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16/05/2017

Un soldat d'infortune

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Les ruses du diable sont innombrables et Joseph le soldat permissionnaire n’aurait pas dû accepter la proposition de ce chasseur de papillons rencontré sur sa route. Échanger son violon contre un livre magique, le suivre pendant trois jours, sous prétexte de lui apprendre à jouer, moyennant le vivre et le couvert, était-ce bien raisonnable ? Ne savait-il pas que l’on ne doit jamais dîner avec le diable, même avec une longue cuillère ? Et que pour le beau Pécopin, parti chasser une nuit avec le diable, la nuit avait duré cent ans ?

Ces mythes fantastiques inspirèrent Histoire du soldat à Charles Ferdinand Ramuz et Igor Stravinsky, un « ballet opéra de chambre », qui emprunte au mime, à la danse et à des rythmes populaires, comme le tango et le jazz.

La mise en scène de Stéphan Druet fait de Histoire du soldat une pièce brechtienne qui mêle le théâtre, la musique, et le cirque, avec pour toile de fond, une peinture de Laurence Bost et des lumières de Christelle Toussine. Les sept musiciens de l’orchestre-atelier Ostinato portent l’uniforme, culotte garance et capotes bleu horizon, calots ou képis (Costumes : Michel Dussarrat). Ils entrent sur scène derrière leur chef, comme à la parade et s’y installent, à la fois instrumentistes, témoins et acteurs du récit. Le conteur (Claude Aufaure) installé à une petite table, à cour, écrit et dit l’histoire du naïf Joseph (Fabien Wolfrom),  l'heureux soldat qui « rentre chez lui » et que les agissements  du diable vont transformer en soldat d'infortune.

Quand le diable apparaît (Licinio Da Silva), fine moustache et œil de velours, on le reconnaît : il est vêtu de rouge ! On voudrait bien comme à Guignol, lui crier : « Sauve-toi ! Attention ! », Mais nous ne sommes plus des enfants…

Et pourtant, texte et musique s’accordent si bien, que la magie opère et que, pris par le récit, nous accédons sans peine à cet univers faustien où le fantastique abolit le temps et l’espace.

Tristesse, le soldat ne retrouve plus les siens ! Joie, il triomphe du diable et récupère son violon ! Miracle, il guérit la Princesse (Aurélie Loussouarn) qui danse (Chorégraphie Sébastan Galeota) et l’épouse !

Mais, - il y a toujours des « mais » dans les contes -, le diable veille… et, la tentation est trop forte de vouloir accéder au désir de la Princesse, sa bien aimée, qui veut connaître le pays d’où il vient. On ne peut pas garder « ce qu’on est et ce qu’on était ». Et ce regard en arrière qui avait perdu Orphée, dépossède à jamais le soldat que le diable entraîne…

Le spectacle vous enchantera. C’est un moment de grâce… divine ou diabolique ? Mon âme panthéiste ne tranchera pas. À vous de décider…

 

  

 

Histoire du soldat de Ramuz et Stravinsky

Direction musicale Jean-Luc Tingaud

Chefs d’orchestre Olivier Desjours et Loïc Olivier

Théâtre de Poche-Montparnasse

0145 44 50 21

du mardi au samedi à 21 h

dimanche à 15 h

www.theatredepoche-montparnasse.com

 

 

 

 

 

 

03/05/2017

Un phare mystérieux

 

 

  

 

Théâtre, opéra, musique, théâtre de l'athénéeDepuis ce jour de 1900 où l’équipage du ravitailleur Hesperus trouva vide le phare des îles Flannan, la disparition de ses trois gardiens a suscité beaucoup d’enquêtes et de romans. Nous connaissions le roman de Peter May Les Disparus du phare, nous venons de découvrir « l’opéra de chambre » de Peter Maxwell Davies qui s’en inspire, le compositeur anglais ayant signé la musique et le livret.

L’œuvre, créée en en 1980 vient d’être reprise par l’ensemble instrumental Ars Nova, sous la direction musicale de Philippe Nahon. De même que l’auteur entrelace réalisme et fantastique dans le livret, sa musique mêle subtilement les musiques traditionnelles celtes (gigue, chant d’amour, psaumes liturgiques) et la musique atonale.

