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28/04/2014

À cause d'un mouchoir !

  

Quel ordure ce Iago (Nâzim Boudjenah) ! Méchant, envieux, menteur, sensuel et misogyne, il convoite le poste de Cassio (Jérôme Pouly), désire Desdémone (Elsa Lepoivre) l’adorable femme d’Othello (Bakary Sangaré),  le généralissime que  le Doge de Venise (Christian Gonon) Théâtre du Vieux-Colombier, Shakespeareenvoie à Chypre pour combattre les Turcs. Il humilie sa propre femme, Emilia (Céline Samie),  et l’oblige, sous de fallacieux prétexte, à dérober le mouchoir de Desdémone.

Quand Brabantio (Alain Lenglet) avait appris que sa fille adorée, la blonde Desdémone s’était enfuie de la demeure paternelle pour épouser Othello, il avait pensé qu’elle avait été ensorcelée. Car enfin, comment expliquer qu’elle l’ait trompé de façon si abominable » et que « bravant la nature »,  elle ait choisi un noir, repoussant les jeunes patriciens de Venise, dont Roderigo (Laurent Natrella) qui crie partout son désespoir ? Mais devant le Doge (Christian Gonon), Desdémone explique le cheminement de son amour, sa profondeur, sa sincérité. Le doge a besoin d’Othello qu’il nomme Généralissime, il l'envoie défendre Chypre contre les Turcs et le père donne sa fille, mais prévient son gendre : « Elle a trahi son père, elle pourra te trahir. »

 Iago va se charger d’exaucer la prédiction du père. Le mouchoir volé devient preuve du péché. Lequel ? Elle ne sait pas mais Iago l'invente. Il échafaude une sombre machination où Desdémone serait répudiée, Cassio occis et lui, Iago promu à la place de Cassio, voire d’Othello. Mais tout ne se passe pas comme il le souhaite. S’il réussit à rendre  Cassio suspect, si, par ses mensonges empoisonnés, il attise la jalousie d’Othello jusqu’au meurtre, Cassio ne se laisse pas assassiner. Et le méchant sera puni. Mais hélas ! Trop tard pour « la divine Desdémone » ! Trop tard pour Emilia. Reste la pauvre Bianca (Pauline Méreuze) l’amoureuse de Cassio, auquel Lodovico (Christian Gonon) concède tous les pouvoirs. Et tout ça à cause d'un mouchoir !

La tragédie de Shakespeare donne à Bakary Sangaré un rôle où il peut être à la fois puissant et faible. Ô comme avec facilité ce brillant stratège, ce chef à la carrure d’athlète, si tendre avec sa femme, se laisse manipuler par le petit Iago ! Nâzim Boudjenah le rend cauteleux, odieux, cynique. Il suinte la haine de l’étranger, le mépris de l’autre, avec un humour grinçant qui fait gronder la salle. Léonie Simaga, magnifiquement shakespearienne, met en scène ce couple antithétique en le replaçant au centre de la pièce.

 Le décor de Massimo Troncanetti est impressionnant : monumental dans le premier acte où il joue avec la perspective, il s’ouvre ensuite sur le cœur d’une forteresse où les escaliers à la Piranèse cernent l’espace. Les lumières d’Elsa Revol accentuent l’atmosphère nocturne et funeste qui encercle les protagonistes.

Le spectateur suit avec angoisse cette marche impétueuse d’un destin où les hommes se prennent pour des dieux et en meurent.

 

 

 Photo © Brigitte Enguérand

 

 

 

Othello de William Shakespeare, texte français de Norman Chaurette

Théâtre du Vieux-Colombier

Jusqu’au 1er juin

01 44 39 87 00/01

 

 

 

 

 

16/02/2014

Le retour de la féerie

 

 

Le beau Lysandre (Sébastien Poudéroux)  aime la jeune Hermia (Suliane Brahim) mais le papa d’icelle, Egée (Elliot Jennicot) veut qu’elle épouse Démétrius (Laurent Lafitte) dont Héléna (Adéline D’Hermy) est amoureuse. Le duc Thésée (Michel Vuillermoz) qui va lui-même épouser Hippolyta (Julie Sicard), la somme d’obéir à son père. Elle a une nuit pour réfléchir.

Hermia veut la mettre à profit en s’enfuyant avec Lysandre, mais ils s‘égarent dans la forêt où les rivaux les suivent, où se sont donnés rendez-vous des comédiens (Stéphane Varupenne, Jérémy Lopez, Pierre Hancisse, Benjamin Laverne, Matëj Hofmman, Gabriel Tur) , Théâtre, Comédie-Française, Shakespeareet où tout une peuple de fées et de lutins rivalise de sortilèges sous la baguette d’Obéron (Christian Hecq). Les maladresses de Puck (Louis Arène), les caprices de Titania (Martine Chevalier), les incarnations étranges, Toile d’Araignée (Lola Felouzis), Groin (Paul Mc Aleer), Fleur des pois (Heidi-Eva Clavier), Graine de Moutarde (Pauline Tricot) vont créer la confusion parmi les hommes et les déités.

Au lever du jour, et à l’heure prescrite par le Duc, tout s’arrange. La nuit n’aura été qu’un rêve - mâtiné de cauchemar par instants pour les protagonistes - : Le Songe d’une nuit d’été. C’est une comédie de Shakespeare, une des plus belles du répertoire.

