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26/01/2009

Résister

Il faut une sacrée dose d’humour pour faire rire de son pays miné par le chômage, les interdits religieux, la corruption. Dans Tous les Algériens sont des mécaniciens ce n’est plus seulement Fellag, qui rit des misères quotidiennes. Il s’est donné une partenaire, Shéhérazade (Marianne Épin), femme algérienne entre toutes les femmes, qui se débrouille, comme lui, pour survivre quotidiennement dans un pays, où l’eau courante est rationnée, le travail rare, les objets manufacturés introuvables.

Quand «  le neuf n’existe pas », les plus ingénieux bricolent des pièces « provisoires » qui peuvent durer « trois ans ». Leurs histoires sont celles de tout un peuple qui pour résister, reconstruit une « fraternité originelle » autour… des voitures à réparer. Chacun se montre inventif et compétent. D’ailleurs, lui ne reconnaît le parent ou le voisin dont on lui parle que lorsque Shéhérazade lui dit « à quelle voiture il appartient ».

Trois rangées de draps accrochés construisent le décor. Le soleil les baigne. Le couple loge dans « un bidonville trois étoiles », et leur entente les a préservés des méchants. Il n’exprime nulle acrimonie contre les Français restés « centre trente-deux ans » en Algérie et qui n’ont « même pas appris à dire au revoir ». Il considère maintenant les Chinois, « peuple discipliné, docile », en « étrangers étranges ». Et Prévert n’est pas loin… Fellag et Marianne Épin, époustouflants de naturel, conversent ensemble et avec le public. La salle rit par houles généreuses.

Le spectacle s’émaille d’anecdotes, de réflexions politiques, historiques et même philosophiques.

Leurs rêves s’effondrent, la vie ne les a pas gâtés, mais il reste la vie. Et, tel Zorba le Grec, Fellag danse sur les décombres…

 

 

 

 

 

Fellag

Jusqu’au 28 février

Théâtre du Rond-Point, 18 h 30

01 44 95 98 21

 

10:25 Écrit par Dadumas dans humour, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, humour, fellag |  Facebook | |  Imprimer

24/01/2009

Carmen pour rire

 Avez-vous déjà assisté à une répétition de Carmen ? Non ? Le metteur en scène l’interdit. Le chef d’orchestre ne veut pas. La diva n’autorise personne dans la salle. Eh oui ! l’Opéra se méfie des amateurs… Mais vous avez une chance inouïe avec Ô Carmen, Olivier Martin-Salvan, accompagné d’Aurélien Richard au piano, vous révèle tout, du cheminement de la création et des incidents de parcours. Vous allez suivre chaque interprète, chaque musicien, chaque technicien, depuis les auditions, jusqu’à la phrase finale.

Avec Anne Reulet-Simon comme dramaturge, Nicolas Vial a dirigé un comédien Protée et un musicien orchestre. Et quelle activité ! Sur le plateau nu : le piano, un banc et un tabouret ! Et pourtant Olivier Martin-Salvan ouvre toutes les portes : « cric », dit-il à la manière de Philippe Caubère. Et sa verve vous promène de la loge du concierge à la grande scène, des coulisses aux loges, des trappes à l’atelier de costume, de l’opéra aux différents domiciles des interprètes. Et je ne parle pas du décor imaginé par le génial metteur en scène, qui transforme Séville en fête foraine, les contrebandiers en forains, les cigarières en fabricantes de barbe à papa, et les taureaux en chevaux de bois… Escamillo proteste, les autres se soumettent. Don José tombe du mur d’escalade et laisse la place à sa doublure qui errait dans les sous-sols du bâtiment. Escamillo impose son tempo au chef d’orchestre.

Cette revue cocasse n’épargne ni les revendications des techniciens qui crient : « grève ! », ni les lois syndicales : « deux heures et demie pour les enfants », ni les doutes des artistes, ni les certitudes du maestro. Olivier Martin-Salvan allie le sens de l’observation à un esprit critique sans amertume, et, de plus, il chante. Toutes les voix : Michaëla, Carmen,  Don José, la Garde montante, Escamillo, ils sont tous sur la scène ! Même la critique spécialisée. Le piano, sous les doigts d’Aurélien Richard, roule dans les graves, s’égaille dans la légèreté, suggère des intensités. Carmen revisitée n'est plus un drame, mais une chronique pour rire.

