24/06/2011
Du bonheur pour tous les spectateurs.
Eva Slongo est au violon et Clarisse Catarino à l’accordéon. C’est Clarisse qui a composé les musiques et qui entre en scène la première. Elle donne le la en quelque sorte… La contrebasse entre en scène, c’est Anne Gouraud-Shrestha qui complète le « Djazz’Elles », un groupe qui mêle les musiques manouches, tziganes, au jazz, au tango, au rock, et fait de la musique contemporaine une mixité ouverte à tous les chants du monde. Jupes longues à fleurs, châles frangés, couleurs pétantes, elles ont tout des « romanichelles » (costumes d’Anne Ruault). Et d’ailleurs, les trois individus en costume noir qui les interpellent ne se gênent pas pour les menacer du centre de rétention, suspectant le public d’être complice et de violer la nouvelle loi qui fait de tout métèque un criminel potentiel, et de celui qui les fréquente un délinquant…
Oui, vous avez compris que ce spectacle, Au bonheur des hommes, n’est pas politiquement consensuel. On y parle franc des nouvelles législations. On ne fraternise pas avec ceux qui glorifient « l’identité nationale », et leur sang « bleu, blanc, rouge », opposant à la rime « Français de souche » et « gens louches ». Nous entrons avec le trio de comédiens chanteurs dans un cabaret satirique où « tout va mal dans le pire des mondes », un univers pitoyable où « plus vous aurez peur/ Plus vous ferez de parfaits électeurs ».
Jean-Marie Lecoq qui a écrit les textes, joue chante et danse. Il n’en est pas à son premier spectacle musical, il a reçu en 1991 un molière pour Christophe Colomb, il a travaillé avec Jean-Luc Tardieu, Jean-Paul Farré, Francis Perrin , Jacques Échantillon, Jacques Livchine, des maîtres de l’insolence théâtrale. Véronique Ataly, a appris l’audace de Gildas Bourdet et François Rancillac et Christian Gaïtch qui chanta avec « les Bouchons », fréquenta Jérôme Savary. Alors, vous pensez comme on tire à vue sur les tics et les T. O. C. de notre époque !
Les slogans imbéciles, les euphémismes, les clichés passent à la moulinette. Les comptines enfantines sont revisitées, les jeux télévisés subvertis, le vocabulaire perverti, les humanitaires raillés, et les hypocrites n’ont plus qu’à décamper…
Au bonheur des hommes donne du bonheur à tous les spectateurs dans une scénographie de Philippe Guillet dont les lumières et les pénombres dessinent des tableaux étonnants.
En août le joyeux sextuor s’installe au Lucernaire. Sa mision ? Remonter le moral à tous ceux qui n’ont pas pu partir en vacances, ou qui les auront terminées. Non seulement il devrait être reconnu d’utilité publique, mais le prix de la place devrait être remboursé par la sécu. Finie la déprime ! Retrouvez la combativité. Même en prenant en compte le ticket modérateur, les caisses seraient gagnantes ! Et « C’est vous qu’il faut sauver » !
Photo : © Serge Dangleterre
Au bonheur des hommes
Cabaret satirique et musical
Théâtre du Lucernaire
01 45 44 57 34
Du 3 août au 9 octobre
Du mardi au samedi à 21 h 30
16:28 Écrit par Dadumas dans cabaret, humour, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lucernaire, jean-marie lecoq, christian gaïtch, véronique ataly, clarisse catarino | Facebook | | Imprimer
29/04/2011
Drôle de monde !
Quand Adam de la Halle, dans Le Jeu de la Feuillée, passait en revue les bourgeois, les croquants, et les fées de sa bonne ville d’Arras, son poète désargenté était-il aussi sceptique que le Frantz-Anatole Chambon de la Vérouillère (Pierre-Olivier Mornas), descendant de Musset et clochardisé dans la rue de la Nef ? Sans doute Frantz est-il plus proche du Gringoire de Hugo dans Notre-Dame de Paris, que de Perdican ou Fantasio, mais ce protagoniste solitaire face à un monde chaotique s’inscrit dans la lignée romantique que révère Stéphanie Tesson. Et, comme ses grands modèles, elle s’inspire des formes médiévales pour peindre cette « fresque prophétique ». La référence à la Nef des fous de Jérôme Bosch est évidente. Celle de la « feuillée », pour la « folie », la corrobore. Car il s’agit de peindre notre époque à travers les folies qui la défigurent.
Au cours de la « nuit du Tout est dit », le coucher de Frantz-Anatole va être troublé par l’arrivée d’une intruse, Nella Mérine (Julie Debazac) vedette du petit écran. Elle pense que tout le monde la connaît. Frantz n’en a jamais entendu parler. Elle a cassé un de ses talons, elle s’est égarée dans cette rue déserte et voudrait qu’on la raccompagne. Et, comme à travers le « jeu » médiéval, les contemporains vont défiler, jouer avec les situations, les formes et les mots. En prose ou en octosyllabes fleuris, il s’agira de passer du coq-à-l’âne, faire surgir le fantastique du langage comme dans un conte - commenté par Todorov -, et se moquer des faiblesses humaines, comme dans une « revue ». Poésie et humour tissent les liens scéniques.
