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08/03/2011

Le chœur à l’ouvrage

 

 Le Lavoir, fut, en 1986, le triomphe du Festival d’Avignon. Le théâtre de la Basoche refusa des spectateurs. La pièce tourna pendant quatre ans. Elle fut traduite dans le monde entier.

En 2010, il a fallu la ténacité d’une jeune femme, Brigitte Damiens, pour qu’une nouvelle création voie le jour.

Ce n’est pas que la pièce soit désuète. Non, mais l’impératif économique corrode la création.  Le texte est épuisé chez l’éditeur et les ventes sont trop lentes pour que de côté-là, on risque d’immobiliser des avoirs. Quant à la production, elle est lourde. Onze femmes, un homme, un enfant, et le décor ! Imaginez ! le bassin du lavoir de « 3 m sur 6 au centre de l’espace de jeu, une margelle de bois blanchie », avec de la vraie eau, à installer dans les théâtres (scénographie de Laurence Bruley qui signe aussi les costumes). Et les accessoires à récolter : le linge n’est rien, mais les lessiveuses de tôle, les garde-genoux, les battoirs, il y a belle lurette que les femmes s’en sont débarrassées ! 

Or, l’action se passe le 2 août 1914. On vient d’assassiner Jaurès…Depuis quatorze ans déjà  la journée de travail a été limitée à 10 h. Mais la loi passe mal, et de grèves en émeutes, les femmes se sont mises non seulement à réclamer, mais aussi à créer des ligues ! Les femmes de Picardie furent des pionnières, des militantes combatives. Celles qui entrent en scène en sont la mémoire.

Elles arrivent ce matin-là avec leurs corbeilles pleines de linge sale. Femmes du peuple, ouvrières, journalières, mères de famille. Il y a là la patronne, dite la Mère, Rosine (Stéphanie Labbé), la cul-bénit, un brin raciste, Henriette (Julie Bousquet) la syndicaliste un peu raide, Mathilde (Fanny Sintes) qui vient remplacer sa mère malade, Gilberte (Valerie Moinet ) l’insouciante, Emilie enceinte jusqu’aux yeux et qui traîne déjà une nombreuse progéniture, Judith l’apatride, Julienne qui sait des chansons, Rolande qui cache une grossesse non désirée et sa sœur Louise (Charlotte Buosi) encore innocente, et la « grande cérémonie de la lessive » commence. Théâtre, le Lavoir, Brigitte Damiens

Laver son linge, (ou celui des autres), implique un grand déballage. Avec les draps sales se révèlent les souvenirs pas propres. Heureusement la Mère est là pour rétablir le calme, rabibocher les adversaires. Heureusement il y a la solidarité féminine qui gomme les griefs. Heureusement il y a les chansons populaires qui donnent du cœur à l’ouvrage et transforment en un chœur magnifique cette troupe de femmes que la vie malmène.

Citons encore Micaëla Etcheverry, Bénédicte Jacquard, Marie Grach, Valérie Haltebourg, France Ducateau, Hélène Milano, et le seul homme de la troupe, Alexandre Jean, qui rythme les déplacements, souligne les émotions avec cet étrange intrument qu'est le hang, et qui vient, à la fin, annoncer que la guerre est déclarée.

Brigitte Damiens nous offre ici une réalisation exemplaire.

Au lieu d’écouter les promesses faites aux femmes depuis plus de cent ans et dont on nous a rebattu les oreilles tout au long de cette journée du 8 mars, allez donc voir les femmes du La voir. Leur combat continue !

 

 

 

 

Le Lavoir  de Dominique Durvin et Hélène Prévost

Cartoucherie : Théâtre de l’Épée de Bois

01 48 08 39 74

Du 8 au 19 mars à 19 h

Relâche les 13 et 14 mars

Et c'est complet les 11, 12 et 19 mars !

www.theatre-et-toiles.fr

07/03/2011

Petites épopées

 

L’univers de Philippe Minyana ne plaît pas à tout le monde. Ses personnages traînent une vie ordinaire dans un quotidien médiocre. Ils ne sont pas de ceux qui portent des montres superfétatoires. Quand ils ont réussi à avoir un toit sur leur tête, et un ragoût dans leur assiette, ils s’estiment presque satisfaits de leur existence.

 

Depuis 1979, Théâtre Ouvert accompagne Philippe Minyana. Aujourd’hui, après un détour par la Comédie-Française, il est aussi à l’affiche du Théâtre de la Ville, dans les murs du Théâtre des Abbesses, pour une série de cinq pièces inédites regroupées sous le titre Épopées de l’intime et qui cristallisent « ses souvenirs, ses désirs, ses rêves, ses expériences ».  

