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04/04/2014

La faute à qui ?

 

 

Théâtre, littérature, Poche-Montparnasse, Voltaire, Rousseau, cultureEn 1991 Jean-Jacques Prévand s’était taillé un beau succès avec Voltaire Rousseau, la rencontre, en 1765, d’un Voltaire triomphant (Jean-Paul Farré) et d’un Rousseau amer (Jean-Luc Moreau).

La pièce est reprise, avec les mêmes comédiens, au Poche-Montparnasse. Le texte a peu changé, le décor de Charlie Mangel a été simplifié, 
les lumières de Jacques Rouveyrollis l’enrichissent toujours.

Voltaire vient d’obtenir la réhabilitation de Calas, il s’est installé à Ferney, « chambres en France et potager en Suisse », et depuis sept ans il transforme non seulement sa propriété, mais également le village. Il en est devenu une sorte de patriarche bienfaiteur. Rousseau vient d’être chassé de son refuge en Suisse et, à pied, comme un vagabond, quitte Bienne pour gagner l’Angleterre par Bâle, Strasbourg, Châlons-en-Champagne, Épernay, Paris avant de s’exiler.

Passe-t-il par Ferney ? C’est peu probable. théâtre,littérature,poche-montparnasse,voltaire,rousseauCependant, tout ce qu'ils disent a bien été réellement pensé et écrit. Et quelle délectation de voir et d’entendre ces deux hommes si différents dans leurs conceptions, mais dont les œuvres ont préparé la réflexion des révolutionnaires de 1789 et les fameuses accusations des réactionnaires : « C’est la faute à Voltaire ! C’est la faute à Rousseau ! »

Voltaire est anticlérical, voire athée. Pour Rousseau, Dieu existe. L’un est porté par « la reconnaissance de ses concitoyens, l’autre est banni, incompris, et se dit persécuté. L’un est habillé de lin écru et de soie, l’autre vêtu d’oripeaux couleur terre. L’un est affable, sarcastique, l’autre triste et aigri.

Jean-Paul Farré jubile, Jean-Luc Moreau désespère. La faute à qui ?

Que le spectateur juge ! Il découvre, dans leur affrontement tout ce qui génère les tensions de nos sociétés : fanatisme religieux, intolérance, ignorance, violence, richesse et pauvreté, culture et nature. Éternel combat ! 

Il peut aussi, y trouver et c’est si rare aujourd’hui : une morale : « Nous sommes responsables ».

 

 Photo © Brigitte Enguérand

 

Voltaire Rousseau de Jean-François Prévand


Mise en scène : Jean-Luc Moreau et Jean-François Prévand

Théâtre Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi à 19 h,

Dimanche , 17 h 30

01 45 44 50 21


 

www.theatredepoche-montparnasse.com

 

19/03/2014

Quel homme !

 

 

On ne vous présentera pas Dom Juan. Sa renommée est universelle et traverse la littérature dramatique, poétique, romanesque, l’opéra et  le cinéma. Mais si vous ne l’avez jamais vu, il faut courir au Théâtre 14. Arnaud Denis y met en scène le Dom Juan  de Molière et interprète le rôle titre avec une telle intelligence que vous ne pourrez plus entendre parler du personnage sans l’imaginer sous ses traits.

Théâtre, Théâtre 14, Molière, Arnaud DenisDom Juan est jeune et  beau, vêtu de soie, d’or et de dentelles (Costumes : Virginie Houdinière). Il est noble et ne vit que pour sa jouissance. « Quel homme ! » qui ne respecte rien, ni religion, ni morale, ni famille. Il vient à peine d’épouser Doña Elvire (Alexandra Lemasson) que déjà, il pense à une nouvelle femme. De Charlotte (Eloïse Auria) en Mathurine (Julie Boilot), il court le jupon. Théâtre, Théâtre 14, Molière, Arnaud DenisIl n’obéit qu’à son désir et se moque des leçons de modération de son valet Sganarelle (Jean-Pierre Leroux). Matérialiste, cynique, il n’hésite pas à provoquer son père, Dom Louis (Vincent Grass) : « Mourez le plus tôt que vous pourrez », ajoutant à ses vices celui qui, selon Molière les surpasse tous : l’hypocrisie.

