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29/06/2010

A lire (8)

 

 

Jean Anouilh aurait eu cent ans cette année. Pour commémorer l’auteur qui l’a encouragée à écrire, Anca Visdei publie une biographie : Anouilh, un auteur « inconsolable et gai.

Elle retrace les étapes de la carrière du grand auteur dramatique, gravit avec lui le chemin de ses succès, explique les raisons des échecs, commente les inimitiés tenaces (et injustes) dont il fut l’objet, corrige un certain nombre de préjugés. Elle entrecroise des témoignages, des critiques, avec des citations de Brel, autre grand pessimiste, pourfendeur d’hypocrisie. Elle recense les interprètes qui l’adulèrent et les critiques qui le haïrent.

Cette saison, on a vu Colombe (Comédie des Champs-Élysées), cet automne, on verra Léocadia (Théâtre 14), à quand un hommage du théâtre non subventionné auquel Jean Anouilh donna la plupart de ses œuvres ?

 

Visdei Anca, Anouilh, un auteur « inconsolable et gai édition les Cygnes, prix : 20 €

29/04/2010

Paris, toujours !

 

 

 

Redingotes rouges et collants noirs, elles ont l’ingénuité et l’insolence des grandes comédiennes. Delphine Haber et Isabelle Siou, venues du théâtre, ont concocté une « balade parisienne » peu ordinaire. Elles aiment Paris et elles aiment ses poètes. Elles ont donc cousu avec une grande intelligence des textes du XXe siècle qui parlent de la capitale.

 Elles annoncent, Apollinaire, Queneau, Franck Venaille, Jacques Roubaud, Gainsbourg, Brassens, et on prend naturellement bien du plaisir à les retrouver. Cependant, l’attrait du spectacle est la découverte des textes nouveaux, et spécialement ceux de Yan Pradeau, musicien et auteur de chansons délicieusement acidulées.

Fines et souples comme des lianes, jumelles en scène, elles chantent et dansent autour d’un de ces bancs publics chantés par Brassens, et sur lequel Benoît Mellal, leur metteur en scène a installé « leur » musicien Yan Pradeau.

Cette heure de cabaret bien tempéré vous donne un spectacle épatant, qui vous met en appétit pour toute la soirée. Vous auriez raison d'y aller très vite.

 

 

Balade parisienne

Cabaret de chansons et de poésies

Théâtre du Ranelagh

01 42 88 64 44

Du mercredi au samedi à 19 h

Samedi à 16 h 30

Dimanche à 15 h

 

31/01/2010

L’Homme mutilé

À La Courneuve, au cœur de la cité, Pierre Constant a formé une troupe théâtrale en 1974. Il demeure aujourd’hui un collectif de création formé de Marc Allgeyer, Damiène Giraud, Maria Gomez, Jean-François Maenner, Jean-Luc Mathevet, Jean-Pierre Rouvellat. Ils y mènent une action de formation, de sensibilisation, afin « d'allumer les flambeaux de l'esprit », comme disait Hugo.

 Cette année ils ont choisi « d’emprunter le chemin du théâtre par le biais du roman ». L’Homme qui rit  de Victor Hugo, certes moins populaire que Les Misérables poursuit cependant les thématiques hugoliennes du peuple, de la misère, de l’injustice des Grands, de la bâtardise et du monstre.

Gwynplaine a été vendu, à l’âge de deux ans « par ordre de sa très gracieuse majesté le roi Jacques deuxième » aux comprachicos. Ces « acheteurs d’enfants » l’ont défiguré pour en faire un bouffon. Il porte sur le visage une grimace de rire permanent. Il a dix ans lorsque ces criminels l’abandonnent sur la côte de Portland. C’est un soir de janvier 1690, il neige et la tempête fait rage. Les comprachicos font naufrage. Afin de se décharger de leurs péchés : « Jetons à la mer nos crimes. Ils pèsent sur nous. C'est là ce qui enfonce le navire », ils rédigent une confession qu’ils enferment dans une bouteille avant de la jeter à la mer. « Quelque chose surnagea, et s'en alla sur le flot dans l'ombre. C'était la gourde goudronnée que son enveloppe d'osier soutenait. »