Dans Les Rêves de Margaret (jusqu’au 12 mars) nous retrouvons la fidèle Florence Giorgetti. Elle se met en scène avec Hélène Foubert, François Gauthier-Lafaye, Nicolas Maury, Emilien Tessier, Penda Traoré. Florence est « Margaret Muller,  matelassière à Malakoff ». Si elle ne peut prêter les matelas qu'on lui confie, Margaret donne des draps à plus démunis qu'elle. Les pauvres, ça partage. Elle chante ses émotions, recueille des enfants abusés, mais se laisse piéger par son vieux père.

Elizabeth Mazev, est l’auteur dans Tu devrais venir plus souvent (déjà terminé, hélas !) qui revient au pays natal pour « voir la parentèle », et parce qu’il « est des heures où il faut se réconcilier ». Ce voyage dans le temps retrouvé note les odeurs et les voix, et apaise les griefs familiaux. La comédienne, mise en scène par Monique Espina fait tant vibrer les souvenirs, que les objets lui répondent.  

Ces formes courtes, baptisées « solos », ne sont pas à l’affiche très longtemps. Il faut donc vous précipiter au Théâtre des Abbesses. Demain, commence J’ai remonté la rue et l’ai croisé des fantômes avec Laurent Chapelier, jusqu’au 12 mars, puis du 16 au 19 mars, deux autres « petites formes », De l’amour avec Laurent Chapelier encore, accompagné de Marion Lécrivain, Océane Mazas, Gaëtan Vourc’h, puis Sous les arbres avec Frédéric Maragnani.

Quels que soient les sujets, Philippe Minyana parle de nous, de notre quotidien, de nos peurs et de nos doutes. Et ses "petites épopées" sont celles que vivent les petites gens qu’on désignait naguère par cette belle périphrase : « le sel de la terre ».

 

 

 

 

Épopées de l’intime, cinq pièces inédites de Philippe Minyana

 

5 pièces inédites

Théâtre des Abbesses à 18 h 30 et  20 h 30

01 42 74 22 77

Jusqu’au 19 mars

puis jusqu'au 2 avril, à Théâtre Ouvert pour De l'amour  et Sous les arbres.

 

 

 

 

 

06/03/2011

Toutes des p… même Maman !

 

 C’est une famille moderne. Dans la grande pièce à vivre (scénographie de Damien Caille-Péret),   le père, Alban (Jacques Bonnafé), bien calé dans le long canapé, tapote sur son ordinateur portable posé sur la table basse. Un vélo d’appartement, sur le côté, laisse supposer que dans ce monde avachi, on fait quelquefois un peu d’exercice. On sonne, le fils va ouvrir. C’est la mère, Annie (Emmanuelle Devos). Elle leur a donné rendez-vous afin de leur expliquer pourquoi elle les quitte. Mari qu'elle n'aime plus assez, et enfants, Julie, pas encore dix-huit ans (Anaïs Demoustier), Adam (Alexandre Lecroc), presque vingt-cinq ans, n'ont plus besoin d'elle. Un autre homme est entré dans sa vie. Elle les a avertis par une lettre. Mais ce soir, on cause.

En une heure, toute la famille va exposer les doutes et les incertitudes du cœur qui rongent les plus belles amours et sapent les fondements bien assurés d’un couple. En une heure, on va régler les comptes et le problème. Un problème ? « Y en a pas ! » Et Arnaud Meunier le metteur en scène dirige le quatuor sans faiblir.

Ah ! Les temps ont bien changé ! Autrefois, les femmes n’abandonnaient ni mari, ni enfants pour suivre leur passion, elles savaient se sacrifier et même lorsque l’amour avait disparu, elles restaient « au foyer ». Aujourd’hui, elles obéissent à leurs « envies », à leur « désir », et  elles désertent ! Toutes des p… même Maman !

Si vous pensez que cette attitude, est « le stade terminal de l’égoïsme », c’est que vous n’avez pas su évoluer avec votre époque. François Bégaudeau parle au nom de la modernité et de l’égalité des sexes. Pas d’injustice… Les femmes ont le droit de jouir sans entrave. Le conjoint délaissé est malheureux ? Le fils désemparé ? Heureusement, la fille, sans complexe, trouve tout normal, et prépare une salade-repas pour ceux qui restent, uniquement préoccupée de son devoir de philo, « la conscience est-elle compatible avec le bonheur ? ». Et son frère le thésard n'a plus qu'à enterrer ses principes vertueux.

La conscience ? Tu parles ! Succéder à la mère, prendre sa place dans le cercle familial n’est-ce pas dans l’ordre des choses ? Le bonheur ? Peut-être s’apercevra-ton simplement de son départ au bruit de la porte que la mère referme derrière elle...

Mais non… Tout se fait sans bruit, sans larmes (ou presque), sans éclat. On sait contenir ses émotions. Et on passe à table…

Car il faut manger pour vivre.C'est ça « la question essentielle ».

 

 

Le Problème de François Bégaudeau

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 3 avril, 21 h

01 44 95 98 21

ensuite au Théâtre Marigny jusqu'au 15 mai.