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13/04/2012

Affreux, bêtes et méchants.


 

La fratrie est en deuil. Elle enterre Timaman. Mais pas d’apitoiement inutile, pas de larmes. Patou (Pascale Durand), mariée à un charcutier  n’a pas le temps de pleurer, c’est « le jour du boudin », il y a affluence à la boutique. Fred (Frédérique Sayagh) shampouineuse de son état, a plus de rancœur que de chagrin. Il n’y aurait que le pauvre Dom (Dominique Ferré) pour geindre un peu, mais surtout sur son sort. Un peu débile, « pas fini », il se retrouve seul à la ferme avec les restes de Timaman dans la boite à biscuits qui lui sert d’urne funéraire.

Théâtre, LevoyerOn se souvient d’Affreux, sales et méchants, d’Ettore Scola (1976). Les personnages que Gérard Levoyer a imaginéssont « brindezingues », pas vraiment ivrognes,mais aimant bien biberonner des liqueurs fortes. Une « foutue famille » ! Les deux filles ne pensent qu’à retrouver l’argent de leur mère, et éliminer leur demi-frère, elles-mêmes étant aussi des demi-sœurs, comme en témoignent les lettres intimes de leur génitrice. Et le fils ? Il élève un scorpion, une mygale et un cobra dans un vivarium, sur le buffet de cuisine, et des souris dans la cave. Affreux, bêtes et méchants sont ces trois-là.

La mise en scène de Samy Cohen va à l’essentiel, les répliques de Gérard Levoyer lancent des traits empoisonnés.Les comédiens, visiblement, adorent jouer les ignobles.

 Du sur-mesure pour prendre le parti d’en rire.

 

 

Brindezingues de Gérard Levoyer

Théo Théâtre

Jeudi, vendredi à 21 h 15, samedi à 17 h

01 45 54 00 16

jusqu’au 5 mai

16:23 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, levoyer |  Facebook | |  Imprimer

09/03/2012

Un sale gosse


 

Victor (Thomas Durand), est un enfant « modèle », « irréprochable », terriblement intelligent », mais le jour de ses neuf ans, il va être tout simplement « terrible ». Le gamin monté en graine, va juger les adultes du haut de son mètre quatre-vingts. Il savait déjà que son père Charles Paumelle (Serge Maggiani), couchait avec la bonne, Lili (Sarah Karbasnikoff). Et la petite Esther (Anne Kaempf), enfant du couple ami, les Magneau, lui révèle qu’il est aussi l’amant de Thérèse (Valérie Dashwood), sa mère.

Elle a vu ce qu’elle ne devait pas voir, Victor va dire ce que les adultes taisent. C'est-à-dire la vérité. L’enfant « précoce » est devenu un « sale gosse » et sa parole est féroce.

La scène se passe chez des bourgeois en 1909. Ce pourrait être un vaudeville. Mais Roger Vitrac en détourne les codes. Le cocu, Antoine Magneau (Hugues Quester), n’est pas ridicule, il est fou et dans son délire revanchard, confond le traitre Bazaine et l’infidèle. Victor provoque son père, puis le général Longségur (Philippe Demarle). On l’aime bien cet enfant quand il récite du Victor de Laprade, mais quand lui et Esther rejouent la scène « du crime », c'est-à-dire l'adultère, avec les mots bêtifiants des amants coupables, quelle rage ! « Ils nous imitent, les singes ». La douce Emilie (Elodie Bouchez), hésite à comprendre son infortune, Antoine pique sa crise et les gifles pleuvent…

Car, ils ont la main leste, ces adultes hypocrites. Et qu’ils sont peu attentifs, peu tendres envers leurs enfants ! Victor, désemparé, malade, décide de mourir. Le médecin (Stéphane Krähenbühl), appelé trop tard, ne le sauvera pas. Car, avec Ida Mortemart (Laurence Roy), grande dame affligée d’une maladie vulgaire, incapable de maîtriser ses flatulences, entre en scène la grande figure de la décomposition macabre d’une société close. La mort rôde, fascinante, ravageuse.

