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05/06/2017

Tristes noces

 

 

IThéâtre, théâtre du Lucernaire, Sonia Nemirovskyl était une fois une mariée (Sonia Nemirovsky) que ses amis (Gregory Vouland, Jean-Loïc François entouraient tendrement car elle avait bien du chagrin. Son marié (Olivier Kuhn), un marin volage lui avait préféré une belle sirène (Pauline Lacombe[1]). Et la rengaine « Faut pas pleurer comme ça » sur laquelle ils s’efforcent de la faire danser ne jugule pas son chagrin. La table est mise, la pièce montée entamée, les ballons dansent, le champagne pétille, les rubans roses ondulent, mais « l’amour n’en a plus pour longtemps ». Il s’agit de ne pas couler dans le chagrin, de rester à la surface, de flotter. Les « flottants » vont essayer de convaincre le marin de revenir, mais « il a pris sa valise et il a tout tassé » et il est parti, l’infidèle… Tristes noces !

Elle attend qu’il revienne…et « tout le monde l’attend ». Mais apparaît une autre femme. Elle chante, elle est vêtue d’une robe semblable à celle de la mariée, mais plus longue, plus brillante. La garce ! Et c’est avec elle que le marin reste.

La mise en scène de Bertrand Degrémont donne à ce conte mélancolique, l’atmosphère d’un film de Carné. Les personnages y sont généreux, solidaires et tendres devant la malheureuse mariée. Mais l’amour n’a jamais connu de loi et ses « rêves de midinette » se dispersent, à la dérive…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Flottants de Sonia Nemirovsky

Mise en scène Bertrand Degrémont

Théâtre du Lucernaire

0145 44 57 34

Du mardi au samedi à 21 h

 

 

[1] - Ou Émilie Piponnier ou Suzanne Marrot.

04/06/2017

La liberté en chemin

 

 

Nous connaissions Charlotte Rondelez comédienne, auteure, metteure en scène, aujourd’hui, elle ajoute une corde à son arc : la magie ! Tous ses talents sont conjugués dans un délicieux spectacle intitulé Cabaret Liberté.Théâtre, théâtre de poche-montparnasse, poésie, chansons.

Avec la complicité de Vadim Sher au piano, et en connivence avec Cécile Espérin, Sylvain Katan, Pierre Val, Charlotte Rondelez fait revivre quelques anarchistes au grand coeur et aux idées larges: Boris Vian, Jacques Higelin, Octave Mirbeau, Jacques Prévert, Georges Brassens, Voltaire, André Breton, Raymond Devos, Jacques Brel, Kurt Weill, et nous fait découvrir Leonid Derbenev, Henri Roorda, Maurice Carême, Vladimir Vissotsky.

Elle revisite le numéro de « la femme coupée en morceaux », transforme de petits bouts de papier en feuille au format A3, aspire des idées noires pour les rendre blanches, et nous sort d’un état mélancolique exécrable.

Regard moqueur mais toujours bienveillant, Cabaret Liberté serpente entre les utopies et les protestations, sur les chemins de l’évasion, et peut-être,
de la liberté retrouvée.

 

 

 

Cabaret Liberté de Charlotte Rondelez

Jusqu’au 13 juillet

Théâtre de Poche-Montparnasse

01 45 44 50 21

Mercredi, jeudi à 20 h 30

22/05/2017

La chambre miraculeuse

 

 

Dans son rêve de théâtre universel, Ariane Mnouchkine a toujours aimé mêler l’actualité aux œuvres du patrimoine occidental et aux traditions de l’Asie. En créant les très grecques Atrides (1990), elle nous avait initiés au kathakali. Plus tard, les danses tibétaines s’entrelaçaient aux scènes de commedia dell’arte dans Et soudain des nuits d’éveil (1997). Depuis le début de la saison le Théâtre du Soleil joue à guichets fermés (ou presque) une Chambre en Inde qui, comme une nouvelle Indiade théâtrale brasse tous les thèmes qui nous sont sensibles et dont elle sait si bien parler.

« Nous sommes en Inde », donc. théâtre,théâtre du soleil,ariane mnouchkine,mahabharata,terukkuttu,lear
Et dans une chambre où une jeune femme, Cornélia (Hélène Cinque) dort. Pas pour longtemps, car la sonnerie insistante d’un téléphone va la sortir de son sommeil. C’est le maître, le directeur de la troupe de théâtre un certain M. Lear. Il renonce à sa mission sous prétexte qu’il a rêvé qu’il était « une petite vache blanche », qu’il a « perdu (ses) pouvoirs magiques », et de ce fait, il lui demande de prendre « les clés du bateau ».

