26/03/2011
Sans préjugé
Dorante (Olivier Broda) aime Angélique (Marie-Julie de Coligny), mais elle, ne sait pas encore qu’elle en est amoureuse. C’est toujours le défi chez Marivaux.
Les valets, Lépine (Cédric Joulie) et Lisette (Anne-Laure Pons) s’avouent sans vergogne leurs sentiments, leurs désirs, mais les maîtres ont toutes les peines du monde à imiter leurs valets. Les jeunes filles nobles ont été éduquées à fuir la mésalliance. Angélique est fille de Marquise (Louise Jolly), Dorante n’est qu’un bourgeois. Certes, il est « honnête homme ». Mais, pour que Le Préjugé soit vaincu, les ruses des valets, les calculs de la mère seront bien nécessaires.
Bien loin de nous Marivaux ? Pas du tout ! Car Jean-Luc Revol nous joue la pièce au temps du mambo. Années cinquante, tourne-disque, jupons amidonnés et talons aiguilles (costumes d’Aurore Popineau), dans un décor suspendu entre gazon et ciel d’été (Emmanuel Laborde).
Olivier Broda est un jeune premier torturé attendrissant. Marie-Julie de Coligny une ingénue capricieuse. Cédric Joulie joue les grooms gouailleurs et sensuels. Louise Jolly en douairière faussement farfelue est épatante. La plus délicieuse est Anne-Laure Pons, rouée à souhait et dont le moindre battement cil rend le public complice et consentant.
Je ne suis pas sûre qu’au temps du mambo on ait encore eu des préjugés de classe, mais comme les idées toutes faites s’ancrent plus facilement que des idées généreuses, une mise en scène de Marivaux gagne toujours à être insolente. La jeunesse s’y reconnaît mieux : elle est sans préjugé.
Photos : © Pascal François
Le Préjugé vaincu de Marivaux
Théâtre Mouffetard
01 43 31 11 99
Jusqu’au 7 mai
16:11 Écrit par Dadumas dans Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, marivaux, jean-luc revol | Facebook | | Imprimer
19/03/2011
Un généreux égoïste
Léon de Saint-Pé est un personnage récurrent dans les dernières pièces d’Anouilh, et de La Culotte au Nombril, il fulmine contre les siens, la société, les journalistes, la terre entière. Foutu caractère que Léon et foutue famille que les Saint-Pé !
Jean Anouilh n’a jamais été un tendre, et, à l’automne de sa carrière, miné par la maladie, malmené par la critique, vampirisé par tous les pique-assiette qui le croient fort riche, il est devenu un peu ce Saint-Pé (Francis Perrin), cet auteur atrabilaire qui juge bien ingrats les humains, et injuste l’existence qu’ils lui font mener.
Il cite Molière « Pourquoi ne m’aimer pas, Madame l’impudente »*, car, devenu barbon, il doute de la sincérité de sa jeune maîtresse (Alexandra Ansidei). Il ne fait guère confiance à son ami Gaston (Éric Laugerias), tapeur professionnel, il se méfie de son médecin (Jean-Paul Bordes), ruse avec son ex (Francine Bergé), ses filles (Sarah Grappin, Perrine Tourneux), son gendre (Davy Sardou), mais finit toujours par céder. Chèques à la famille, chèque à Gaston, ou pourboires au livreur (Christian Bouillette), le soi-disant « égoïste », arrose tous les solliciteurs. Lui qui est accusé de « se regarder le nombril », écoute les doléances de chacun et les entretient malgré une lucidité amère. Il a l'égoïsme généreux, Léon de Saint-Pé ! Ou peut-être est-ce un faible qui ne sait pas dire non, et paye pour avoir la paix. Mal lui en prend !
Pour sa dernière mise en scène, Michel Fagadau a fait confiance aux acteurs qui dansent autour de Francis Perrin une parade cocasse, dans un décor trop sage de Mathieu Lorry-Dupuy, des costumes de Pascale Bordet qui situent la pièce dans les années cinquante plus que dans la décennie 80 où elle fut créée.
Anouilh reste un maître dans la réplique assassine, et la farandole des « fâcheux » se termine en ballet farcesque à la dernière séquence. La pièce aurait pu devenir un « bal des voleurs » plus actuel. Car, hélas ! Les humains ne se sont pas corrigés en trente ans…
* L’Ecole des femmes
Le Nombril de Jean Anouilh
Comédie des Champs-Elysées
01 53 23 99 19
20 h 45
22:03 Écrit par Dadumas dans culture, humour, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anouilh, le nombril, comédie des champs-élysées | Facebook | | Imprimer
18/03/2011
Petites formes
Il nous faut revenir ici sur le cycle Minyana au Théâtre des Abbesses (voir notre note du 7 mars).
Que ce soit De l’amour où des couples affamés de tendresse se croisent et se déchirent, ou Sous les arbres où des adolescents perdus vagabondent dans un monde où les adultes confondent sentiments et pulsion, la quête de l’amour nourrit les deux « petites formes » que signe Philippe Minyana cette saison.
Les mêmes comédiens servent le même auteur pour ces textes.
Laurent Charpentier (bouleversant déjà dans J’ai remonté la rue et j’ai croisé des fantômes), joue ici avec Marion Lécrivain, Océane Mozas, Gaëtan Vour’ch, auxquels se joignent, dans Sous les arbres, Luc Cerutti, Jean-Paul Dias, Bruno Galibert, tous très justes dans cette représentation où « rien n’est plus extraordinaire que la réalité ». Seul le metteur en scène change. Dans De l’amour, l’auteur et Marilyn Alasset assurent la mise en scène, dans Sous les arbres l’équipe est dirigée par Frédéric Maragnani.
Il y a dans l’univers de Minyana aujourd’hui une poésie rimbaldienne* qui fait chanter et danser les êtres sur le chemin de l’errance.
Et c’est très beau.
*Le Rimbaud des Illuminations
De l’amour, et Sous les arbres de Philippe Minyana
Théâtre des Abbesses à 18 h 30 et 20 h 30
01 42 74 22 77
Puis à Théâtre Ouvert du 22 mars au 2 avril
Réservation 01 42 55 55 50
accueil@theatreouvert.com
15:28 Écrit par Dadumas dans culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, philippe minyana, abbesses, théâtre ouvert | Facebook | | Imprimer