Pour sa mise en scène, Muriel Mayette-Holtz rend justice à la traduction de François-Victor Hugo, délicate et malicieuse. Elle place les humains dans la salle. Le Duc s’assied au premier rang des spectateurs entouré de ses sujets. Les êtres surnaturels s’ébattent sur scène avec les fugitifs. Les costumes de Sylvie Lombart soulignent cette dichotomie, atemporels pour les humains, soyeux pour la cour, de lin brut pour les comédiens, ils se hérissent de poils et de plumes pour les créatures imaginaires. La musique originale et les chants signés Cyril Giroux délient les uns et les autres. Pas de décor construit, la scénographie de Didier Monfajon court dans la fluidité des lumières (Pascal Noël), imposant le retour d’un genre un peu oublié : la féerie.

Un spectacle total pour ceux qui rêvent de se libérer des contraintes quotidiennes.

 

 

 Photo : © Raynaud de Lage

 

Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare

Traduction de François-Victor Hugo

Comédie-Française

Salle Richelieu

En alternance jusqu’au 15 juin 2014

 

0825 10 1680

www.comedie-francaise.fr

 

 

 

 

08/12/2009

De triomphantes commères

 

       Depuis que la Cour a quitté Windsor, la vie s’est concentrée à la taverne, tenue par un Français, un certain de la Jarretière (Bakary Sangaré). Pour tromper leur ennui, les bourgeois, Monsieur Duflot (Christian Hecq) et Monsieur Lepage (Serge Bagdassarian) y ripaillent avec un pasteur gallois Messire Hughes Evans (Thierry Hancisse) et ses compères :  Bardolph ( Pierre Vial), Falot (Christian Cloarec), Docteur Caius ( Andrzej Seweryn), Robin (Benjamin Jungers). De la splendeur d’antan, il ne reste que Falstaff et ses compagnons, Filou (Christian Blanc) et Pistolet (Pierre-Louis Calixte) des soldats de fortune qui vivent de rapines.

Falstaff (Bruno Raffaelli) qui fut compagnon de débauche du jeune prince, est en disgrâce, maintenant que celui-ci est devenu le roi Henry IV. Falstaff, lui, est resté ivrogne, lâche, menteur, cupide, et plus fornicateur que jamais. Mais le jour où il décide de séduire Madame Duflot (Catherine Sauval) et Madame Lepage (Cécile Brune), il signe sa condamnation sociale. Elles n’ont pas froid aux yeux, ces bourgeoises, outrées de recevoir des propositions malhonnêtes dans deux lettres semblables ! Leurs farces mettront fin à ses turpitudes. Les commères s’en sortent triomphantes._7005042.jpg

 

Andrés Lima, le metteur en scène, donne à voir, dans Les Joyeuse Commères de Windsor, une sorte de Kermesse héroïque. Il nourrit le rire, il peint aussi la mélancolie. Il a beaucoup travaillé avec les traducteurs, Jean-Michel Déprats et Jean-Pierre Richard afin de rendre le multilinguisme des personnages. Dame Pétule (Catherine Hiegel) ne comprend rien au latin. Le médecin français et le pasteur gallois, massacrent l’anglais. Et la langue française menace l’anglais (Oui, ça a existé !). Le peuple dérape souvent, et, de barbarismes en belgicismes, anglicismes, hispanismes, néologismes, cette Babel parle une langue truculente, farcie de jeux de mots et d’inventions heureuses avec des protagonistes qui tâchent de se « compréhensionner ».

Le travail des lumières de Dominique Borrini crée l’atmosphère de la première séquence, éclairée à la chandelle. Réaliste d’abord, il évolue vers le fantastique dans la sublime séquence nocturne où la magie le dispute à la poésie. La scénographie de Béatriz San Juan alterne l’intime et le social : la demeure et la taverne, et, réalise, à la fin, une nuit de fantasmagorie où l’espace des songes rencontre les mythes anciens. Le Jeu d’Adam invitait ainsi les fées chez les bourgeois d’Arras, dans un délire nocturne où triomphe l’Amour, le vrai. Ici, celui d’Anne Lepage (Georgia Scalliet) et Fenton (Loïc Corbery), leur union laissant bien marris, les deux autres sots de prétendants : Caius, et Maigreux (Alexandre Pavloff).

            Chaque rôle est distribué avec bonheur. Que Bruno Raffaelli puisse être Falstaff est une évidence, Christian Hecq tragiquement grotesque colle au personnage de Duflot. Chez tous, et jusqu’aux petits rôles comme celui de Simplette (Céline Samie), la congruence fait merveille. Les splendides costumes de Renato Bianchi participent à cette consécration.

Et, pour que le plaisir soit parfait, Vincent Leterme a composé une musique originale sur laquelle les comédiens forment des chœurs. Voix célestes qui procurent un enchantement rare…

 

 

Photo : © Cosimo Mirco Magliocca.

 

Les Joyeuses Commères de Windsor de William Shakespeare

Traduction de Jean-Michel Déprats et Jean-Pierre Richard

Comédie-Française

Salle Richelieu

0825 10 16 80

www.comedie-francaise.fr