Tâche démesurée pour celle qui n’était qu’assistante. Elle voudrait bien avoir une liste d’auteurs, mais les machines électroniques, sournoises, ne crachent que des bribes. Elle aimerait qu’on la soutienne, mais les comédiens (Martial Jacques, Samir Abdull Jabbar Saed, Maurice Durozier, Sébastien Brottet-Michel, Judit Jancsé, Sylvain Jailloux, Eve Doc Bruce) et particulièrement Cassandre (Shaghayegh Beheshti), qu’elle croyait son amie, jugent sa promotion imméritée, car « elle n’a jamais été capable de produire un seul geste artistique. » Et pourtant, la troupe doit produire un spectacle !

Et voici que survient la police (Omid Rawendah, Shafiq Kohi), Monsieur Lear a été retrouvé "totalement nu" sur le dos de la statue sacrée du Mahatma Gandhi ! Il a déchiré son passeport, et prétend être japonais… Tel le vieil Hidetora du Ran de Kurosawa, il vient confirmer ces accusations. Nicolas Carré, le représentant de l’Alliance française (Sylvain Jailloux) est menacé de mutation par l’inspecteur Dallègre (Duccio Bellugi-Vanuccini), et toute la maisonnée (Nirupama Nityanandan, Augustin Letelier, Taher Baig, Wazhama Tota Khil,Vijayan Panikkaveettil, Farid Gul Ahmad, Andrea Marchant, Aref Bahunar), réveillée par ces arrivées intempestives, ajoute du chaos au désordre. Cornélia ne retrouvera plus un sommeil paisible.

théâtre,théâtre du soleil,ariane mnouchkine,mahabharata,terukkuttu,learLes singes du Mahabharata font irruption, les personnages du Terrukuttu s’installent, se sauvent, reviennent. Cornélia tente de s’en inspirer tandis que le peuple de la petite ville intervient, que les comédiens cherchent leur personnage et que les fanatiques religieux de tous bords essaient de prendre le pouvoir. Hommes de main, talibans, maharajah, mafieux, « tous les démons de la création » semblent s’être donné rendez-vous dans cette nuit infernale semblable à celle de Walpurgis.

Cependant, les maîtres veillent. Shakespeare (Maurice Durozier) avec son page (Dominique Jambert), renonce aux errances et à la tragédie du Roi Lear, et à celle de Macbeth. Il conseille la comédie : « se moquer des méchants » ! D’ailleurs, dit-il « Molière savait faire ça ». Ce sera aussi l’opinion de Tchekhov, venu avec  Irina, Macha, Olga, les trois sœurs, mettre un peu d’ordre dans la chambre, entre deux scènes du Mahabharata.

Ariane Mnouchkine joue avec les codes du conte fantastique, du cinéma et du théâtre. Elle dit l’hostilité des tutelles, l’angoisse des créateurs, la dépréciation des valeurs qui donnaient aux hommes un sens à leur vie. Elle dénonce les faux prophètes, les vrais méchants, et ne renonce jamais à l’espoir.

Car « il ne faut pas que ça finisse » par la soumission et la mort.

théâtre,théâtre du soleil,ariane mnouchkine,mahabharata,terukkuttu,learLes masques colorés, les coffres sculptés, les étoffes flamboyantes, les grelots, les danses et les chœurs servent des mythes universels, et parmi ces Indiens, princes et peuple, ces occidentaux qui doutent, s’avance celui qui apporte les paroles de fraternité, un petit homme brun, timide et étonné de revenir parmi les siens : Charlot, sorti du Dictateur pour unir tous les hommes…

Ils sont plus de trente sur scène à harmoniser les cultures dans cette grande fresque. Un miracle dont le Théâtre du Soleil est le démiurge.

 

Une chambre en Inde

Une création collective du Théâtre du Soleil

Dirigé par Ariane Mnouchkine

Avec la musique de Jean-Jacques Lemêtre

En harmonie avec Hélène Cixous

À la Cartoucherie de Vincennes

01 43 74 24 08

Printemps des comédiens à Montpellier

http://www.printempsdescomediens.com

30, 31 mai, et du 3 au 10 juin