27/03/2009
Un émouvant reflet
Olivia (Amélie Abrieu) était une jeune fille hardie et sans préjugé. Elle avait aimé un rapin bohème, cubiste, cynique et misogyne. Elle découvrit que la peinture pouvait être figurative, et rémunératrice avec Jean Damiane, un peintre très en vogue. Elle voulut devenir « le centre radieux de la vie de ce peintre-là ». Il l’épousa. Elle lui fit des enfants. Il peignit d’elle un portrait qu’elle détestait. Elle ne se reconnaissait pas dans La Jeune Fille à son miroir, figure narcissique exécrable qu’elle pensa même détruire.
Jean aimait peindre les femmes.
Elle devint son agent.
Pendant des années, elle organisa les expositions, négociant les pourcentages : « mon Jeannot a beaucoup vendu », s’occupant de l’intendance, des relations, évitant au créateur « vagues de manipulations et ressacs de mauvais coups » et déception de voir ses enfants « dans la meute contre le père. »
Mais un jour qu’elle s’était montrée trop critique, le génie, lassé, la quitta sans un mot, ne lui laissant qu’un compte en banque bien garni. Ce qui n’est déjà pas si mal, bien des femmes plaquées vous le diront.
« Insondable le mystère d’un homme », qui pendant trente-cinq ans ne donne plus signe de vie, mais qui lègue toutes ses toiles à son épouse ! C’est cette Olivia-là (Bérengère Dautun) qui parle ce soir à la télévision, pour interpeller ses enfants, rendre hommage au peintre démodé, au mari qui était parti chercher la paix au Congo, et qui, parmi les portraits des femmes noires, refit de mémoire, le portrait d’une blanche qu’il ne pouvait oublier.
On connaît la Jeune Fille au miroir, le tableau du Titien avec cette Vénitienne sensuelle qui possède tous les canons de la beauté de l’époque. Cette image a aussi inspiré les romanciers*. Aujourd’hui, Alan Rossett en fait une jolie comédie, où la jeune fille impatiente s’efface devant la femme, toujours belle, toujours caustique qui défie les modes et le temps. Dans le décor de Catherine Parmentier, les toiles du maître occupent la moitié de l’espace. La coiffeuse d’Olivia illumine le côté cour. L’auteur peint avec humour les deux visages du même personnage, et les deux comédiennes en donnent un émouvant reflet.
* La Jeune Fille au Miroir, Claude Vela 1949,
La Jeune fille au miroir vert, Elizabeth McGregor, 2005
La Jeune Fille à son miroir d’Alan Rossett
Studio Théâtre 77
09 52 44 06 57
www.lestudio77.com
16:19 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, alan rossett, bérangère dautun | Facebook | | Imprimer
25/03/2009
Une robe de silence
C’était un couple de taiseux. Irène (Valérie Gabriel) ne parlait jamais du suicide de ses parents. Paul (Fabrice Moussy) pour obéir à sa mère, Olga (Anna Strelva), avait enterré la boîte à souvenirs de son père sous les rosiers. Mais un jour, les secrets sont trop lourds. A force de tarauder les mémoires, elles brisent les âmes. Irène n’a plus goût à la vie, et malgré les conseils de son amie psychanalyste, Édith (Léa Wiazemsky), plus rien ne l’intéresse, même pas sa fille, Agnès (Andréa Brusque), adolescente joyeuse et aimante.
C’était un couple sans histoires, qui s’aimait… Puis un jour, Paul achète une petite robe blanche, pour une petite fille de six ans. Impulsivement, sans motif apparent. En dissimulant l’achat à Irène et se murant, comme elle, dans un « infranchissable et obstiné silence ».
Dans L’Intervention de Victor Hugo, une petite robe blanche d’enfant sauvait Marcinelle et Edmond, le couple qui se déchirait. Ici, faute d’explications, la machine à tragédie se déclenche et tout finit très mal… La robe de silence est mortifère.
Frédéric Andrau met en scène l’intime avec logique. Il a construit l’espace scénique du couple en plan incliné dont la surface grise est élastique (scénographie : Goury). Le fond de scène est noir et fonctionne comme un promenoir, un « ailleurs » qui contrôle l’espace central. Les lumières d’Ivan Mathis cernent les personnages. Les comédiens évoluent avec souplesse entre passé et présent, fantasme et réalité. Ils ne trichent pas, le décor se plie à leurs confidences, ou à leurs cachotteries.
C’est un très beau travail.
La Petite Robe de Paul de Philippe Grimbert
d'après son roman.
Maison des métallos
01 47 00 25 20
Jusqu’au 29 mars
13:43 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, grimbert | Facebook | | Imprimer
24/03/2009
Filtrages
La censure n'existe pas. Tout le monde le sait. Mais afin de préserver la Toile des salissures que quelques grossiers personnages ne manqueraient pas d’y inscrire, les « webmasters », ont inventé les filtrages.
Encore faut-il que le logiciel soit bien programmé ! Car Ô lamentable machine ! Voici la sélection à laquelle elle m’a initiée.
Comme je m’étonnais de ce que ma note "Choeur de femmes", publiée dimanche 15 mars, n'apparaisse pas dans le référencement des tags "théâtre", alors que celle du 17 mars y était immédiatement référencée, on me répondit, le 21 : « Votre article a été automatiquement filtré car il contient le terme "nique" ».
Je reste interloquée. Je n’emploie « Nique » que dans le mot « Pique-Nique ». Je retourne à ma note. Je cherche. Et je trouve : « leurs silhouettes dansent un ballet ironique » !
Ciel ! quelle obscénité !
Que serait-ce si j’avais employé « conspuer », « conspirer », « habiter », ou « cucurbitacés » ?