12/09/2008
Les frères Wright
Kitty Hawk est une plage de Caroline du Nord (façade atlantique), « elle s’étend sur plus de cent kilomètres » elle est « plate et dépourvue d’arbres », et mesure plus d’un kilomètre de large, les vents y sont « réguliers », et c’est pour ces raisons que Katharine Wright (Rosalie Symon) l’a choisie afin que ses frères puissent y effectuer leurs essais de vol.
Vous ne connaissez pas les frères Wright ? Orville Wright (Pascal Ivancic qui ressemble à son modèle d'une manière surprenante) et Wilbur Wright (Philippe Ivancic), deux fous de genie qui « donnèrent des ailes à l’humanité ». C’était en décembre 1903.
Georges Dupuis dans Le Vol de Kitty Hawk retrace leur treize ans de recherches, leur cheminement laborieux dans la petite ville de Dayton (Ohio), leur méthode scrupuleuse. Il ne néglige aucun détail pour montrer leur courage face à l’incrédulité qu’ils rencontrent. Malgré la concurrence, malgré le déni des autorités scientifiques américaines, inlassablement, ils reprennent leurs calculs et se remettent à l’ouvrage, sûrs de parvenir à faire décoller cette machine « plus lourde que l’air ». Pour montrer leur obstination, l'auteur présente leurs alliés : leur sœur d’abord, leur père, Milton Wright (Jean Hache ) qui finance, leur voisine Madame Brighton (Firmine Richard) qui les encourage.
Plus ambigus sont les rôles d’Hélène Delavande (Valérie Karsenti) qui espionne au profit de la concurrence, et celui du scientifique Octave Chanute (Laurent Benoit) dont les théories sont mises à mal.
La pièce est menée rondement, sans temps mort, et rend hommage à ces deux précurseurs oubliés. Quelque chose de la passion des Wright passe dans les comédiens.
Yves Pignot, qui met en scène, utilise un dispositif scénique efficace qui avait déjà fait le succès de Rutaba Swing (Décors : Jacques Voizot). Les costumes d’Emily Beer, discrètement Belle Époque, ne manque pas de charme.
Savez-vous que Wilbur vint en France, en 1908, faire voler son Wright près du Mans ?
Ah ! Vous avez appris quelque chose !... Vous vous souvenez ? « Instruire et plaire »...
Le Vol de Kitty Hawk
de Georges Dupuis
Théâtre 13,
www.theatre13.com
Réservations : 01 45 88 62 22
15:20 Écrit par Dadumas dans éducation, Histoire, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : éducation, histoire, théâtre | Facebook | | Imprimer
L’amour qui n’ose pas dire son nom
Perthus, sa nouvelle pièce est une œuvre de maturité. Avec une sensibilité rare, une écriture parfaite, il reprend des thèmes chers à Wedekind et, les renouvelant, donne à ses adolescents une universalité actuelle.
Paul (Jonathan Drillet) est un littéraire, il admire Jean-Louis (Robin Causse), un nouvel élève brillant qui surpasse tous ses condisciples, surtout en mathématiques. On a souvent besoin d’admirer avant d’aimer. Jean-Louis devient son héros, - comme dans L’Ami retrouvé de Fred Ulhman. Leur complicité s’établit d’abord par le biais d’une fiche de lecture à rédiger sur La Princesse de Clèves. Ce roman n’est-il pas celui qui initie les amants aux codes secrets de la passion, à la défiance du regard des autres, à la maîtrise de soi ?
Les autres ici, ce sont les parents, et toute la petite bourgeoisie provinciale à l’esprit étroit du Perthus (Pyrénées orientales). Nous n’en verrons que deux modèles : les deux mères. Irène (Jean-Paul Muel), mère de Paul et Marianne (Alain Marcel), mère de Jean-Louis. Toutes deux, « mères parfaites », prêtes à tous les sacrifices, elles acceptent l’infidélité de leur mari par dévotion à leur fils. Jean-Louis et Paul vivent une relation d’amitié qui pourrait basculer vers l’amour. Nous savons bien que la tentation du fruit défendu appartient à l'humanité entière. Marianne craint que Jean-Louis ne devienne homosexuel. Elle le pousse à consommer des filles. Et, pour rester le fils chéri, Jean-Louis obéit à Maman. Un jour, il est accusé de viol. La belle amitié vole en éclats. Paul ne s’en remettra jamais tout à fait.
