16/06/2008
Des preuves d’amour
Il a pendant quarante ans dirigé le Théâtre de la Ville, et la réussite a récompensé l’audace de ses projets. Poursuivant l’œuvre de Jean Mercure, et élargissant ses programmes à la vastitude des arts de la scène, Gérard Violette a donné à un théâtre parisien, vocation à l’universel
Jeudi 12 juin, les artistes qu’il a fait connaître, ses collaborateurs, ses abonnés lui disaient un merci chaleureux, en lui offrant une représentation exceptionnelle, sous la régie d’Emmanuel Demarcy-Mota, qui prendra les rênes du théâtre en janvier, mais qui, déjà, avec lui, a préparé la saison prochaine.
En ces temps d’ambitions sauvages où les changements s’opèrent souvent à l’insu du partant, il faut saluer la belle entente des deux directeurs. Pas de mutation brutale au Théâtre de la Ville, ils sont d’accord sur tout, et le plus jeune respecte l’aîné et l’assure de sa fidélité. Mieux, de son affection.
Il n’y a pas d’impôt sur la reconnaissance, mais quelle valeur ajoutée !Anna Teresa de Keersmaeker, Alain Platel, Alexandre Tharaud, Shahram Nazeri, Hariprasad Chaurasia, Pina Bausch, valeurs sûres aujourd’hui du Théâtre, de la Danse et de la Musique, étaient venus, avec Emmanuel Demarcy-Mota,sur la scène du Théâtre de la Ville, montrer et dire, avec les mots de Gérard Violette, combien ils s’inclinaient devant celui qui changea le cours de leur carrière.
Gérard Violette aime « les petites phrases », il aura sûrement pensé à celle de Cocteau : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ».
Nous aussi lui disons merci.
14:15 Écrit par Dadumas dans Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Musique, théâtre | Facebook | | Imprimer
14/06/2008
La victoire de Waterloo
Il aime le risque Francis Huster ! A l’heure où une partie de la France bloque son petit écran et ses neurones pour le foot, Francis entre en scène pour nous raconter le 18 juin 1815 : Waterloo !
Et c’est une victoire : les spectateurs sont au rendez-vous. C’est qu’ils le connaissent bien ! Qu’ils ont confiance en lui. Ils connaissent son amour des grands textes, des sentiments sacrés, des causes qui élèvent l’âme.
Pourquoi Hugo ? Par fidélité à Jean-Louis Barrault qui le lui avait conseillé. Pourquoi Waterloo ? Parce qu’il s’agit autant d’analyser les causes de la défaite napoléonienne que de réfléchir aux géniales intuitions de Victor Hugo imaginant depuis 1841 « les États-Unis d’Europe et la fraternité des hommes », en racontant les erreurs d’un chef de guerre qui conduisit son armée au massacre, et sa patrie à la capitulation.
Huster ne nous dira pas « morne plaine » ! Il ajuste intelligemment le livre premier de la deuxième partie (Cosette) des Misérables à des extraits des Châtiments. Prose et vers s’épaulent et se complètent. Francis Huster connaît les grands textes et sait voir dans le roman hugolien l'égal des grandes œuvres de la littérature russe. Hugo, c’est notre Tolstoï, notre Dostoïevski. Ses grandes analyses, ses combats politiques et moraux éclairent les siècles.
Pas d’autre décor qu’un piano ouvert sur une partition « symphonie de mots », et des drapeaux européens plantés en faisceaux. Le geste est sobre, la tenue modeste, la voix bien timbrée. Il faut une diction parfaite pour oser détailler la topographie de la bataille, de l'Auberge de la Belle Alliance à chaque village du plateau de Mons, peser minutieusement chaque action de chaque général, jusqu’à la déroute où « s’évanouit ce bruit qui fut la Grande Armée » et où . Napoléon devient l’« immense somnambule de ce rêve écroulé ». Quand le poète se tait, la musique de Beethoven monte et des bribes de phrases tourbillonnent : paroles de chefs d’Etats, de journalistes, de témoins de cette grande idée : l’Europe ! Pas celle des marchés, mais celle des idées. Pas celle où « le trône et l’autel fraternisent », mais celle de la liberté.
Aucun cinéaste adaptant Les Misérables n’arrête sa caméra à Waterloo. Le lecteur pressé de savoir d’où vient l’enseigne de Thénardier tourne trop vite les pages pour retrouver les héros romanesques. Francis Huster sait y voir la leçon d’Histoire, la leçon d’humanité du poète. Tous deux ont une mission : « élever un peuple », quand tant de petits chefs s’ingénient à l’abêtir.
Merci, Francis Huster.
Waterloo
De Victor Hugo, adaptation de Francis Huster.
Théâtre de la Gaîté-Montparnasse
à 19 h 30
01 43 22 16 18
19:35 Écrit par Dadumas dans Histoire, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, littérature, histoire | Facebook | | Imprimer
Weber en Gustave
Gustave (Jacques Weber) est malheureux, sa Louise vient de rompre et le renvoie, hautaine, à ses amours vénales. Il vit seul dans sa province, comme un Alceste qui aurait fini par quitter Célimène. Et comme le personnage favori de Jacques Weber, Cyrano, il s’attaque à tous les géants de la Bêtise.
Il explose de fureur contre Paris, l’Académie, une « institution pourrie », les faux poètes «qui prennent « leur pot de chambre pour un océan », les hypocrites qui ont « peur du social », les bourgeois, les censeurs, la démocratie, la France « affolée d’un esprit si foncièrement médiocre » (Louis-Napoléon Bonaparte), l’empire qui « exile le poète et emprisonne son lecteur », les femmes qui « ne comprennent rien à la prostitution », les honneurs qui « déshonorent ».
Gustave Flaubert est un ouragan à lui tout seul. Et Jacques Weber, dans son pantalon de velours noir, reprend aujourd’hui le rôle de cet écrivain qui lui rsssemble et qu’il avait déjà incarné dans Gustave et Eugène.
"Librement inspiré de la correspondance de Flaubert", le nouveau texte d'Arnaud Bédouet donne une partenaire à Gustave. Face à une servante apeurée mais solide (Magali Rozenzweig), il est tonitruant et fragile. Ces Sacré nom de Dieu ! répondent aux coups de tonnerre qui secouent la maison, et aux vicissitudes qui l’accablent.
Orage dans l’orage, Jacques Weber en Gustave est un parfait démiurge.
Sacré nom de Dieu ! d’Arnaud Bédouet
Théâtre de la Gaîté-Montparnasse
01 43 22 16 18
A 21 h 30
17:55 Écrit par Dadumas dans Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, théâtre | Facebook | | Imprimer