Arnaud Denis restitue le climat de luxure et de volupté dans lequel baigne ce jouisseur effréné.
Théâtre, Théâtre 14, Molière, Arnaud DenisIl esquisse une soirée libertine, au cours de laquelle des valets peuvent devenir mirebalais et des dames galantes masquées se prêter à toutes les complaisances, embarquant un M. Dimanche (Gil Geisweiller) prompt à succomber à la tentation. Dom Juan affiche un sourire effronté, caresse ceux qu’il veut séduire, hommes ou femmes, Dom Carlos (Jonathan Bizet) ou sa sœur, qu’importe ! « Un grand seigneur méchant homme est une terrible chose », dit Sganarelle qui s’épuise à suivre son maître. Brave Sganarelle ! Jean-Pierre Leroux, lui donne une bonhomie inquiète, une tendresse quasi paternelle, et passe avec finesse, en un éclair, de la révolte au renoncement pour cause de couardise. Jonathan Bizet, Loïc Bon, Stéphane Pevran se partagent les neuf autres rôles avec brio.

La statue du Commandeur ? La « participation virtuelle » de Michael Lonsdale est stupéfiante. Le masque qui semblait de pierre reçoit des hologrammes transformant les traits d’une statue romaine en ceux du comédien, mais flous et fluctuants, comme une apparition fantomatique. Les créations vidéo de Sébastien Sidaner, les lumières de Laurent Béal donnent au décor d’Edouard Laug la profondeur d’une destinée. C'est sublime. 

Vous attendez la punition du Méchant ? Elle est d’une invention diabolique et prodigieuse. Vous vous souvenez sans doute que la source de Dom Juan est un fait divers. Après avoir enlevé, déshonoré et abandonné la fille, un seigneur  espagnol, Juan Tenorio, avait assassiné le père, commandeur de son état. Une nuit d’orage, le criminel demanda asile dans le couvent où se trouvait le tombeau du commandeur. Et on dit que les moines déclarèrent qu’il avait été foudroyé…

Eh bien ! Ces moines sont là, sur la scène, et encerclent Dom Juan…

Mais... allez-y, et en voyant ce Dom Juan-là, vous aussi, vous direz : « Quel homme ! »

 

 

Photos : © LOT

 

Dom Juan de Molière

Mise en scène d’Arnaud Denis

Jusqu’au 26 avril

Théâtre 14

01 45 45 49 77

 

 

16/03/2014

Les vertus qu’on exige des maîtres

 

Arlequin (Jérémy Lopez) et son maître Iphicrate (Stéphane Varupenne) rescapés d’un naufrage se retrouvent sur l’île des esclaves, territoire où « des esclaves de la Grèce, révoltés contre leurs maîtres », se sont établis et leur loi  serait  « de tuer tous les maîtres qu'ils rencontrent, ou de les jeter dans l'esclavage ». Théâtre, Marivaux, Comédie-Française, littératureOn comprend que le maître est inquiet tandis qu’Arlequin est satisfait… Trivelin (Nâzim Boudjenah) le rassure, on se contente de corriger leurs défauts en inversant les rôles. Pour Euphrosine (Catherine Sauval) et son esclave Cléanthis (Jennifer Decker) qui débarquent, même peine, même motif.

Ils ont été des maîtres tyranniques, vains et dédaigneux, ils vont devoir subir les injures, les arrogances de la part de ceux qu’ils ont méprisés. Marivaux, esquisse donc en 1725, ce qui deviendra, cinquante ans plus tard chez Beaumarchais, une des revendications de Figaro dans le Barbier de Séville : « Aux vertus qu'on exige dans un domestique, votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ? ».

Mais l’heure n’est pas encore à la satire, les valets se montrent généreux envers leurs maîtres qui n'ont pas encore acquis beaucoup de vertus, mais regrettent leurs fautes, première étape de l’épreuve. Ils jurent de s’amender. Seront-ils s'en souvenir quand ils regagneront leur patrie ?

Les lumières de Pascal Noël glissent dans un décor de toiles nuançant tous les ocres (Scénographie Lisa Navarro), les impétrants abandonnent leurs vêtements familiers et revêtent un pantalon écru et une tunique pourpre, galonnée pour les esclaves (Costumes Bernadette Villard). La mise en scène de Benjamin Jungers est simple et claire et les comédiens semblent déguster le texte de Marivaux, souligné d’une musique ironique de Denise Chouillet, interprétée clarinettiste Fabrice Villard.

L’Île des esclaves  n’est peut-être pas la pièce engagée que certains souhaiteraient, mais elle contribue au combat, ne serait-ce que pour une belle langue, le français.

 

 

Photo : © Cosimo Marco Magliocca

 

L’Île des esclaves   de Marivaux

Studio-théâtre de la Comédie-Française

Du mercredi au dimanche à 18 h 30

01 44 58 98 58