La mise en scène Alain Patiès utilise une scénographie (Laure Satgé, Valentine de Garidel) à la fois symbolique et naturaliste dans laquelle évoluent les trois protagonistes. Entre le prologue où les marins portent témoignage devant la barre d’un tribunal, et la reconstitution du drame, les changements se font à vue avec une fluidité harmonieuse (costumes Gabrielle Tromelin) servie par les éclairages de Jean-Didier Tiberghien.

Les voix sont superbes. Christophe Crapez (ténor) joue l’homme pondéré, Paul-Alexandre Dubois (baryton) compose un personnage énigmatique, Nathanaël Kahn (basse) est inquiétant. Ils racontent les tensions entre les hommes, leurs craintes, leurs fantasmes, et leur ambivalence.

The Lighthouse n’est resté qu’une petite semaine à l’Athénée. Souhaitons qu’il continue de tourner …

 

 

 

The Lighthouse de Peter Maxwell Davies

Mise en scène Alain Patiès

Direction musicale de Philippe Nahon

Théâtre de l’Athénée du 21 au 28 avril

 

 

Programme de l’Athénée

http://www.athenee-theatre.com

 

La Trilogie des éléments textes de Yannis Ritsos

En juin

Dracula musique de Pierre Henry d’après Richard Wagner

02/05/2017

Stabat Filius

 

 

théâtre,j. c. grumberg,histoire,charles tordjman,bruno putzuluC’est un bon fils (Bruno Putzulu). Sa mère (Catherine Hiegel) perd la tête, mais il vient souvent la voir dans cette maison spécialisée où il a dû la placer. Elle ne le reconnaît pas toujours, mais elle en dit du bien. Elle le confond parfois avec le Directeur de l’établissement (Philippe Fretun), lequel essaie de gérer au mieux les conflits entre ses pensionnaires qui sont pour lui  « une énigme ».

En six temps, qui commencent tous par : « Votre Maman », Jean-Claude Grumberg raconte le cheminement de la vieille dame vers la sénilité et la mort. C’est tragique, mais l’auteur excelle dans la dérision et l’humour se glisse dans les situations les plus pathétiques.théâtre,j. c. grumberg,histoire,charles tordjman,bruno putzulu

Ceux qui ont vécu les obstinations absurdes des vieillards, leurs reniements cocasses, leurs colères puériles, leurs attitudes belliqueuses savent combien toute explication est inutile. Catherine Hiegel en vieillarde vindicative, passe de la mine renfrognée au sourire enfantin et nous déchire le cœur. Elle est bouleversante de naturel, engoncée dans son manteau beige suranné (costumes de Cidalia Da Costa). Face à elle, Bruno Putzulu, en fils crucifié de chagrin et de doutes est sublime. Et Philippe Fretun compose un directeur plus stupide que méchant, dépassé sans doute par des problèmes que personne ne sait encore résoudre. Charles Tordjman les met en scène avec une grande pudeur, dans une scénographie simple, rythmée par les lumières de Christian Pinaud.

théâtre,j. c. grumberg,histoire,charles tordjman,bruno putzuluCependant si Votre Maman est une pièce impressionnante, c’est que Jean-Claude Grumberg ne peint pas seulement le chemin de croix d’un fils et la progression inexorable d’un mal qui détruit les neurones. Cette vieille dame, qui ne sait plus qui est son enfant, revit le moment où elle a perdu sa mère. C’était un temps cruel de haine, de clandestinité, d’arrestations et de marches forcées. Le temps de Votre maman s’inscrit dans l’Histoire. Les persécutés gardent la mémoire de leurs peurs et des êtres chers dont on les a séparés. La mémoire ancienne est la dernière à s’effacer. Elle lui sera fatale.

Et nous, que ferons-nous « quand la dernière survivante » nous aura quittés ? Qui croirons-nous quand personne ne pourra plus témoigner et que la banalisation du Mal aura conquis les esprits ?

Et, d’ailleurs pourquoi parler au futur ? N’avons-nous pas atteint déjà ce stade ?

Avant de désespérer des hommes, allez voir Votre Maman, et continuez à agir pour que demain ne soit pas un cauchemar.

 

 

Photos © Ch. Vootz

Votre Maman de Jean-Claude Grumberg

Mise en scène de Charles Tordjman

Théâtre de l’Atelier

01 46 06 49 24

Depuis le 19 avril

Du mardi au samedi à 19h

(Exceptionnellement vendredi 16 et samedi 17 juin à 18h30)

En matinée le dimanche à 16h 

(Relâche exceptionnelle le 23-29 avril, 7 mai, 13-14-15-21 juin)