Les comédiens de la troupe de Stéphanie Tesson jonglent avec les rôles. Brock commence par être l'allégorie fantaisiste de la Rumeur, puis reparaît en « Acteur-Phoque », car à l’heure où la banquise fond, le pauvre mammifère se recycle. Il sera aussi un banquier sans scrupule flanqué de la Pauvreté (Fabienne Fiette) récupérée en impatiente Mrs Dowjones. La même comédienne interprétera une Mort un peu braque, puis une Sculpture moderne, face à une sculpture classique, la Beauté (Émilie Chevrillon) qui est d’abord une Fleur, puis une Dame sans sa Licorne.
Inversion des valeurs, jeu carnavalesque- aurait dit Bakhtine -, la sarabande ne laisse pas le spectateur respirer. Drôle de monde où les temporalités se pénètrent, le monde actuel investissant le temps des mythes !
Pablo Peñamaria est tour à tour un Jésus extatique, un terroriste dément, un professeur dépassé. Viennent en désordre « Les compères de la pollution », les « protestataires », les « Traînards », les « Vieillards », et « le Temps », qui ne fait « que passer ». La scène foisonne de personnages, la revue fourmille d’idées, d’inventions linguistiques et scéniques.
MagueriteTanguy des Déserts, a conçu un décor simple de panneaux lisses, mordorés, et des structures complexes dans les accessoires, Corinne s’est surpassée dans les costumes et Anne Caramagnol dans les maquillages.
« Après la nuit du « tout est dit », viendra « la journée des sourds », Il faut donc se hâter de tout dire, et dans leur précipitation, les personnages n’apportent pas de solution aux problèmes qu’ils ont eux-mêmes suscités par leurs inconséquences.
Stéphanie Tesson ne juge pas, elle met en images et en mots les travers des humains, mais aussi leurs rêves. Au spectateur d’être intelligent pour assembler le puzzle et essayer de remettre en ordre le monde imparfait dans lequel il s’est perdu. Comment quitter cette rue de la Nef ? Comment sortir d'une impasse ?
Dans son précédent spectacle, Stéphanie Tesson nous parlait de la Mort. Aujourd’hui, elle la met « au chômage », avec une injonction : « aimez ! », et elle crée « le temps de l’immortalité ».
Le spectacle est déraisonnable ? Mais croyez-vous que notre époque ne le soit pas ?
Photos : © Lot
Revue d’un monde en vrac (Qu’est-ce qui va se passer ?)
Fresque prophétique de Stéphanie Tesson, mise en scène de l’auteur.
Jusqu’au 5 juin
Théâtre 13
01 45 88 62 22
Le texte de la pièce est publié aux éditions Les Cygnes
17:22 Écrit par Dadumas dans cabaret, humour, Jeux, Poésie, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer
01/04/2011
Ultime récital
En décembre 1987, alors qu’il répétait Une visite inopportune, Copi mourut du sida. Et pourtant rien de lugubre dans cette pièce qui nargue la camarde. Plutôt une provocation énorme, comme un rite de carnaval pour exorciser la douleur, braver les hommes et leurs préjugés, et défier Dieu une dernière fois.
Cyrille (Michel Fau) est un artiste. Il est atteint du sida. Il va fêter son anniversaire dans sa chambre d’hôpital. Le professeur Vertudeau (Louis Arène) pour célébrer ses deux ans de traitements lui annonce qu’il est « un miracle de la science », qu’il s’est « survécu d’au moins six mois ». La chambre est réaliste, dans la scénographie d’Audrey Vuong. Mais dès l’entrée de l’Infirmière (Sissi Duparc), plantureuse, court vêtue et vociférante, plus de réalisme possible. Plus de morale non plus. La bienséance peut se voiler la face ! Hubert (Éric Guého), l’ami fidèle s’annonce-t-il ? « Dites-lui que je suis déjà mort ! » ordonne Cyrille. Tous les excès sont permis. Mais lui, n’est pas importun. Habitué aux caprices de Cyrille il en est le complice, le double. il en est autrement du jeune Journaliste (Lionel Lingelser), et surtout de la cantatrice Regina Morti (Marianne James), dont personne, ne peut se débarrasser. Regina Morti (traduisez Reine de la Mort), sorte de Castafiore vêtue (costumes d’Aurore Popineau) et perruquée de façon extravagante est indestructible. Lobotomisée, rejetée, assassinée, la diva se relève et chante. Comme au théâtre…
Car seul l’univers théâtral intéressait Copi. Le metteur en scène Philippe Calvario l’a bien compris. Et le requiem auquel nous assistons tient du grotesque autant que du surréalisme. Lumières de Bertrand Couderc, son d’Éric Neveux et Jean-Pierre Ensuque soulignent les effets parodiques. Pour son ultime récital, Copi ne respecte rien et ose tout.
Une visite inopportune de Copi
Théâtre de l’Athénée
Jusqu’au 9 avril, à 20 h
01 53 05 19 19
22:14 Écrit par Dadumas dans cabaret, Littérature, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, copi, philippe calvario, michel fau, théâtre de l'athénée | Facebook | | Imprimer