirassé contre toutes les attaques psychologiques, et prêt à ouvrir toutes les chausse-trapes pour évincer les autres concurrents. Qu’il connaisse le marché, les dossiers, on s’en tape ! Ce qui est important c’est qu’il reste seul…
C’est avec cette méthode, dite Méthode Grönholm, du nom de la maison mère sise en Suède, que Jordi Galcerán imagine l’entretien auquel sont convoqués, ensemble, Marc (Lionel Abelanski), Pierre (Philippe Vieux), Charles (Yannis Baraban) et Julie (Marie Piton). Les personnages oscillent entre sadisme et sentimentalité, et les comédiens assument toutes les horreurs de leurs rôles. Le décor d’Olivier Post est limpide, les lumières soutiennent l’action.
Au jeu des faux-culs, tous les coups bas sont permis. Et le plus répugnant gagne ! Enfin, pas vraiment, car le dénouement se voudrait « moral ». Encore faut-il se demander si ceux qui démasquent l’hypocrite ne sont pas les plus salauds…
Mis en scène par Thierry Lavat qui signe aussi l’adaptation, quatre comédiens aguerris mettent en garde les spectateurs naïfs contre les manipulations dans les entreprises. On en apprend de belles ! Le texte est mordant, construit dans une progression qui tient en haleine jusqu’au bout.
La soirée serait excellente sans la réflexion qu’elle suscite. On se flingue tout de suite ou on fait la révolution ?
La Méthode Grönholm de Jordi Galcerán
Théâtre Tristan Bernard
Du mardi au samedi 21 h
O1 45 22 08 40
photo : © BM Palazon
10:38 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre tristan bernard | Facebook | | Imprimer