Pendant ce temps, sur la côte, le gamin, en pleine déréliction ,va trouver plus misérable que lui : un bébé vivant sur le cadavre de sa mère morte de faim et de froid pas très loin d’un gibet. Les deux enfants, sont recueillis par un saltimbanque philosophe, Ursus, qui vit avec un loup, nommé Homo. Quinze ans plus tard, à Londres, ils donnent une pièce : Chaos vaincu. Grâce aux changements politiques, à la découverte du message de la bouteille, à la convoitise de la duchesse Josiane et aux sombres menées de Barkilphedro, Gwynplaine retrouve son identité de lord Clancharlie.

Mais à son discours révolutionnaire : « Je représente l'humanité telle que ses maîtres l'ont faite. L'homme est un mutilé. Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l'intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles; comme à moi, on lui a mis au coeur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. », l’assemblée éclate de rire car, « quoi que fît Gwynplaine, quoi qu’il voulût, quoi qu’il pensât, dès qu’il levait la tête, la foule, si la foule était là, avait devant les yeux cette apparition, l’éclat de rire était foudroyant. » Gwynplaine quitte les aristocrates pour retourner avec Ursus et Déa. Trop tard, Déa meurt dans ses bras.

L’intrigue efflorescente, abonde en digressions dans un contexte historique embrouillé, mal connu des Français. Plutôt que d’en rester à « la carcasse » du drame, Marion Lécrivain, qui signe aussi la mise en scène « démembre » le texte. À l’inverse du roman où les membra disjecta se ressoudaient dans la « caverne pénale », en présence de Gwynplaine devenant Lord Fermain Clancharlie. L’adaptation de L’Homme qui rit que signe Marion Lécrivain témoigne d’un grand sens de la scène.

Sur un plateau nu, large promontoire, dort une forme indistincte. Pour atteindre ce proscenium, il faut descendre du fond de scène et traverser un fossé. La scénographie, d’emblée, trace l’errance, le dépouillement des êtres. Les lumières de Julien Barbazin y ajoutent des contrastes forts, des zones d’ombre, des reflets rares pour ces personnages qui se débattent dans la nuit de leur misérable existence. Trois comédiens forment une sorte de chœur pour assumer le récit à plusieurs voix. Ils incarnent parfois un personnage. Damiène Giraud est une conteuse, Lady Josiane, un Lord, Jean-François Maenner, un conteur, Lord David (le « fiancé » de Josiane), et Jean-Pierre Rouvellat, conteur, devient Hardquanonne (un des bandits), puis un Lord. Vêtus de costumes contemporains, ils endossent une redingote noire et se coiffent de chapeaux pour devenir lords. Seuls Ursus (Wahid Lamamra), Gwynplaine (Antoine Philippot), Dea (Camille Pélicier) ne changent pas de peau. Un personnage clé manque pour dénouer les fils et faire que les protagonistes se rencontrent, Barkilphedro, « l’âme reptile ». Hugo écrit « cet homme était très méchant. » C’est avec les âmes damnées qu’on fait les bons drames. Supprimer Barkilphrdro, mutile la narration.

Alors, malgré la beauté des images, malgré les extraits parfaitement interprétés, le public demeure souvent dans l’abstraction. Il lui reste surtout des « impressions ».

Sera-ce suffisant pour qu’il ait envie d’ouvrir le roman ?

 

 

 

On peut recommander le film L'Homme qui rit, un chef d’œuvre de Paul Leni, (USA, 1928), et

L’Homme qui rit, de Jean Kerchbron, œuvre pour la télévision en trois épisodes, 1971.

 

 

 

L'homme qui rit d’après le roman de Victor Hugo

adaptation de Marion Lécrivain

Centre culturel el Jean-Houdremont

11, ave du Gl-Leclerc

La Courneuve

jusqu'au 21 février

0148 36 11 44