14/09/2015
La mémoire habite au 887
Depuis qu’au festival des Francophonies en Limousin, Monique Blin nous avait fait découvrir La Trilogie des dragons, Robert Lepage est resté notre Québécois favori en matière de Théâtre. Chacune de ses venues en France est un événement majeur.
Il est aujourd’hui encore pour quelques jours à Paris, et il annonce une tournée internationale avec son nouvel opus : Ex Machina 887.
887 ? Ce n’est pas un code. Rien que le numéro de l’immeuble où il a passé son enfance et sa jeunesse. Là, il reconstitue sa géographie et la topographie cristallise les éléments de ses souvenirs. Il connaît chaque étage, chaque appartement, chaque membre des familles qui y habitent.
Pour Robert Lepage, la mémoire habite au 887.
Sur scène il est seul, Robert Lepage auteur et metteur en scène, est aussi comédien. Il est également le maître de la technologie, il la domine et ne l’emploie qu’à bon escient, se gardant de toute illustration redondante. Les objets lui obéissent, et lui, magicien poète et conteur livre au spectateur une histoire certainement autobiographique, mais dans laquelle le spectateur perçoit, par instants l’écho de sa propre mémoire.
La maquette de l’immeuble s’éclaire, les personnages s’agitent, les musiquent soulignent la temporalité. Un geste et la façade s’ouvre, mais on ne pénétrera pas dans l’immeuble. Nous voici sur l’avenue Montcalm, près des plaines d’Abraham, puis dans l’appartement où, devenu celui que l’on connaît depuis plus de trente, il attend un comédien. Les images s’enchaînent, fluides comme dans un rêve. Elles se relient, nous ligotent aux événements oubliés, ou ressuscitent des émotions enracinées dans l’humus de nos vies.
Pourtant, Lepage joue continuellement sur les ruptures, intérieur/extérieur, présent/passé.
Qu’est-ce qui nous émeut ? Le regard qu’il porte sur son père admirable de dévouement, dur au travail, tendre avec les siens, mais si pudique qu’il se cache pour pleurer. La manière dont il lui rend hommage, ainsi qu’à tous les siens. Qu’est-ce qui nous rattache à lui ? Ses sentiments filiaux, ses quelques phrases sur la visite d’un De Gaulle provocateur, la stupidité d’un flic, l’histoire d’un drapeau. Tout probablement.
Et cette façon aussi de nous montrer le travail de la mémoire. Le comédien est requis pour la « Nuit de la poésie ». Il doit y dire un texte fondateur : Speak White que Michèle Lalonde écrivit en 1968 et qu’il ne parvient pas à mémoriser. Rassurez-vous, il nous embarque avec lui dès les premiers mots d’un texte sublime qui fait exploser la salle…
Une pièce en solitaire est toujours une gageure. Et pas un spectateur ne décroche un instant pendant plus de deux heures de spectacle. Superbe !
Ex Machina 887 de et par Robert Lepage
Jusqu’au 17 septembre
Théâtre de la Ville/Festival d’automne
Reprise à Québec et à Montréal en 2016
00:04 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, festival d'automne, francophonie, robert lepage | Facebook | | Imprimer
11/09/2015
Chers voisins
Le théâtre de Michel Vinaver parle des rapports humains. Il met en perspective l’intimité des familles et les crises sociales au sein des entreprises. Il mêle le réalisme quotidien de la nourriture, des questions sociales, et des mythes très anciens, comme dans Les Voisins, celui de l’or maudit.Il projette sur le ici et maintenant de la pièce, les vicissitudes du passé des personnages et les éléments de l’avenir.
Dans cette pièce écrite en 1984, et créée en 1986, deux familles affrontent une existence plus chaotique qu’il n’y paraît et qui ressemble à celle des familles de 2015 que la crise menace.
Blason (Patrick Catalifo), a élevé seul sa fille Alice (Alice Berger). Sa femme est morte dans un accident de voiture. Il travaille dans une compagnie d’assurance. Son voisin, Laheu (Lionel Abelanski), employé à l’Universel Biscuit a un fils Ulysse (Loïc Mobihan). Plus d’épouse de ce côté-là non plus. La femme de Laheu a abandonné le foyer. Une terrasse joint les deux maisons, et les deux familles s’y retrouvent. On y discute nourriture et boissons, rivalités au sein des entreprises, salaires, travail et avenir puisque les deux enfants s’aiment et veulent vivre ensemble.
Blason préférerait qu’ils aillent un peu « vers d’autres pour être sûrs de ne pas se tromper. » Mais les jeunes gens ont des souvenirs, des émotions, des projets communs. Et les pères aussi. Blason thésaurise pour l’avenir sous forme de lingots, Laheu n’a pas d’économie, mais beaucoup de cordes à son arc. Alice vient d’obtenir de l’avancement, Ulysse commence à se faire une clientèle.
Mais voilà que la maison de Blason est cambriolée. Qui connaissait la cachette des lingots ? Qui en a parlé ? Les soupçons s’insinuent, fermentent. Les accusations surgissent, les présomptions deviennent accablantes. Un cinquième personnage, invisible, une certaine Daphné, patronne d’Ulysse envenime et détruit les liens des « voisins ». Blason accuse ses chers voisins de « candeur » et Laheu échafaude un passé délictueux à Blason.
La situation dramatique pourrait virer à la tragédie. Mais Michel Vinaver ne laisse jamais au spectateur le temps de s’émouvoir. Il l’oblige à se questionner sous l’apparent discontinu des séquences. Il le contraint à relier les événements, à combler les ellipses temporelles. « Il n’y a pas de hasard » pour ses personnages. Blason et Laheu pourraient s’entretuer, Ulysse et Alice devenir Roméo et Juliette.
Il n’en est rien. Dans l’univers de Michel Vinaver les humains reconnaissent que l’or est maudit, qu’ils peuvent eux-mêmes trouver une solution à leurs problèmes, et inverser le cours des destins.
Marc Paquien, qui met en scène, restitue fidèlement l’atmosphère de cette amitié. Il souligne la tension et la désillusion par un horizon noir constant (Lumières Pierre Gaillardot). La terrasse se déconstruit, s’anéantit (scénographie de Gérard Didier et Ophélie Mettais-Cartier) mais les personnages restent debout. Fragilité des choses contre solidité de l’homme qui semble tout perdre mais se reconstruit sans cesse. Les comédiens interprètent cette opposition avec virtuosité.
© : D. R.
Les Voisins de Michel Vinaver
Mise en scène de Marc Paquien
Depuis le 4 septembre.
Théâtre de Poche
01 45 44 50 21
du mardi au samedi 21 h, dimanche 15 h
16:17 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de poche-montparnasse, michel vinaver, marc paquien | Facebook | | Imprimer
08/09/2015
Reprise
Si vous ne l'aviez pas vu à la Pépinière pour sa carte blanche, François Morel revient pour vous.
vous allez pouvoir voir, et pour certains revoir : Hyacinthe et Rose, une histoire pleine de poésie et d'émotion. Un hommage à l'enfance, et aux grands-parents aimants et généreux, même quand ils ne possèdent pas grand chose.
Un amour délicat, un humour tendre, une leçon de vie, pour tous.
Théâtre de l'Atelier, à 19 h
01 46 06 49 24
photo: © Manuelle Toussaint
11:15 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, éducation, humour, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, françois morel, théâtre de l'atelier, poésies, humour, tendresse | Facebook | | Imprimer