Dans sa mise en scène, Emmanuel Demarcy-Mota, abolit le salon bourgeois. Une maison aux parois de verre occupe le centre du plateau au départ. Les murs vont s'ouvrir, s'écarter, libérer les miasmes d'un monde délétère. Dehors c'est un jardin calme en automne. Des feuilles jonchent le sol, autour d’un bassin où les protagonistes plongeront. Des arbres suspendus, étalent des branches et des racines dénudées. A moins que ce ne soit la mandragore qui pousse au pied des pendus. L’image vous poursuivra longtemps.

Demarcy-Mota aime jouer avec les matières. Le sable (dans une de ses premières mises en scène), l'eau, la terre, le végétal appartiennent à cet univers qui mêle le réel et l'onirique. Les costumes bourgeois (Corinne Baudelot), et le surréel de la scénographie (et lumières) d’Yves Collet soulignent cette ambivalence. Le dérèglement des sens commande la folie de l'espace. Les comédiens sont extraordinaires de justesse dans cette bacchanale mortifère.

C’est un grand moment de théâtre dont les adultes (que nous sommes) ne peuvent ressortir indemnes.

 

Théâtre de la Ville jusqu'au 24 mars,

01 42 74 22 77

puis à Saint-Etienne les 28, 29 et 30 mars

La Coursive de La Rochelle, les 4 et 5 avril

et en 2013, Rennes, luxembourg et Reims

  

 

 

 

17/02/2012

Faire la noce


  Quand sept auteurs contemporains écrivent sur le même sujet : « les noces », il faut au metteur en scène beaucoup d’argent et beaucoup de talent pour composer un spectacle fluide. Gil Bourasseau qui dirige l’équipe artistique de « l’Art mobile » fait des miracles avec trois francs six sous. Il est secondé par Cécile Tournesol, une autre passionnée. Ils sont très doués !

Car pour mettre bout à bout, des textes de Laurent Contamin, Benoît Szakow, Carlotta Clerici, Roland Fichet, Dominique Wittorski, Luc Tartar et Carole Thibaut, c'est multiplier par sept les difficultés. Avec pour seul décor un placard à trois faces qui change de mine, se déplace suivant les auteurs et qui peut aussi s’ouvrir au gré de leurs inspirations (scénographie de Jean-Baptiste Manessier qui s’inspire du castelet dont il est familier), un univers sonore créé par Jean-Noël Yven, le plateau nu se construit et déconstruit à vue.

Quatre comédiens endossent des rôles très différents, aidés par les costumes d’Elisabeth de Sauverzac. Sous les noms qu’on leur attribue on peut reconnaître la jeune première (Cécile Tournesol), le jeune premier (Eric Chanteleauze), la petite délurée (Anne de Rocquigny) et le complice comique (Ludovic Pinette). Ils servent avec brio des textes de factures très dissemblables.

On n’y fait guère la noce. Dans Mariages de Carlotta Clerici, on renonce au mariage prévu, mais celui qu’on annonce désespère la promise. Dans Question d’odeur, de Roland Fichet, la farce paysanne sonde les sens plutôt que les cœurs. Dans Betty c’est possible de Luc Tartar, l’amitié remplace l’amour et réconforte ceux qui ne sont pas appelés à la noce. Et dans Les Mariés de Carole Thibaut, l’émotion de l’amour vrai traverse la salle.

N’est-ce pas la meilleure récompense pour un auteur ?

 

 

Noces textes de Laurent Contamin, Benoît Szakow, Carlotta Clerici, Roland Fichet, Dominique Wittorski, Luc Tartar et Carole Thibaut

Théâtre de Belleville

Du  17 février au 8 avril

Du mardi au samedi à 21 h

Dimanche à 17 h