Cet opéra appelé modestement « clownesque » est un miracle de burlesque…

Ne le manquez pas.

 

 

 

Ô Carmen

Théâtre du Rond-Point à 18 h 30

Jusqu’au 28 février

01 44 95 98 21

21:39 Écrit par Dadumas dans culture, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, opéra, carmen |  Facebook | |  Imprimer

22/01/2009

Dieu habite Hébertot

 

On nous avait dit, il y a trois ans : « Dieu habite Düsseldorf ». C’était sans doute provisoire, car depuis huit jours, Il apparaît tous les soirs sur la scène du Théâtre Hébertot. Oh ! Il n’a rien du Père Éternel des images saint-sulpiciennes. Mais tout de même, Il produit des miracles… Et, en temps de crise, quand on ne sait plus à quel saint se vouer, il vaut mieux s’adresser directement au chef, n’est-ce pas ?

Figurez-vous un certain Alain Kraft (Patrick Chesnais), enrichi dans l’immobilier, et qui se présente dans son agence bancaire pour retirer cinq cents euros. Il est pressé, un guichetier renfrogné (Sébatien Thiéry) le fait attendre.

Du vécu ! Rien d’anormal.

Mais peu à peu l’atmosphère devient pesante. Il apprend que la banque n’est plus française, que la direction est aux Indes, et soumise aux lois indiennes. « C’est New Delhi qui débloque la porte ! »

Vous avez sans doute entendu parler de telles cessions. Vous en riez, mais de peur d’en pleurer bientôt…

Une secrétaire zélée (Josiane Stoléru) lui demande ce qu’il compte faire de ces cinq cents euros, refuse d’accéder à sa demande, et la porte d’entrée reste obstinément verrouillée. Son compte est bloqué, un interrogatoire commence, suivi d’incarcération provisoire. De quoi est-il coupable ?

Ses parents étaient ouvriers, il est devenu commerçant : il a changé de caste. Il va être condamné pour cette trahison. Il se dit que « c’est un cauchemar ». Il se demande si ce guichetier « existe vraiment », s’il existe lui-même. « Vous existez, puisque vous avez peur », lui répond le guichetier qui porte le même prénom que lui. Kraft tente de le soudoyer.

Mais que peut demander ce petit employé, enfermé le jour dans l’agence, et qui dort dans le sous-sol, parce que se loger où il veut, c’est « trop cher », et où il peut « c’est trop triste » ? À force de résignation, il est devenu « insensible », et ce qu’il souhaite c’est « un câlin », « un p'tit bisou », être aimé, quoi ! Pour se sentir vivre ! Même chanson chez la secrétaire, en plus direct : « Tu m’sautes, j’te laisse sortir »…

Kraft est incapable de les satisfaire. Il doit se résoudre à attendre l’arrivée de sa mère (Anna Gaylor) laquelle semble accepter l’incongru de la situation. Elle ne s’étonne de rien la maman poule qui rassure son grand gaillard éperdu d’angoisse ! Et, comme au vu des résultats de l’enquête, le « ratio de réussite » de ce dernier est de 64, 3 %, ou il partage « ce qu’il a pris aux autres », ou il demeure prisonnier…

Le sketch délirant, inclus dans Dieu habite Düsseldorf, est devenu Cochons d’Inde, une des meilleures comédies de la rentrée. L’auteur, Sébastien Thiéry qui excellait dans la pièce courte, réussit une longueur de belle envergure. Sous la direction d’Anne Bourgeois, assistée de Sonia Sariel, les personnages prennent vie dans le décor clair, très vériste, de Stéfanie Jarre, et les lumières crues de Gaëlle de Malglaive. Les comédiens sont parfaits dans cet univers à la fois fantastique, absurde et réaliste. Les répliques fusent, hilarantes, mais désespérées. Cet homme, pris au piège d’une mondialisation démente, ne nous ressemblerait-il pas ?

Et Dieu dans tout ça ? Il (Partha Majumder) arrive à son heure, souriant et efficace.

Vous allez L'adorer !

 

 

 

 

Cochons d’Inde de Sébastien Thiéry

Théâtre Hébertot

01 43 87 23 23

Du mardi au samedi à 21 h

Matinées le samedi à 18 h

Dimanche à 16 h