06/10/2016
L'homme qui aimait la nature
Pour construire leur personnage, les grandes comédiennes ne se contentent jamais ce qui est écrit pour leur rôle. Ainsi, pour interpréter à la Comédie-Française, la revêche Madame Lepic dans Poil de Carotte, Catherine Sauval partit à la découverte de Jules Renard en lisant le Journal qu’il tint jusqu’à ses derniers jours. Elle s’enthousiasma pour cet écrivain lucide et pessimiste, qui doute de tout et d’abord de lui-même, et raconte avec tendresse et ironie les heurs et malheurs de ceux qu’il côtoie.
Elle a choisi quelques passages du Journal, y a mêlé quelques pages des Histoires naturelles et des Bucoliques et le tout est devenu un spectacle Jules Renard, l’homme qui voulait être un arbre qu’elle joue avec une lumineuse présence et que Philippe Lagrue a mis en scène. Dans l’espace scénique, rien ou presque : une table à écrire, une chaise, un tabouret, un chapeau d’où elle tire quelques aphorismes de l’auteur, elle est la conteuse qui évoque Jules Renard, et transmet sa parole. Et c’est sublime.
Elle est cette voix mélancolique, pénétrante, souvent féroce envers les écrivains ses amis et rivaux. Elle est ce grand timide qui se savait orgueilleux et qui se déjugeait avant de juger les autres. Elle est cette douleur inconsolée d’être le mal aimé d’une mère terrifiante et cependant désirée. Elle est aussi le moraliste indulgent envers « les bêtises » de ses administrés – il fut maire de Chitry dans la Nièvre - ce sceptique qui pense que « Dieu n’arrange rien », mais qui loue la nature dans chacune de ses pages.
Souhaitons qu’elle joue aussi, un jour, les savoureuses scènes du Vigneron dans sa vigne ou des Philippe, ou simplement ces actes pétillants que sont Le Plaisir de rompre et Le Pain de ménage…
Photo : © Chantal Delpagne
Jules Renard, l’homme qui voulait être un arbre de et avec Catherine Sauval
d’après le Journal, bucoliques, et Histoires naturelles de Jules Renard
Théâtre de Poche-Montparnasse
01 45 44 50 21
tous les lundis à 19 h
23:28 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de poche-montparnasse, jules renard, catherine sauval | Facebook | | Imprimer
16/09/2016
Tout s’emplit d’harmonie…
Vous êtes fatigués ? Vous avez des soucis ? Vous êtes déprimés ? Les polémiques stériles vous rebutent ? Prenez une bonne dose d’Offenbach pour vous sentir requinqué ! Il n’est pas à l’affiche de l’Opéra ? L’Opéra-Comique est en travaux ?
Mais Yves Coudray a eu une idée lumineuse en cousant ensemble des duos irrésistibles, tirés de l’œuvre du « Petit Mozart des Champs-Élysées ». Dans Les Jeux de l’Amour et d’Offenbach, il imagine qu’Ernestine (Edwige Bourdy ou Mélanie Boisvert) soprano à la recherche d’un engagement, retrouve au cours d’une audition, son amour de jeunesse, Alphonse (Jean-Michel Séréni ou Lionel Peintre, baryton de son état. La pianiste (Nina Uhari, ou Erika Guiomar, ou Sophie Teulon) attentive et perspicace les accompagne sur le chemin d’une réconciliation délicate.
Disputes et chamailleries, avances et rebuffades, petites scènes et grands élans, tout se termine très bien et « s’emplit d’harmonie » pour la plus grande joie du spectateur.
Les voix sont bien timbrées, la pianiste a du talent, les costumes de Michel Ronvaux sont aussi somptueux qu’à l’Opéra Garnier.
Courez-y vite ! Ou prenez un abonnement …
Les Jeux de l’Amour et d’Offenbach
Fantaisie lyrique sur des musiques de Jacques Offenbach
Texte et mise en scène Yves Coudray
Théâtre de Poche-Montparnasse
01 45 44 50 21
Du mardi au samedi à 19 h
Le dimanche à 17 h 30
www.theatredepoche-montparnasse.com
19:29 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, théâtre de poche-montparnasse, offenbach, yves coudray | Facebook | | Imprimer
15/09/2016
Ô l’amour d’une mère !
Qui est la plus odieuse ? Maggie (Catherine Salviat), la mère tyrannique et scélérate ou sa fille indigne Maureen (Sophie Parel) qui la brutalise, et la tue ?
L’amour maternel chez Martin McDonagh n’a rien d’une vision romantique et Victor Hugo, Alfred de Musset, André Maurois, Romain Gary et Albert Cohen doivent se voiler la face !
L’amour d’une mère ? Un mythe !
Dans La Reine de beauté de Leenane, la vieille Maggie trouve normal que sa fille Maureen s’occupe d’elle. Lui en est-elle reconnaissante ? Pas du tout, elle se plaît à la mortifier, la contrarier, la moquer, détruire ce qui aurait pu lui apporter un peu de joie. Elle va sciemment empêcher sa fille d’être heureuse. Pat Dooley (Gregori Baquet), l’amoureux de Maureen et son frère Ray Dooley (Arnaud Dupont), maladroit « go-between », nouent le drame jusqu’à l’irréparable.
Ce duel effrayant est admirablement mené entre une Catherine Salviat surprenante en vieillarde rusée et méchante, et Sophie Parel belle jeune femme sensuelle qui semble faite pour aimer. La rage qu’elle ressent devant l’injustice faite mère, elle la communique au spectateur. Elles sont sublimes ! Gregori Baquet joue avec finesse l’amoureux platonique et Arnaud Dupont compose un adolescent pas futé avec beaucoup de justesse.
Sophie Parel dirige ses comédiens avec rigueur dans un décor de Philippe Varache, qui signe aussi les costumes.
La cuisine de ce bourg perdu du Connemara devient un huis clos infernal, la reine de beauté perd ses dernières illusions, tout amour est piétiné et sali, et pourtant… on rit des vacheries qu’elles se balancent, des mensonges qu’elle échafaudent, des vérités qui ne sont pas bonnes à dire. Gildas Bourdet qui avait traduit et créé la pièce, en 2003, en restitue l'humour noir au vitriol.
Nous sommes complices de la férocité de McDonagh.
Et pourquoi ne faudrait-il pas dépoussiérer les mythes ?
Photos © David Krüger
La Reine de beauté de Leenane de Martin McDonagh
Traduction de Gildas Bourdet (Avant-Scène théâtre N° 1135)
Théâtre du Lucernaire
01 45 44 57 34
Du mardi au samedi à19
Dimanche à 15 h
Mise en scène de Sophie Parel
18:16 Écrit par Dadumas dans Blog, humour, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre du lucernaire, martin mcdonagh, catherine salviat, sophie parel | Facebook | | Imprimer