Gilbert Désveaux a choisi la sobriété pour sa mise en scène. Le fond de scène est pâle maculé de bleu, coulures d’orage ou taches d’encre, des jaspures mordent l’horizon. Des estrades de bois forment un podium sur la scène. Quatre chaises de bois à l’armature tubulaire constituent les seuls éléments de décor, elles sont surdimensionnées, aussi hautes que les hommes qui les déplacent. D’abord alignées, les unes derrière les autres, deux changent d’orientation, se font face pour une conversation amicale. Puis on en range trois, et leurs sièges forment un châlit supérieur, le piétement, la couchette inférieure. À la fin, il n’y aura plus de sièges, juste la surface lisse des tombes alignées sur lesquelles Paul et Jean-Louis viennent se recueillir le jour des Morts.
Le temps passe et l’amitié ne résiste pas. Paul et Jean-Louis n’ont plus rien en commun. Seul demeure l’amour des mères qui, elles, ont su trouver le chemin de l’amitié, à travers le soin qu’elles ont eu pour leur fils. Vient alors tout naturellement pour Marianne la comparaison avec Marie, la mère de Jésus. La relecture de l’Évangile par Jean-Marie Besset atteint la cocasserie d’un Dario Fo.
Que Gilbert Désveaux et Jean-Marie Besset aient confié le rôle des mères à des hommes est à la fois explicite de la relation exclusive qu’elles entretiennent avec leur fils, et embarrassante, car comment trouver à Marianne le « sex-appeal » que lui attribue son fils ? Mais comme les deux jeunes gens semblent encore plus fragilisés par ces mères dévorantes, c’est sans doute ce que souhaitait l’auteur…
Photos Brigitte Enguerand
Perthus de jean-Marie Besset
Théâtre du Rond-Point
01 44 95 98 21
Salle Tardieu, 21 h
09:55 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
05/09/2008
Être ou ne pas être…marié
Le mariage ne réussit pas à tout le monde. Ainsi, depuis que François (Stéphane Cottin) a épousé Valérie (Isabelle Cotte), il est harcelé par sa jalousie. Mais Serge (Éric Savin) qui n’a plus ni femme, ni boulot, croit encore aux valeurs sûres. Pourtant, quand il s’agit de séduire une femme libre, Gwendoline (Lysiane Meis), qui prétend préférer les « mecs mariés » aux célibataires, il remet vite fait l’alliance qu’il avait eu pourtant tant de mal à enlever, et dont Cyril (José Paul) voulait s’emparer afin d’appâter Élise (Caroline Maillard).
Un premier mensonge en entraîne un autre, depuis Feydeau le principe de la cascade est bien connu, et Xavier Daugreilh n’est pas un débutant. Avec Sans mentir il trousse avec art une comédie de moeurs raffinée, légère et pétillante où l’on retrouve les thèmes d’Accalmies passagères, et de Futur conditionnel. On reconnaît ses couples maladroits, avec des hommes un peu paumés devant l’attitude des femmes volontaires, lesquellles s’obstinent sur une idée, même si les événements leur donnent tort.
Ainsi, avec une lucidité et une tendresse singulières, dit-il la vérité sur la fragilité des amours, l’aveuglement des intéressés, la difficulté d’être sincère en amour, la quasi impossibilité d’accorder l’être et le paraître et la souffrance de ne pas être aimé de qui on aime.
José Paul et Stéphane Cottin jouent aussi les metteurs en scène. Ils ont su trouver le rythme qui convient aux rebondissements de l’intrigue. Les décors de Sophie Jacob coulissent sur un plateau surélevé que cerne un espace déambulatoire et les bascules de lumières de Laurent Béal permettent de changer rapidement de lieux. Les déplacements sont réglés de mains de maître.
Pas de temps mort, une souplesse dans l’enchaînement, et des acteurs qui jouent juste, une histoire bien menée, une fin heureuse et, somme toute très morale, souhaitons donc pour cette rentrée théâtrale, beaucoup de pièces de cette tenue.
Sans mentir, bien entendu.
Sans mentir de Xavier Daugreilh
01 45 22 08 40
Texte publié à L"oeil du Prince, 12 €
11:35 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer